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CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

Publié le mardi 1er février 2011 à 02h31min

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Voici une opinion favorable à l’usage de la force en Côte d’Ivoire pour ramener la paix. L’auteur, Yacouba Gnègnè, qui intervient à titre personnel, développe un argumentaire qui suit des sentiers battus.

L’idée d’une intervention militaire pour déloger M. Laurent Gbagbo du pouvoir divise. Qu’elle devienne effective ou non, et quel qu’en soit le bilan final, elle restera longtemps encore une question très controversée. Pour ma part, j’ai déjà exprimé mon soutien à une action énergique pour mettre un terme à l’aventure de M. Gbagbo et permettre à l’histoire de suivre son cours. Il a échoué à la tête de la Côte d’Ivoire, gaspillé une décennie de la vie du pays.

A la façon d’un gourou, il a réussi la prouesse de conditionner politiquement une proportion considérable d’Ivoiriens. Certes, Gbagbo a hérité d’un pays qui, déjà, se délitait. En tant que président, c’était son devoir de ressouder son peuple, de bâtir une nation. Un président sous le règne de qui un pays se fissure, se déchire ne peut donner une meilleure preuve de son échec à exercer cette charge. Depuis, il tient en otage la marche de l’histoire dans son pays. En cas d’intervention militaire en Côte d’Ivoire, des populations civiles ivoiriennes et résidentes, des soldats ivoiriens, de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou de l’ONU pourraient payer un lourd tribut.

J’ai une conscience profonde de ce que peut alors représenter une telle intervention, en termes de victimes humaines. Je mesure tout autant la nécessité, voire l’exigence morale qu’il y a à intervenir militairement dans ce pays. Le 29 décembre 2010, des intellectuels africains et européens ont signé un appel contre une intervention militaire en Côte d’Ivoire. Il commençait par ceci : « Profondément convaincus qu’une intervention militaire en Côte d’Ivoire serait de nature à aggraver une situation qui est suffisamment tragique, et plongera à coup sûr le pays et la sous- région dans la tourmente, les signataires de la présente lettre ouverte en appellent aux opinions publiques de toutes les nations et aux gouvernements de tous les pays épris de démocratie, de paix et de liberté, afin d’enrayer la menace de guerre qui plane sur ce pays."

Revoir le discours de Obama

J’ai beaucoup de respect pour les différentes voix qui se sont ainsi exprimées. Leur appel recèle des arguments qui ne peuvent pas laisser indifférent. Mais cette démarche et le refus à tout prix de l’action militaire au profit d’une voix non-violente ne peuvent seuls mettre fin au blocage et aux meurtres en Côte d’Ivoire. En particulier, lorsqu’on a le sens de l’Etat, on ne peut y souscrire entièrement. J’invite tous ceux qui sont dans le refus systématique de l’action militaire légitime à voir ou à revoir le discours du président Obama le 10 décembre 2009 devant le Comité norvégien du Prix Nobel. Obama rappelle que les déclarations et les traités n’ont pas suffi à apporter la paix dans le monde.

La force des armes et le sacrifice des soldats ont été déterminants dans la recherche d’un monde stable et prospère. C’est une triste vérité du monde tel qu’il est aujourd’hui. C’est cette réalité qui a conduit cet autre lauréat du Prix Nobel de la Paix, Nelson Mandela, à la tête d’Umkhonto we Siswe, la branche militaire de l’ANC. C’est la force des armes qui a arrêté la situation de guerre ouverte en Côte d’Ivoire en 2002, lorsque des troupes françaises se sont interposées entre les belligérants, ouvrant parfois mortellement le feu sur des rebelles. Au passage, sauvant sans doute le pouvoir de Gbagbo. Lorsque de telles interventions ont lieu pour des raisons humanitaires ou en soutien aux institutions démocratiques, elles ne visent pas la gloire, ni à imposer une quelconque volonté extérieure.

Elles sont commandées par l’exigence de responsabilité. Ces interventions doivent veiller à respecter scrupuleusement les standards internationaux qui encadrent l’usage de la force armée. Dans le cas présent, cela s’impose d’autant plus que ceux qui s’opposent au recours à la force citent en exemple les exactions commises par les forces militaires de la CEDEAO au Libéria dans les années 1990.

Un langage de vérité

C’est vrai, avant d’arriver à l’emploi de la force pour faire partir Gbagbo, il convient de s’assurer que toute possibilité de solution pacifique est épuisée. Après près d’une décennie de négociations longues, tumultueuses et harassantes, M. Gbagbo a achevé de convaincre de son manque de crédibilité et de son cynisme. Il a lassé tout le monde. Parce qu’il faut donner toutes les chances à une issue pacifique, les initiatives dans ce sens se sont malgré tout multipliées de nouveau depuis le blocage postélectoral de début décembre 2010. Gbagbo a été ménagé afin de lui laisser une porte de sortie. Mais rien n’y fait.

