Il n’en fallait pas plus pour jeter de l’huile sur un feu qui couvait depuis toujours. En effet, on se souvient encore des centaines de personnes qui avaient perdu la vie en début d’année dans les affrontements à caractère ethno-religieux dans cette région nichée à la lisière du nord, majoritairement musulman, et du sud, chrétien.

Et voilà qu’en l’espace d’un week-end, une nouvelle flambée de violence s’est emparée d’une région qui ne compte plus les destructions et les morts sur fond de fanatisme religieux.

Ces affrontements interviennent au moment où le président intérimaire, chrétien et originaire du Sud, fait campagne pour décrocher l’investiture du Parti démocratique du peuple (PDP) face au nordiste et musulman Atiku Abubakar. Alors, ceci explique-t-il cela ?

Il faut dire que Goodluck Jonathan, le bien-nommé, s’est vu propulsé en mai dernier à la tête de la Fédération à la mort de son prédécesseur élu, Umaru Yar’ Adua. En quête de légitimité, l’ancien vice- président doit compter avec l’hostilité de certaines factions au sein du parti, qui préfèreraient voir s’asseoir dans le fauteuil présidentiel un des leurs, en l’occurrence son rival nordiste.

Tout cela sans doute parce que prévaut dans la patrie d’Abubakar Tafawa et de Nandi Azikiwe une règle non écrite selon laquelle la magistrature suprême doit alterner une fois sur deux entre un musulman et un chrétien. Parvenu à la présidence pour achever le mandat du défunt Umaru Yar’Adua, Goodluck Jonathan n’a pas l’intention de s’effacer pour satisfaire ceux parmi les nordistes qui estiment qu’il reste quatre années de pouvoir au Nord.

Faut-il donc voir dans les attaques de ce week-end, survenues seulement à quelques heures des célébrations de la Nativité, une sorte d’avertissement à l’endroit de l’électorat chrétien ? Pas sûr, car cette énième flambée de violence ravive les tensions entre deux communautés qui, à force d’endurer les vagues de violences et leurs représailles, ont fini par prendre la regrettable habitude de se regarder en chiens de faïence en attendant la prochaine occasion d’en découdre.

Voilà donc un nœud gordien que le président Googluck Jonathan aura bien du mal à trancher, tant les tensions entre les deux communautés sont exacerbées. A seulement quelques mois de la présidentielle, ces attentats et les violences qui s’en sont suivies présagent une campagne chaude et même brûlante pour ce géant aux prises avec ses vieux démons.

Tout se passe donc comme si, tout occupé qu’il est à retirer la paille de l’œil de son « voisin » ivoirien, le Nigeria en était venu à oublier la poutre qui obture le sien. Difficile, en effet, de dire autre chose quand on constate l’incapacité des gouvernants nigérians à anticiper sur ces affrontements aussi sanglants qu’ils sont récurrents, ne faisant intervenir les forces de l’ordre que pour compter les morts

Espérons que Goodluck Jonathan, qui dès samedi a promis que les auteurs de ces attentats seraient rapidement interpellés et jugés, ira jusqu’au bout de son engagement et qu’il prendra toutes les mesures préventives possibles et imaginables pour rétablir ne serait-ce qu’un semblant d’équilibre et de coexistence pacifique entre les habitants du Plateau.

H. Marie Ouédraogo

L’Observateur Paalga