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Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

Publié le mercredi 26 janvier 2011 à 01h09min

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Si vous avez, le 11 janvier 2011, détesté les déclarations de notre ministre (UMP) des Affaires étrangères et européennes, Michèle Alliot-Marie, devant les députés de l’Assemblée nationale française, proposant « le savoir-faire, reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité » au pouvoir tunisien qui réprimait déjà durement les manifestants descendus dans la rue, vous allez détester plus encore les déclarations du président (UMP) de la commission des affaires étrangères de cette même Assemblée nationale, qui, le dimanche 23 janvier 2011, lors de l’émission « Internationales TV5 Monde-RFI-Le Monde » a évoqué, sans rire, « une partition de la Côte d’Ivoire ».

« La situation étant complètement bloquée », a-t-il expliqué, c’est « une perspective qu’il ne faut plus écarter » dès lors que « toute cohabitation entre MM. Gbagbo et Ouattara et par conséquent entre les régions qu’ils représentent » serait « impossible ».

C’est incontestablement la plus ahurissante proposition jamais formulée par une personnalité politique française depuis… celle de Alliot-Marie. « La partition de la Côte d’Ivoire… ! ». C’est l’ethnicisme et le tribalisme érigé en mode de production politique, une vision ancestrale et coloniale de l’Afrique noire, la dénégation de la démocratie et l’affirmation - déjà formulée par Jacques Chirac - qu’elle n’est pas faite pour les « nègres ». Puisqu’ils ne peuvent pas régler leurs problèmes, eh bien ! qu’ils retournent chacun dans sa « chefferie ». Le plus effarant dans ces deux affaires, qui donnent une couleur « berlusconienne » à notre diplomatie, c’est que ces propos ne sont pas tenus par des imbéciles, des incompétents, des ignares, des opportunistes… Non, Alliot-Marie et Poniatowski sont des personnalités qui, au-delà de tout jugement politique partisan, « tiennent la route ».

Je rappelle que Alliot-Marie porte encore le nom de son mari (dont elle est divorcée depuis longtemps), Michel Alliot, figure majeure de l’anthropologie juridique africaine, conseiller de Léopold Sédar Senghor (après avoir enseigné à Dakar), président d’université, recteur d’académie. En 1967, il m’a assuré l’essentiel de ma formation juridique en matière africaine ; j’en garde un souvenir ébloui. Michèle Alliot-Marie n’est pas arrivée au Quai d’Orsay (avec un titre de ministre d’Etat) - par hasard. C’est l’aboutissement d’une longue carrière au sein de la droite, au gouvernement comme dans les rangs de l’UMP et du RPR dont elle a été la patronne.

Axel Poniatowski, quant à lui, est un des fils du prince Michel Poniatowski. Un baron du giscardisme. Homme politique d’envergure, écrivain prolixe, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur de 1974 à 1977. Michel Poniatowski, mort le mardi 15 janvier 2002 à 79 ans, avait radicalisé son discours politique au lendemain de l’arrivée des socialistes au pouvoir en France ; ainsi, il défendra des « arrangements électoraux » avec l’extrême-droite.

Son fils, Axel, est un héritier. Né à Rabat, au Maroc (où son père était chef de cabinet du directeur des finances), ayant une formation de manager et ayant exercé en entreprise (groupe Thalès), il va conquérir le fief électoral de son père : la mairie de l’Isle-Adam, en région parisienne, puis son mandat de député dans le Val d’Oise. Ce n’est que depuis 2002 qu’il siège au Palais Bourdon.

Axel Poniatowski, qui siègera alors à la commission Défense de l’Assemblée nationale, défendra une position atlantiste (en rupture avec la position officielle de l’Elysée) à la veille de l’invasion de l’Irak par les « Bush-Men ». Et pour comprendre sa prise de position en faveur d’une partition de la Côte d’Ivoire, c’est du côté de Paris, Washington et Bagdad qu’il faut aller.

Atlantiste certes, Poniatowski n’était pas pour autant un pro-« Bush-Men ». « M. Bush n’est malheureusement pas M. Clinton, qui aurait probablement géré cette situation différemment et plus adroitement », disait-il à l’époque. Il « redoutait » la guerre contre l’Irak mais jugeait qu’elle était « cependant, peut-être nécessaire ». Saddam Hussein était un des pires dictateurs, mais était-il « réaliste de vouloir imposer un nouvel ordre démocratique sur la planète entière ? ». Sauf « si nos intérêts [étaient] menacés directement ou indirectement », Poniatowski était « de ceux qui pensent que le statu quo dans la péninsule arabique est le meilleur garant de la protection de nos intérêts économiques et politiques » ; il considérait que « l’équilibre politique de ces Etats [du golfe] repose sur une légitimité ancestrale dont le bouleversement ouvrirait la porte au fondamentaliste religieux ». Conclusion : il nous fallait donc « être aux côtés de [nos] alliés américains comme nous l’avons toujours été, l’un pour l’autre ». En fait, Poniatowski prônait la partition de l’Irak en « trois Etats indépendants et souverains » qui regrouperaient les « Kurdes sunnites au nord, les Arabes sunnites au centre et les Arabes chiites au sud ».

