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La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

Publié le vendredi 24 décembre 2010 à 16h01min

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Il est politiquement mort. Et n’a plus les moyens de ses ambitions hégémoniques. Mais Laurent Gbagbo conserve, intacte, sa capacité de nuisance. D’autant plus intacte que le camp (retranché) d’en face s’adonne aux tergiversations. Il n’a pas été capable d’anticiper la réplique de Gbagbo à son échec électoral annoncé (il était évident que Gbagbo ne pourrait pas gagner si la mobilisation des électeurs était forte et le scrutin transparent) et qui, en dix ans d’opposition, n’est pas parvenu à organiser la population autour de ses partis politiques et des syndicats. Il reste à lui célébrer des funérailles… nationales.

Mais c’est là que le bât blesse. « Allo maman bobo ». Une fois encore, les « houphouëtistes » attendent de la « communauté internationale » qu’elle fasse le ménage. Ce n’est pas la meilleure façon de rassembler les Ivoiriens autour d’un homme et d’un programme. Guillaume Soro peut bien s’adonner aux galéjades (« Vivre la dictature ce n’est pas de la sinécure ») et évoquer le sort des Ceaucescu. Pour faire une révolution, il faut des révolutionnaires. Et les révolutionnaires cela se forme dans un combat politique quotidien (et souvent mortel) ; pas dans la recherche effrénée de prébendes ! Et la consternation : « Ni nos épouses, ni nos parents n’ont le droit de venir [nous voir à l’hôtel du Golf] » (dixit Soro dans Libération de ce matin, jeudi 23 décembre 2010).

La Cédéao va se réunir demain, vendredi 24 décembre 2010, à Abuja, au Nigeria, à l’initiative de Goodluck Jonathan, son président. Mais avant qu’une force d’intervention soit opérationnelle sur le terrain, l’hôtel du Golf sera réduit à l’état de cantine scolaire pour école du tiers-monde. Autrement dit, rien ! Je suis pessimiste, certes. Mais je laisse l’optimisme à d’autres.

Henri Konan Bédié tout d’abord. Il évoque aujourd’hui ce 24 décembre 1999 où il « a choisi de sacrifier son pouvoir pour sauver la vie des Ivoiriens ». « C’est cette sagesse, ce sens de responsabilité et ce don de soi pour le pays que le président Bédié demande à son jeune frère Laurent Gbagbo ». C’était à l’occasion d’une conférence de presse à l’hôtel du Golf, le lundi 20 décembre 2010.

Michel de Bonnecorse Benault de Lubières ensuite ; il a été conseiller Afrique de Jacques Chirac à l’Elysée lors de la « crise ivoirienne » (ce qui le conduira à traiter Gbagbo de « fasciste »). Dans Le Figaro de ce matin (jeudi 23 décembre 2010) il appelle « le peuple ivoirien » à « faire respecter son choix ». « De manière pacifique, ajoute-t-il, par la grève, les manifestations, la désobéissance civile ». Ce n’est sans doute pas la meilleure façon de combattre un « fasciste » mais Bonnecorse pense que les membres du « clan Gbagbo » n’ont pas les « couilles » (il n’emploie pas cette expression mais elle résume, vulgairement j’en conviens, son point de vue) pour affronter la perspective d’une justice pénale internationale. Il « révèle » ainsi un « épisode de 2004 » au plus fort des tensions entre Paris et Abidjan : « Un détachement motorisé français traverse de nuit Abidjan pour porter secours à des Français menacés dans l’hôtel où ils étaient regroupés et passe non loin de la résidence présidentielle. Alertés par le bruit, de tout proches conseillers de Laurent Gbagbo ont appelé les autorités parisiennes à 4 heures du matin pour leur dire « On se rend ! ».

