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SUD-SOUDAN : L’étrange métamorphose d’El Béchir

Publié le jeudi 30 décembre 2010 à 01h14min

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"Si vous choisissez l’unité, bienvenue ! Si vous choisissez la sécession, bienvenue aussi" ! Voilà deux phrases prononcées le 28 décembre dernier par le président soudanais, Omar El Béchir, et qui auront frappé de surprise plus d’une personne. Le chef de l’Etat soudanais était si radicalement opposé à toute idée d’indépendance du Sud-Soudan que ce changement de ton, allant même jusqu’à qualifier ce dernier de pays "frère", a de quoi étonner. Peut-être qu’enfin, il s’est rendu compte que cette opposition n’allait pas empêcher la victoire du "oui" le 9 janvier prochain, date du référendum.

A défaut de pouvoir ramer contre le courant d’un fleuve en furie au risque de se noyer, autant se laisser emporter, quitte à s’accrocher ensuite à une branche. Car il s’agit bien, là, d’une vague incompressible et gigantesque qui se dresse autour de ce référendum et dont le but est d’aboutir à l’autonomie de la partie sud du Soudan. L’engouement et le mouvement, aussi bien internationaux que nationaux qui font cohue derrière la conduite à bon port du processus, ont de quoi ramollir toute volonté d’y faire obstacle. El Béchir a dû donc faire contre mauvaise fortune, bon cœur, car il est fort peu probable qu’il ait changé ainsi de couleur en secouant de joie son burnous. En changeant son fusil d’épaule, peut-être est-ce aussi pour s’attirer les bonnes grâces des Etats-Unis qui sont fortement engagés en faveur du Sud-Soudan.

Ainsi espère-t-il sans doute diminuer l’intensité de la pression et la solitude qui pèsent de plus en plus sur ses épaules, depuis que la Cour pénale internationale (CPI) a décidé de lui adresser cet encombrant mandat d’arrêt international. Ne pas pouvoir voyager à sa guise, craindre à chaque instant qu’un traquenard se cache sous chaque tarmac que les trains de son avion toucheraient, et être ainsi réduit à rôder entre les frontières de son pays comme un lion en cage, a certainement de quoi exaspérer. Mais, si El Béchir réussissait à travers cette attitude à pacifier le Sud-Soudan, même si la CPI ne rentre pas ses crocs et ses griffes, au moins s’attirerait-il la sympathie des Etats-Unis. Toutefois, sa métamorphose de hargneux loup de naguère en doux agneau de maintenant, ahurit et suscite de nombreuses interrogations. Restera-t-il dans la peau d’agneau qu’il vient d’enfiler ?

N’est-ce pas une stratégie pour laisser passer la tempête du référendum afin de se durcir à nouveau quand il s’agira de se concerter pour délimiter les frontières du probable nouvel Etat sud-soudanais ? Quelle sera sa position lorsqu’il sera question de discuter des ressources, notamment le pétrole, dont regorge la partie sud du Soudan ? Et d’ailleurs, s’il était vraiment d’accord pour cette scission, pourquoi ne pas annuler purement et simplement ce référendum et déclarer le Sud-Soudan indépendant ? En somme, El Béchir est-il sincère ? A défaut de pouvoir pénétrer dans l’inaccessible cité des méninges du président soudanais pour répondre à toutes ces interrogations, il serait prudent d’adopter la stratégie de l’oncle Sam : "Wait and see".

Abdou ZOURE

Le Pays

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