Remplacez « Irak » par « Côte d’Ivoire ». Et vous comprendrez mieux ce que voulait dire Poniatowski dimanche lors de son interview. Les interventions de la France aux côtés de la « communauté internationale » (ou de ses « alliés », ce qui revient au même) ne seraient justifiées que dans une perspective de « protection de nos intérêts économiques et politiques » et de barrage au « fondamentalisme religieux ». Si on reporte sur le « dossier ivoirien », la grille de lecture qu’emploie Poniatowski pour le « dossier irakien », on comprend mieux sa démarche.

J’ajoute que sur ce dernier dossier, Poniatowski ne débarque pas. Quand au lendemain du 18-19 septembre 2002, la France va s’y embourber, il sera le seul homme politique français à apporter une réponse sans ambiguïté aux questions qui se posaient alors. Dans Le Figaro du 18 octobre 2002, un mois après les événements, il dénonçait une « politique du ni-ni, ni intervention, ni ingérence » qui conduira Paris à « assister à la dégringolade de son ex-colonie ». Il écrira alors : « Pourquoi la chute de Laurent Gbagbo est-elle inévitable ? D’abord parce que les forces loyalistes de l’armée ivoirienne sont incapables de résister aux mutins. Seuls les mercenaires ou une intervention étrangère pourraient aujourd’hui y parvenir. Ensuite à cause de l’élection tronquée de Gbagbo à la présidence de la République […] Ce dernier serait finalement bien inspiré de faire aujourd’hui ce qu’il n’a pas fait ce jour-là : se démettre et annoncer des élections libres. Faute de quoi la Côte d’Ivoire se dirige soit vers la guerre, voire vers une solution militaire, forcément provisoire ». Il ajoutait : « Je pense enfin que la libre candidature d’Alassane Ouattara à la fonction présidentielle s’impose ». Il précisait : « Ex-premier ministre, ex-directeur adjoint du FMI, il reste un des seuls véritables hommes d’Etat de l’Afrique de l’Ouest africain. Et bien que musulman du Nord et malgré les passions qu’il suscite, il a l’intelligence et le doigté politique pour réussir. Il est une des solutions possibles quand toutes les autres ont échoué ».

En 2002, Poniatowski était un député tout neuf, membre de la commission Défense. Aujourd’hui, il préside la commission des affaires étrangères. C’est dire que, tout comme Michèle Alliot-Marie, il sait le poids des mots et il les utilise à bon escient, même s’il ne livre jamais le fond de sa pensée. La partition de la Côte d’Ivoire c’est, selon lui, sauver les apparences « démocratiques » tout en sauvegardant les intérêts français et « occidentaux » dans le pays.

Reste à savoir s’il roule pour notre gouvernement ou pour Bolloré, Bouygues et les autres dont personne n’ignore leur connexion avec Laurent Gbagbo et leur hyper-puissance dans le Sud de la Côte d’Ivoire. En quelque sorte, une Côte d’Ivoire « utile » pour les intérêts (privés) français.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 25 janvier 2011 à 12:19, par doums En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    S’il ne sait pas faire une analyse politique d’une situation comme de la côte d’ivoire, il pouvait nous épargner des âneries telles les solutions qu’il préconise pour mettre fin à la crise actuelle. C’est vraiment décevant de la part d’un parlementaire d’un grand pays qui se dit à l’avant de la démocratie dans le monde. "A chaque pays ses brebis galeuses".

  • Le 25 janvier 2011 à 16:28, par Tano En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    Axel, je crois que tes bons offices seront plutot les bienvenus chez ton voisin la Belgique. C’est dommage que la myopie politique devore l’esprit d’un homme d’etat comme toi. C’est animes d’une telle etroitesse politique et intellectuelle que tes paires ont jadis divise l’Afrique et creer aveuglement des frontieres artificielles dont les consequences minent jusqu’aujourd’hui la vie des Africains. Merci Alex, mais je pense qu’il faut mettre d’abord de l’ordre dans sa propre maison (EU). La Belgique est sans gouvernement depuis plusieurs mois. Je te souhaite plus de chance sur ce dossier.
    Tano

  • Le 25 janvier 2011 à 18:29, par coolpenseur En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    A première vue, ce type de réflexion parait hors de propos.
    Mais à bien regarder ce qui se passe en cote d’ivoire,avec une carte des sensibilités politiques totalement ethnique,il est franchement difficile pour ce pays de s’en sortir.
    Je ne suis pas pessimiste, mais, m’entretenant avec un ivoirien soit disant neutre et n’ayant voté pour personne,il me fait savoir qu’il ne sait pas de sa position qui a vraiment gagné les élections et pour ramener la paix selon lui ,il faut laisser Gbagbo diriger et c’est tout.
    A ce jeu, bien malin qui peut conjecturer sur le sort de ce pays.
    Quelqu’un a dit un jour "la démocratie est un un luxe pour l’Afrique".
    On ne doit s’en prendre qu’a nous même.