Il faut lire, aussi, la « lettre ouverte au président Laurent Gbagbo » publiée aujourd’hui par Le Monde (daté du vendredi 24 décembre 2010) et signée de Marc Augé. Augé est un vieil ethnologue (il a aujourd’hui 75 ans) et un authentique intellectuel. Il a longtemps travaillé sur la Côte d’Ivoire (son premier ouvrage est intitulé le Rivage Alladian et a été publié en 1969) et a un lien d’amitié avec Gbagbo forgé lorsque celui-ci s’est « réfugié » en France. « J’ai un moment nourri l’espoir, il ne m’a pas encore abandonné, que tu sortirais de cette crise par le haut et que tu te retirerais au nom de l’intérêt supérieur de la nation pour continuer, à la tête du Front populaire ivoirien (FPI), ton combat politique dans ton pays. La Côte d’Ivoire aurait donné au monde l’image d’une démocratie accomplie et ton prestige en Afrique et dans le monde en aurait été grandi », écrit Augé. Cet appel ne sera pas entendu, j’en suis certain ; Gbagbo n’est plus dans un état où il peut raisonner sereinement (si tant est qu’il l’ait jamais été) et ce n’est pas « Simone » qui pourrait l’y pousser : son délabrement mental est pire encore !

Le coup d’Etat de Gbagbo a, selon l’ONU, un coût humain déjà élevé : 173 morts en cinq jours (16-21 décembre 2010), 90 cas de tortures et mauvais traitements, 471 « arrestations », 24 cas de disparitions forcées. Et ce n’est qu’une première estimation. Sans compter les charniers auquel les « onusiens » n’ont pas pu accéder, les blessés achevés en brousse, ceux qui ont été enlevés, les femmes et les gamines violées….

C’est dire que le clan Gbagbo voit ses jours comptés. Il n’est plus une institution africaine ou internationale pour le soutenir. Pas un pays. Même l’Angola, dont on dit qu’il a assuré pour Abidjan la sale besogne que les « gbagboïstes » n’avaient pas la compétence (ni le cran) de mener à bien (liquidation d’opposants, recrutement de mercenaires, achat d’armes, trafics divers…), fait désormais profil bas face à une opinion internationale qui soutient Ouattara, « le dirigeant légitimement élu et internationalement reconnu de Côte d’Ivoire » (dixit Hillary Clinton, secrétaire d’Etat US). Ouattara est également, désormais, le seul habilité à prendre au nom de son pays « des mesures relatives au fonctionnement de l’UEMOA » et de sa banque centrale, la BCEAO.

Autant de soutiens et d’informations qui vont faciliter la prise de décision de la Cédéao, demain, vendredi 24 décembre 2010, à Abuja. En Afrique de l’Ouest, on attend que s’y exprime une vraie détermination (le quotidien burkinabè Le Pays appelle à « des mesures ciblées mais énergiques ») à l’encontre des « gbagboïstes ». C’est que les populations ouest-africaines, qui ont des connexions étroites avec la population ivoirienne (mosaïque de peuples venus de toute la sous-région), sont plus conscients et plus déterminés que leurs leaders politiques parce qu’ils savent que la situation des Ivoiriens est insupportable et intenable. Sauf que personne ne s’est donné les moyens de les organiser pour résister à des Dadis Camara, des Gbagbo et d’autres. Les témoignages que je reçois de Dakar, de Ouagadougou, d’Abidjan, d’Accra, de Cotonou, de Niamey… sont sans ambiguïté : il faut virer Gbagbo et le punir. Ce n’est pas qu’une affaire « ivoirienne », c’est une affaire « ouest-africaine ». Une affaire de dignité.

Que la Cédéao montre la voie est la meilleure des choses. Reste aux Ivoiriens à s’y engouffrer massivement. Avec, à leurs têtes, ceux qui attendent du futur nouveau régime une position sociale à la hauteur de leurs ambitions (d’autant plus haute que leur compétence est limitée, mais la nature humaine est ainsi !). Guillaume Soro nous bassine toute la journée avec la « révolution roumaine » ; qu’il descende de sa Mercedes, retire sa cravate et n’hésite pas à se salir les mains. Avec tous ceux qui, dans son sillage, ont lamentablement raté l’opération de 2002 mais pas leur incrustation dans la vie publique du pays.

