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Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

Publié le samedi 1er janvier 2011 à 09h41min

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Jacques Vergès et Roland Dumas

L’ancrage africain de Roland Dumas a été permanent. Au cours de sa carrière politique comme de sa carrière d’avocat. Et bien au-delà de ses activités de ministre des Affaires étrangères (1984-1986 et 1988-1993).

Sa plus proche collaboratrice au sein de son cabinet d’avocat, qui détenait une procuration sur ses comptes (ce qui lui a valu d’être placée en garde à vue dans « l’affaire des frégates ») était Stéphanie Bordier ; elle était la fille de Paul Bordier, ami de François Mitterrand, ancien haut fonctionnaire colonial, en poste notamment au Niger et en Oubangui-Chari (aujourd’hui RCA).

En Afrique noire, si Dumas avait des connexions particulières avec Dakar (il a très bien connu Elisabeth Diouf, avant qu’elle ne devienne première dame du Sénégal, quand elle était la compagne d’un avocat au barreau de Paris), c’est avec Libreville qu’il a noué les connexions affairo-politiques les plus étroites. On se souvient que sa sulfureuse amie (« la Putain de la République »), Christine Deviers-Joncour, avait réalisé, via son agence Kairos, des travaux publicitaires pour le compte de la République du Gabon. Dumas lui-même avait signé un contrat de conseil pour la période où il n’était plus ministre des Affaires étrangères et pas encore président du Conseil constitutionnel.

Au Gabon, c’est l’Omnium gabonais d’assurances et de réassurances (OGAR) qui aurait été le pôle d’ancrage de Dumas. Cette compagnie d’assurances, qui était une filiale de la société française Athéna du groupe Préservatrice foncière d’assurances (PFA), aurait vu siéger à son conseil d’administration, Jean-Christophe Mitterrand, le fils de celui qui était alors chef de l’Etat. Il aurait été amené là par son ami Serge Varsano, patron de la société de négoce Sucres et denrées (Sucden) qui s’est illustrée dans la « guerre du cacao » menée par Félix Houphouët-Boigny à la fin des années 1980. Le conseiller juridique en aurait été Dumas.

A Paris, à la fin des années 1990, on contestait cette version des faits. Mais à Libreville, Edouard Valentin, alors directeur général d’OGAR (sa fille est l’épouse du président Ali Bongo Ondimba), reconnaissait avoir des liens d’amitié, à titre personnel, avec Dumas. Il ne faut donc pas s’étonner si, aujourd’hui, des rumeurs circulent quant à la… circulation de millions d’euros détournés des comptes de la BEAC entre Libreville et Paris pour le financement de partis politiques français (et plus certainement d’hommes… politiques !).

Dumas racontait, voici quelques années, qu’il avait créé, lorsqu’il présidait le Conseil constitutionnel, une « Conférence des Cours constitutionnelles francophones », création à laquelle le Gabon « a pris une part importante ». « Je voulais marquer, disait-il, l’intérêt que je portais au Gabon dont le président Omar Bongo me paraissait devoir jouer un rôle dans ce domaine si délicat du respect des principes constitutionnels qui gèrent les démocratie ». Au sujet de Omar Bongo, Dumas était sans limites. « Le président Omar Bongo a fait la preuve de ses talents et de ses qualités de chef d’Etat qui lui ont valu la fidélité des Gabonais et le respect des responsables de la planète. Il restera dans l’histoire comme le président qui aura conduit son pays jusqu’aux rives du XXIème siècle en le plaçant parmi les « grands » décideurs des affaires du monde. [C’est] un homme qui a été servi par les dieux et dont la vocation aura été de servir à son tour [c’est moi qui souligne] ».

C’est cela l’univers de Roland Dumas. Un univers très éloigné de celui des socialistes français. La journaliste Sylvie Pierre-Brossolette, qui connaît bien le milieu politique franco-français, et notamment sa dimension « socialiste », a écrit : « Avant de désigner Dumas au Palais-Royal [siège du Conseil constitutionnel], François Mitterrand avait été mis en garde contre un choix qui pouvait paraître défier les juges, tant la réputation d’affairiste collait, à tort ou à raison, à la peau de son ami. « Ils ne me prendront jamais ! », avait alors assuré l’avocat à son entourage. Boutade ou provocation ? ». Cet « affairisme » de Dumas et ce « défi aux juges » sont des données permanentes dans sa longue histoire personnelle qui est, aussi, la face noire des histoires de la République.

Dumas ne chantait pas que l’Internationale, le Temps des cerises ou la Butte rouge ; il était fan d’opéra. Et avait même fondé une association appelée Operalia qui soutenait les jeunes artistes lyriques. On y trouvait Christine Deviers-Joncour (« la Putain de la République ») en tant que trésorière, le ténor Placido Domingo, l’ex-tenancière de « bordel », Lucienne Goldfarb, plus connu sous son le blaze de « Katia la rouquine » et… Patrick Maugein.