  • Le 25 janvier 2011 à 18:49, par Hess En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    « La partition de la Côte d’Ivoire… ! ». C’est l’ethnicisme et le tribalisme érigé en mode de production politique, une vision ancestrale et coloniale de l’Afrique noire, la dénégation de la démocratie et l’affirmation - déjà formulée par Jacques Chirac - qu’elle n’est pas faite pour les « nègres ». Puisqu’ils ne peuvent pas régler leurs problèmes, eh bien ! qu’ils retournent chacun dans sa « chefferie ».

    M. BEJOT exagère certainement. Des ivoiriens de l’intérieur et de l’extérieur en parlent. Le député n’a rien inventé à moins que lui et ses sbires de l’ombre aient insoufflé l’idée. Mais certains ivoiriens parlaient de cela avant l’émission télévisée.

    Hier Inde, l’URSS, la Yougoslavie ? la Tchecoslovaquie ? Indonésie... Aujourd’hui et peut-être demain la Belgique, le Québec, etc. Ce ne sont pas des nègres. Quoique même dans ces cas il y a de l’ethnicisme et le tribalisme comme dans toute l’histoire mouvementée de l’Europe.

    D’accord avec vous, il ne faut surtout pas partitionner la Côte d’Ivoire. Il faut rappeler que même sans les voix du Nord, Ouattara est crédité (par Gbagbo !!!) de plus de 45% des voix. Il n’est donc pas élu grâce au Nord seulement.

  • Le 3 février 2011 à 12:34, par Jimmy En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    Monsieur Poniatowski a bien raison. La commission des affaires étrangères du Palais Bourbon connaît très bien la question Ivoirienne. Elle la connaît encore mieux que le quai d’Orsay et la cellule afrique de Sarkhozy à l’élysée.
    C’est pas une vaine affirmation. Tôt ou tard comme je l’ai déja écrit, la Côte d’Ivoire n’existera plus à tant que telle, avec ses frontières et son terrtoire hérités de la colonisation.
    La séparation avec le nord est une idée qui s’avère de plus en plus évidente dans pas de cercles de réflexion sur les bords de la lagune Ebrié. Ce ne sera pas une simple faute des Ivoiriens du Sud. C’est aussi une volonté implicite des Nordistes qui il y a quelques decennies avaient déja rédigés la charte du Nord, depuis l’arrivée de Ouattara.
    En plus de cela, trop de sang versé, trop de blessures, trop de rancoeurs dans les coeurs et une sécession qui ne dit pas sont nom,ne peuvent aboutir qu’à une inéluctable séparation entre le Nord et le sud. Aujourd’hui bcp d’Ivoiriens du sud ne vont plus au nord. Non seulement ils ne sont pas les bienvenus, mais de surcoît ils ne se sentent pas chez eux. Pendant ce temps, les Nordistes et les étrangers circulent en toute liberté dans la zone sud. Une injustice que personne à commencer par vous, amis et supporter de Outtara et sa rebellion n’avez jamais eu le courage de dénoncer. Une sorte de deux poids, deux mésures.
    Si séparation il y a, au moins iln’y aura plus de risque pour les Nordistes de se sentir confondus aux étrangers.

  • Le 3 février 2011 à 18:31, par GUEMAGUE En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    VOICI UN DINDON QU VEUT QU’on divise notre pays

  • Le 3 février 2011 à 22:27, par simpleent En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    Voici ce que disent des gens : "la charte du Nord, depuis l’arrivée de Ouattara".
    Conclusion : Voulez vous nous dire que Mr ALLASSANE Ouattara est à la base de cette charte ou un co-auteur.Je comprends maintenant la crise ivoirienne.
    ¨Pauvre Afrique quand tes enfants dans la passion délirent.

  • Le 5 février 2011 à 23:27, par Boivard En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    @Jimmy, En effet les gens du nord ne seront plus pris pour des étrangers et la xénophobie disparaitrait.
    Il est temps d’en reparler. C’était le but visé par les propagandistes de la charte du nord en 92 avec l’entrée d’Alassane sur la scène politique ivoirienne.
    Aujourd’hui le nord n’appartenant qu’aux nordistes, ne serait pas plus juste, honnête et équilibrée que le sud revienne exclusivement aux sudistes ?

  • Le 6 février 2011 à 15:46, par Boivard En réponse à : Axel Poniatowski, président (UMP) de la commission des affaires étrangères, érige en perspective « une partition de la Côte d’Ivoire ». Pas par hasard !

    @Jimmy, En effet les gens du nord ne seront plus pris pour des étrangers et la xénophobie disparaitrait.
    Il est temps d’en reparler. C’était le but visé par les propagandistes de la charte du nord en 92 avec l’entrée d’Alassane sur la scène politique ivoirienne.
    Aujourd’hui le nord n’appartenant qu’aux nordistes, ne serait pas plus juste, honnête et équilibrée que le sud revienne exclusivement aux sudistes ?

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