Je suis pour la « Commune d’Abidjan » pour tous ceux qui aiment à faire référence aux grands moments révolutionnaires ; il faut assumer ses engagements au-delà des mots. Dans son livre (Pourquoi je suis devenu un rebelle), Soro écrivait : « Face à un régime raciste et assassin, nous estimions qu’il n’y avait pas d’autre voie que de déclarer l’insurrection ». Cette voie, il ne suffit pas de la montrer ; il faut y aller et en donner les moyens, organisationnels et militaires, aux Ivoiriens. Il est temps d’y aller, Soro !

Fin

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique


Lire aussi : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (1/3)

La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (2/3)

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Vos commentaires

  • Le 25 décembre 2010 à 01:14 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Il faut un autre Toumba Diakité pour régler cette crise.

    • Le 25 décembre 2010 à 02:05, par L’Africain En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

      Non le Niger est un meilleur exemple parce que Gbagbo seul ne doit pas partir mais tout son systeme avec lui. Quelle mere peut etre fiere d’un tel fils ? Le bourreau de toute une generation. Simone as-tu rencontre le diable en personne ? Koulibaly Mamadou, je te pleure parce que tu vas payer avec les autres tout simplement parce que tu as ete hesitant, peureux et que tu as suivi en silence les massacres besognes de ton clan. Ne disais-tu pas que qui se tait approuve ? Koulibaly pourquoi tu participes a ce derapage, a l’assassinat de ton pays ? pourquoi ? Parce que tu as peur ? L’intellectuel, le patriote que tu etais s’est-il eteint au profit d’un monstre ? Quel exemple tu fus ? donc le pouvoir rend insensible autant ? Est-ce la haine ? Oubien vous etes tous habites par la folie ou possedes par un demon ? Cote d’Ivoire devenue Cote de la mort, des charognards, vautours et Zombies assoiffes de sang ? Cote de l’Ivresse ? Ivresse de sang humain ? Ma chere Cote d’Ivoire, maudit le jour ou Gbagbo a vu le jour.

      • Le 27 décembre 2010 à 20:36, par Ivoirien En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

        je vous le dis aucune force étrangère aussi puissante soit elle n’enlèvera GBAGBO du pouvoir, les pressions economiquo-militaire n’y changerons rien. Le peuple de Cote d’Ivoire a choisi son Président conformément à sa loi fondamentale et nulle ne pourra rien y changer même pas les USA et la chère FRANCE de Sarko. A voir les chefs d’États de la CEDEAO qui demandent le départ de GBAGBO on a envie de mourir de rire tant la majorité jouit de pouvoir illégitime. De toutes les façons nous les comprenons puisqu’ils prennent leurs ordres chez le Tuteur Sarko. Qu’ils ne s’en fassent pas nous ivoiriens mèneront le combat pour toute l’Afrique et au sortir de là, tous se rendrons compte que l’Afrique peut s’affranchir de ce tutorat d’un autre age. Que les pays de l’UEMOA s’apprêtent à récolter la tempête car poussés dans le dos par SARKO le fasciste, ils ont osé inviter la politique dans l’économie de la sous région. Je crois que le Professeur Mamadou COULIBALY n’avait pas tort lorsqu’il parlait de création de monnaie ivoirienne arrimée à une monnaie autre que le satané francs français ou le nébuleux trésor français. Tout cela prendra fin à la fin de la crise et on verra à qui cela causera plus de tort. La Mauritanie l’a réussi, le Ghana se sent bien avec sa monnaie pourquoi pas la Cote d’Ivoire. Il faudra ensuite revoir la politique d’immigration en Cote d’Ivoire car il y a un laisser aller tel que chacun s’arroge le droit de s’immiscer dans la politique de la Cote d’Ivoire. JE LE RÉPÈTE GBAGBO EST AU POUVOIR ENCORE POUR 5 ANS N’EN DÉPLAISENT A SARKO ET TOUS SES SUPPOTS. ILS VONT TOUT FAIRE MAIS QUE PEUVENT ILS CONTRE UN PEUPLE DETERMINE ? On parle de troupes nigérianes, laissez moi rire même dans ses rêves les plus fous, GOODLUCK n’osera pas envoyer ses hommes à Abidjan car nous les y attendons de pied ferme, ils pourront même se faire accompagner par la soldatesque française et américaine que cela n’y changera rien. Ils seront vaincus, la Cote d’Ivoire sera un VÉRITABLE ENFER pour tous ceux qui s’y hasarderons au nom d’une quelconque communauté internationale ; maisons après maisons, rues après rues, villages après villages, villes après villes ils seront pourchassés. Ce qui n’a jamais été vu dans le monde sera vu en Cote d’Ivoire. Qu’ils essaient, ils en prendront de la graine. QUE DIEU BÉNISSE LA COTE D’IVOIRE ET LAURENT GBAGBO SON DIGNE FILS