En vérité, tous ceux qui le connaissent bien ou qui suivent ce dossier de près depuis toujours, savent qu’il jouera indéfiniment de ruse et de cynisme pour gagner du temps, tant qu’il tiendra le palais de la présidence. Quelque extrême que puisse être la pression, elle ne réussirait qu’à faire de Gbagbo un "martyr" reclus dans son palais. Il faudra, tôt ou tard, passer à l’action militaire. Entre-temps, la liste macabre des victimes civiles se serait tristement allongée. Peut-être, le point le plus crucial d’une intervention militaire en Côte d’Ivoire est-il sa légitimité ?

Nous qui appelons des forces internationales à intervenir dans ce pays le faisons parce que nous sommes épris de démocratie, de paix et de développement en Afrique. Mais la justesse d’une intervention militaire en Côte d’Ivoire contre Gbagbo ne serait pleinement et définitivement perçue que si nous avons les mêmes exigences à l’endroit de tous les autres pays du continent, en particulier ceux de la CEDEAO qui travaillent activement à cela. Alors, il faut que les chefs d’État de la CEDEAO et les puissances occidentales qui les soutiennent se tiennent, yeux dans les yeux, un langage de vérité : « Si on intervient militairement en Côte d’Ivoire, et on doit le faire, chacun est désormais tenu de ne pas tripatouiller sa Constitution, de ne pas briguer plus de deux mandats présidentiels, de permettre une démocratie exemplaire dans son pays. »

Et j’espère de Alassane Ouattara et de Guillaume Soro qu’ils soient en première ligne pour plaider cela devant les présidents ouest-africains qui les soutiennent. Si nous manquons à cette exigence, nous ferons partir Gbagbo, mais nous mettrons longtemps à panser les blessures dans notre sous-région. Nous rendrons plus difficiles nos prises de position et nos interventions futures. Au nom de la démocratie et de la paix, débarquons Gbagbo, mais ne tombons pas dans l’arbitraire !

Yacouba Gnègnè Economiste, enseignant-chercheur, membre de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC). Les opinions émises sont ceux de l’auteur et n’engagent pas l’UPC. ygnegne@gmail.com

NDLR : Les intertitres sont de la rédaction

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 1er février 2011 à 09:21 En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    Regardons plus pour voir les arguments developpés par les Etats Unis à l’ONU pour justifier une intervention militaire en Irak. Aujourd’hui, tout le monde se rend compte du montage grossier qui a été fait pour cette opération. Je redoute que le cas ivoirien ne soit rien de plus qu’une autre opération psychologique pour des interets inavouables.
    Il est certain qu’une intervention militaire en Cote d’Ivoire aura des consequences chez les voisins, mais surtout chez l’Autre. Cela ne nous coute pas grand chose de lancer les troupes à l’assaut de Gbagbo et ses militants. Les victimes seront surtout des Ivoiriens et les destructions en Cote d’Ivoire.
    Pourtant, il faut l’en deloger. Ne me dites que nous sommes limités au point d’accepter detruire notre sous region pour resoudre cette equation.

    • Le 1er février 2011 à 15:14, par WEND-YAM En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

      Absolument oui, si les negociations ne donnent pas les resultats escomptés ,il n’ya pas d’autres solutions que l’options militaire pour instaurer la democratie et faire respecter le choix exprimer lors des elections sur la personne de Mr OUATTARA par le peuple ivoirien

    • Le 1er février 2011 à 15:39, par WEND-YAM En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

      Absolument oui, si les negociations ne donnent pas les resultats escomptés ,il n’ya pas d’autres solutions que l’options militaire pour instaurer la democratie et faire respecter le choix exprimer lors des elections sur la personne de Mr OUATTARA par le peuple ivoirien

    • Le 2 février 2011 à 13:13, par simson En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

      personne ne veut une guerre mais si on regarde de très près on n’est pas loin de cette guerre. Donc donnons place à la négociation et nous verrons ce que cela va donner comme résultat d’ici à un mois voir plus. Mais ne soyons pas dupe car après ce panel, je ne pense pas qu’on va encore dire qu’il faut une autre commission pour faire ceci ou cela. Il faut que les militaires prennent leurs responsabilités, si toutefois le panel échoue à faire partir Laurent.
      Il faudrait que les esprits mauvais arrêtent de parler mal au président du Faso car ce n’est pas Blaise COMPAORE qui a dit à la majorité de voter pour Alassane. D’ailleurs, si temps est que le peuple est derrière Laurent comme on prétend le faire croire pourquoi ne l’avoir pas permis de passé au premier tour ? Mon oeil

  • Le 1er février 2011 à 13:26, par Albert En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    L’intervention militaire, comme toutes les interventions militaires tuera plus de civiles que de militaires.
    Les populations innocentes seront les premières victimes de cette intervention.

    Ouattara est dans un hotel de Luxe à Abidjan. Il dort dans une suite de luxe, mange des repas gastronomiques... Bref, il vit bien.