Maugein est mort (très discrètement), à soixante ans, le mardi 5 décembre 2006 (cf. LDD Spécial Week-End 0258/Samedi 9-dimanche 10 décembre 2006). Mais son nom circule encore lorsqu’on évoque les « affaires » de la Vème République chiraco-mitterrandienne (la dernière fois, c’était au sujet de « l’affaire Karachi » dans Libération du lundi 6 décembre 2010). Du business de Maugein, on ne dit jamais grand-chose. Il aurait brassé des milliards, aurait sillonné le monde - où il aurait possédé de multiples résidences - dans son jet privé, aurait géré des dizaines de sociétés… C’était un « X », diplômé de l’Insead, originaire, tout comme Jacques Chirac, de Corrèze.

C’est donc du côté de la Corrèze que Maugein, homme d’affaires international, va trouver ses connexions politiques. Maugein et Chirac feront connaissance en 1978 via Jean-Marie Dauzier, agronome corrézien, qui, après avoir été le patron du Crédit agricole (et le frère de Pierre Dauzier, l’ex-patron de Havas Conseil), s’était lancé dans le négoce du café et du cacao en Afrique. Maugein va jouer de cette proximité régionale et amicale pour s’introduire auprès des chefs d’Etat, notamment en Afrique noire où l’on sait le poids du « cousinage ». Mais Maugein n’est pas exclusif en amitié. Il aimait bien Chirac ; mais il aimera bien, également, Dumas, élu de Sarlat, autrement dit un « cousin » par alliance des Corréziens. D’où cette proximité politico-affairiste entre les deux hommes.

On se souvient du dessin de Plantu, dans Le Monde, où Chirac consolait Dumas des désagréments qu’il connaissait du fait de « l’affaire Elf » et de quelques autres ; derrière un nuage, un ange commentait à François Mitterrand, mort depuis quelques années : « Ils ont l’air de bien s’entendre ! » ; « C’est peut-être ça la gauche plurielle ? » s’interrogeait l’ex-président de la République.

Ce ne sont là que quelques éléments biographiques. Qui illustrent la réelle fracture qu’il y a, en France, entre la gauche sociale et la gauche politique « mitterrandienne ». On notera que Pierre Mauroy étant premier ministre, Dumas n’était pas au gouvernement ; et que Michel Rocard, lorsqu’il sera appelé à former le gouvernement, se sera opposé, en vain, à son maintien au Quai d’Orsay. Dumas aimait vivre à l’ombre ; mais en habit de lumière. Il a mal supporté d’être, au temps des « affaires », sous le feu des projecteurs. Mais ils ont permis d’éclairer les zones d’ombre de celui qui a été l’homme-clé des « années Mitterrand ».

L’homme pour qui Bongo « a été servi par les dieux et dont la vocation aura été de servir à son tour » veut servir Laurent Gbagbo. Au nom de l’Internationale socialiste, de la démocratie, du respect de la Constitution ? Qu’on me pardonne, mais compte tenu du parcours de Dumas, y-a-t’il quelqu’un d’assez « con » pour le croire ? Cet homme-là marche avec une canne et une chaussure orthopédique ; mais compte tenu des « casseroles » qu’il traîne, je m’étonne qu’il soit encore capable de mettre un pied devant l’autre. Pour aller de son hôtel particulier de l’île Saint-Louis jusqu’au palais présidentiel d’Abidjan. Cela ne l’honore pas. Et laisse penser que Gbagbo est vraiment à court de soutiens pour l’aller chercher dans les ruines du « socialisme » français !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 3 janvier 2011 à 02:31 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    voila deux avocats qui eux aussi seront roules dans la farine pour ensuite etre grilles avant d etres epluches et jettes dans la lagune ebrie.

    • Le 4 janvier 2011 à 22:35 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

      mais mon pauvre, tu n’as rien compris, ces 2 has been, sont là juste pour pomper le fric mafieux de Gbagbo. Pour 2 ou 3 jours à Abidjan, combien ses 2 vieux ont gagnés ? plus qu’un smicard français en 42 ans de carrière avant de prétendre aller en retraite. Maintenant, tu peux convertir avec le smic burkinabè.
      Alors qui roule qui dans la farine entre vieux cons ? Ils ne seront jamais jeter dans la lagune Ebrié mais bien le pauvre peuple ivoirien pendant que ces 2 avocats véreux siroteront le champagne sur les champs élysées ou ailleurs de l’argent sale.