    • Le 25 décembre 2010 à 09:55 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

      Malheureusement, mon frère, la Côte d’Ivoire n’a pas de patriote comme la Guinée.

    • Le 25 décembre 2010 à 17:57 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

      L’armee reguliere guineenne n’ a rien a voir avec cette bande de voleurs et de violeurs de femmes et de vie que sont les FANCI.Ils me font honte d’etre ivoirien. Un militaire qui a de l’ honneur ne peut pas appartenir a des escadrons de la mort. Le reste de l’armee qui observe tout en protegeant son kedjenou est aussi complice. Bande de lascars. Toute la verite se saura.

  • Le 25 décembre 2010 à 04:51 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Très très bel article, doublé d’une très belle analyse de la situation et de l’homme Gbagbo. Il faut prendre ses responsabilités et mettre fin à la récréation !

  • Le 25 décembre 2010 à 12:21, par doums En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Mais tu as raison, nous avons oublié Toumbo.Il en faut un en côte d’ivoire.

  • Le 25 décembre 2010 à 17:41, par dogotoro En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Koudou est malade,un seul medicament peut le sauver,c’est la TOUMBACINE...

  • Le 27 décembre 2010 à 16:08, par LE JUSTE En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Je ne comprends pas votre analyse qui à mon avis ne pas conforme au titre.Et vous appeler à la guerre !Et les innocents ? Et après ?? Et après Sadam ya eu quoi ? Et ADO au pouvoir y aura quoi ?

  • Le 3 janvier 2011 à 17:20, par desoubre En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    à la lecture de vos articles, nous pouvons noter votre intention de légitimer la bassesse ( force légitime de la cedeao) comme une voie juste et moralement bonne de sortir de crise pour la côte d’ivoire. mieux la mort du PR GBAGBO, peu importe la manière serait la plus idoine ( vu son refus de quitter le pouvoir). et puis quoi encore. cette force que vous souhaitez, bien que je reste convaincu qu’elle ne viendra pas, n’est pas la solution au cas ivoirien. car pdt la guerre ceux qui meurent sont les hommes ( fpi, rhdp sté civile). et vous que gagnerez vous à vouloir la mort de la république et/ou de l’état de côte d’ivoire. ceux que nous ne pouvons pas accepter chez nous ne le souhaitons pas aux autres. il n’y a aucune gloire dans une guerre.

  • Le 4 janvier 2011 à 16:45 En réponse à : La mort politique de Laurent Gbagbo ne résout pas la crise ivoiro-ivoirienne. (3/3)

    Gbagbo est un grand politicien et Alassane un grand Economiste. Que le président de la Cote d’Ivoire soit Gbagbo ou Alassane, cela n’a aucune importance. Seulement que la paix reigne dans pays. Rien que la paix de la population en général et particulièrement civils

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