    Gbagbo est dans un palais présidentiel, il dort dans des draps en soie, mange bien et vit bien.

    Le peuple se cherche, vit dans l’insécurité et a faim. Tout ce que vous proposez, c’est d’ajouter à leur malheur une guerre.

    Merci beaucoup, le peuple s’en souviendra.

  • Le 1er février 2011 à 16:28, par Ka-bém-hé En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    La Cote d’Ivoire vaut une guerre pour la paix .Combien de sang verser par les noirs d’Amérique pour que Obama soit ,combien de sang les enfants de Rhodesie (Afrique du sud},l’armée Rwandaise a installer Joseph Cabila,la Tanzanie a chassé Idi Amin.Bref le vieux savait mais avait peur de ce jour qu’un étrange puisse gouverner la Cote d’Ivoire ,état unit d’Afrique ,combien de burkinabé malien sénégalais ghanéen togolais béninoi Niger Nigeria,j’en passe ont suer pour faire a la cote d’Ivoire ce qu’elle est Aujourd’hui,pourtant malgré le droit du sol et des pièce ont vous dénie le droit d’être ivoirien alors qu’advienne ce qui pourras ,quel pays de la sous région peut ce targué de recevoir plus d’un million de ces ressortissants,Burkina Malien,Ghana,Sénégal,Nigeria,pour ne cité que cela alors qu’ils ont tous investit en cote d’Ivoire sous la bénédiction du vieux Félix

  • Le 1er février 2011 à 18:30, par Soyons Honnete En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    Pendant que le communaute Internationale est focalisee sur l’Egypte, c’est le monent pour ADO de frapper un bon coup pour se debarasser de Gbagbo. Nulle n’ignore qu’il faudra la force pour que Gbagbo parte. Le seul point non negociable restant precisement le point que Gbagbo souhaite negocier ; c’est a dire rester president de la CI.
    Le tour de la question est vite fait....

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  • Le 1er février 2011 à 18:57, par elvivo En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    Je toujours contre les interventions militaires.On sait quand une guerre commence mais on se sait pas quand ça finit.
    Les guerres qui ont duré des décennies ne devait pas duré aussi longtemps (on se dit chaque chaque fois que c’est juste quelques jours pour déloger quelqu’un ou un régime et puis vient l’enlisement).
    La meilleure solution est la négociation et les sanctions économiques !!!

  • Le 1er février 2011 à 20:46, par Mo’ En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    @ Albert:proneriez-vous le statut-quo ? le peuple pour le quel vous vous inquietez tant s’en trouvera plus mal etant donne que,vous l’avez dit ,Allassane est dans un hotel de luxe et Gbagbo au palais,aucun des deux ne se retracte ; il faudra ultimement choisir le moindre mal des deux pour en finir puisque c’est soit a une intervention militaire qui fera forcement des victimes innocentes ou "un dialogue" sans issue (nous le savons tous au fond de nous)qui : trainera l’economie au chaos ;engendre deja des exactions,donc des victimes innocentes. Je ne suis pas Ivoirien(precision qui pourrait m’attirer des foudres...),mais je suis Africain avec une conscience et surtout un cerveau que j’utilise ce qui me permet de me placer au dessus des positions partisannes et nationalistes pour vous dire qu’etre en faveur d’une intervention millitaire ne veut en aucun cas dire qu’on ne se soucie pas du peuple ivoirien,ou encore moins que l’on est enemie de ce dernier.

  • Le 2 février 2011 à 00:46, par polo En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    Personnellement , je pense que la logique veut qu’une intervention militaire s’opère en Cote d’Ivoire. Ceux qui s’y oppose ont des intérêts ex : le Ghana a cause semble t-il de son pétrole prêt de la Cote d’ Ivoire et qui..... ; La Russie a cause de la ..... que Gbagbo doit. Tout ceux qui s’y oppose le font par intérêt. Et c’est cela que nous devons combattre parce qu’en terme de vie humaines les interets occupent un seconde place.

  • Le 3 février 2011 à 12:36, par lourece2 En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : L’intervention militaire comme instrument de paix

    Ecoutez bien cela et pour toujours:quand l’espoir se tait ce sont les armes qui parlent el presidente KONARE dixis.s’il faut verser le sang de quelques individus pour sauver toute une nation entière l’heure est venue de passer à la très noble action.D’ailleurs l’idée selon laquelle ADO et KOUDOU dorment dans le luxe ne tient pas ici car on a beau vivre dans le luxe tant qu’on a pas la paix dans le coeur on ne peut pas dormir ok ?excuzez moi mais vous avez vu comment son Excellence G. SORO a maigri ?alors ! ce qui est sûr il n’ya jamais de conflit sans dégats collatéraux.et sachez bien que des hommes sont là par conséquent pour des causes pareilles.Et soyez en sûr cette minorité ne tiendra pas longtemps face à la démocratie.faites confiance à ceux chargés d’instaurer la démocratie par les armes dans ce cas précis.

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