  • Le 3 janvier 2011 à 08:13, par sauvy En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    Avec tout ce discours de Gbagbo sur le colonialisme, la souveraineté, le candidat de l’étranger, la France, la communauté internationale.... je ne sais quoi encore, ce sont les vieux colons de français qui viennent encore le défendre pour sa forfaiture. Que Dieu aies pitié de nous. Chers "Patriotes" ouvrez les yeux. Vous qui pendant des années on a oublié, pardon je dirai, on n’a pas voulu créer du travail si ce n’est de marcher dans les rues d’abidjan,il est temps que vous sachiez ou se trouve l’avenir de votre pays. Pour ce qui nous concerne Gbagbo, le boulanger ne nous roulera pas dans sa farine. Il partira avec la force de ce Dieu qu’il dit prier
    Que Dieu bénisse l’Afrique

    • Le 4 janvier 2011 à 22:40 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

      Dieu n’a rien avoir dans ça. L’avenir dépend de nous et de nous seul. Dieu nous regarde seulement. Que dire alors de Simone qui passe ses journées à prier Dieu, quel Dieu ? avec des illuminés autour d’elle alors que ses comptes en banque sont en milliers de milliards de F CFA. Cherchez l’erreur car là dieu n’est pas là ! ou bien mon ami ? demandez aux pauvres planteurs qui triment pour produire le cacao et qui vivent dans la misère. L’argent du cacao est détourné et sert à Gbabgo à acheter des armes pour tirer sur les ivoiriens

  • Le 3 janvier 2011 à 10:00 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    Voici encore quelque chose qui va faire perdre les élections aux socialistes..... impensable de laisser faire cela.
    C’est ça la gauche ? c’est ça les solutions que vous nous proposez ?

    • Le 4 janvier 2011 à 22:46 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

      Comme partout, il y a des convaincus, il y a des suivistes selon le sens du vent, il y a des opportuniste, des voleurs, escrocs, des sincères, des bons, des méchants, etc. pour te dire que ce soit dans n’importe quel parti ou ailleurs, vous trouverez toutes ces catégories. Il en est de même dans l’église catholique et dans toute les religions du monde. Il en est de même dans le paquebot land avec son entourage. Si demain le navire Gbabgo coulait, combien de rats sauteraient pour sauver leurs peaux à commencer par les 2 femmes de Laurent peut être, qui sait le fumeux Blé Goudé ou Blé goodé qui sait ?

  • Le 3 janvier 2011 à 16:51, par gbogbo En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    Moi, je propose qu’on offre des calculettes a ces deux "pépé" pour refaire le comptage des voix

    • Le 4 janvier 2011 à 22:53 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

      Ils n’ont qu’à venir faire ce comptage eux mêmes après l’argent qu’ils ont reçu pour leur séjour de 2 ou 3 jours à Abidjan. De toute façon, comme ils sont désintéressés, riche comme c’est pas permis, avec une très très bonne retraite, ils peuvent venir dans un 5 étoiles faire ce boulot gracieusement pour le boulanger abidjanais. C’est mieux que d’être SDF en France ou pauvre retraité en France avec une pension misérable. En plus à Abidjan, il ya le soleil et la chaleur.
      Gbagbo serait tranquille pour 5 ans avoir d’avoir le résultat ! Bien moins fatiguant pour lui que d’aller aux élections et les perdre

  • Le 4 janvier 2011 à 04:27, par S En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    Très beau texte très édifient !

  • Le 8 janvier 2011 à 21:39 En réponse à : Les connexions africaines de Roland Dumas. Sa morale et la nôtre (2/2)

    S’ il y a deux personnes dont je suis foncierement jaloux aujourd’ hui, c’est Bejot et Venance. Ils me font regretter ma carriere, tres brillante sur le plan materiel et aussi sur le plan des responsabilites. Mais a lire leur analyse affinee et elegante, pleine de simplicite, je me surprends a regretter de n’avoir pas fait carriere en journalisme. Mais c’est trop tard, croyez- moi. Je ne peux plus me reorienter dans cette profession si noble lorsqu’ on en a maitrise tous les fondamentaux. Vous etes si utiles a la societe des hommes, pas celle des brutes bien entendu, suivez mon regard.
    Chaque jour que le Bon Dieu fait, comme Hegel qui fait de la lecture des journaux sa priere quotidienne,je fais de la lecture de vos productions, ma priere vitale. Vous ne pourrez jamais vous representez le role combien salvateur que vous jouez dans nos moment s de doutes comme la periode que nous traversons. Que Dieu vous donne la force et l’ inspiration de jouer votre role de 4 eme pouvoir. Gbagbo finira par faire sien l’ aphorisme Napoleonien selon lequel on peut tout faire avec les baionettes sauf savoir la - dessus.

    LOP

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