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IMMOLATION EN TUNISIE : Le message de détresse d’une jeunesse étouffée

Publié le mardi 28 décembre 2010 à 01h25min

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Un jeune Tunisien a tenté de s’immoler par le feu. Un geste de désespoir face à sa situation de chômage dont il ne voyait certainement pas de sitôt la fin. Il s’appelle Mohamed Bouazizi. Bien des gens se sont ôté la vie soit par pendaison, soit par une balle dans la tête pour fuir une réalité souvent insupportable. On croit souvent que le suicide est l’acte d’un détraqué. Soit. Mais s’immoler par le feu sort de l’ordinaire. Ce mode opératoire, il faut le dire, est devenu une forme d’expression, d’interpellation publique de personnes désespérées, face à l’autorité dont la faillite des politiques plonge souvent des citoyens dans une détresse sociale inimaginable.

Le sacrifice de Mohamed Bouazizi est avant tout un appel au secours, une alarme qu’il sied de bien interpréter pour y apporter une réponse structurelle durable. Au lieu de cela, le pouvoir en place a utilisé le raccourci de la répression sur les manifestations de soutien qui ont suivi cet acte de désespoir.

Pire, le bâillon de la censure s’est abattu sur les réseaux sociaux tel l’internet, qui tentaient de se faire l’écho du sacrifice de Mohamed. C’est donc la preuve, si on la cherchait encore, que tout ne va pas pour le mieux dans le pays de Ben Ali. La répression a fait un mort selon diverses sources. Est-ce la réponse, la bonne réponse à la question posée par Mohamed, ce diplômé des universités tunisiennes qui s’est retrouvé, par la force des choses, à vendre des fruits pour assurer à sa famille son beefsteak quotidien ? Par cette activité, il préservait encore un peu de dignité. C’est quand on a voulu le priver de ce qui lui assurait, à lui et à sa famille, les moyens de leur indépendance et de leur survie que le drame est survenu.

On a du mal à expliquer le geste de cet homme dans un pays qui a toujours renvoyé, au reste de l’Afrique, l’image d’un pays économiquement performant, stable politiquement mais hélas où les droits de l’Homme sont malmenés. Quand le modèle économique assurait encore le plein emploi et que les investisseurs faisaient de bonnes affaires, on pouvait encore fermer les yeux sur les exclus du boom économique, alors très peu nombreux. Le danger qui guette la Tunisie, comme bien des pays africains, c’est générer de grands diplômés, ces chômeurs au col blanc dont l’insertion sociale devient problématique en période de crise ou de récession.

Pourtant, ces chômeurs au col blanc incarnent bien souvent l’espoir de milliers de familles qui ont investi toutes leurs économies dans leur formation afin de leur assurer un avenir meilleur. Dans les rues de Sidi Bouzid, ce 17 décembre, il y avait potentiellement d’autres Mohamed que ni les coups de matraque, ni les gaz lacrymogènes ne contiendront longtemps. Il faut plutôt leur donner l’espoir que la situation peut changer à travers des réformes justes et efficaces. Et surtout, il faut leur permettre d’exprimer leur blues à travers des mécanismes démocratiques.

Abdoulaye TAO

Le Pays

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