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ALPHA CONDE ET LA GUINEE : Par quel bout commencer ?

Publié le mercredi 22 décembre 2010 à 00h55min

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Pas de doute, un homme doit être très embarrassé en ce moment à Conakry : Alpha Condé, le vieil opposant de l’histoire de la Guinée. Investi hier mardi à la tête de son pays comme président de la République naissante, le professeur et éminent dialecticien aura enfin l’occasion d’expérimenter toutes les thèses échafaudées dans le sanctuaire des universités en France, et sur le terrain en Afrique, durant les années de plomb. Il faut sortir la Guinée, à la fois si riche et si pauvre, de sa léthargie devenue légendaire. Encore faut-il savoir à quoi donner la priorité, tellement les attentes sont grandes ! Avec Condé, longtemps incompris, rejeté, adulé, donné gagnant, investi et installé, c’est assurément une autre page de l’histoire de la Guinée qu’on vient de tourner.

Condamné à mort sous Sékou Touré, emprisonné sous Lansana Conté, il est devenu le premier président démocratiquement élu de la Guinée.

Après toutes les conjectures et les incidents qui ont marqué le second tour du scrutin présidentiel en novembre dernier, voilà à présent l’occasion rêvée, pour le nouveau président, de formater les consciences pour mieux bâtir le pays qui a trop attendu. De quoi faire chanter et danser les nombreux partisans de l’intérieur comme de la diaspora. Mais la Guinée s’en sortira-t-elle pour autant ? Un grand pas a été franchi, et une page importante tournée. Mais la demande sociale est très élevée et donc la tâche immense. Condé peut bien décevoir avant la fin des cinq ans de mandat présidentiel. Il n’empêche, l’espoir d’une sortie de l’impasse est permis. Au "professeur" et à son équipe de s’empresser de poser des actes concrets dans le sens de satisfaire la demande sociale et surtout d’amener le pays à se réconcilier avec lui-même.

Il appartient aussi aux Guinéens, qui ont longtemps rêvé de voir le pays s’en sortir un jour, de lui accorder également du répit. Tout ne se fait pas en un jour. Patience, patience et encore patience. Mais il faudra également compter avec la vigilance de son adversaire du second tour, Cellou Dalein Diallo. Ce dernier a beaucoup œuvré pour la paix et la démocratie républicaine en reconnaissant sa défaite. Il faut espérer que Alpha Condé ne soit pas à son tour victime du syndrome de l’opposant historique qui, une fois au pouvoir, déçoit continuellement les Africains. Parce que vite gagné par la boulimie du pouvoir et la mégalomanie.

Comme Abdoulaye Wade au Sénégal et Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Le continent souffre beaucoup de la métamorphose soudaine de ces anciens opposants. En effet, l’on comprend mal que parvenus au faîte du pouvoir après avoir longtemps souffert le martyre dans l’opposition, les opposants africains agissent comme leurs prédécesseurs, envers et contre tous. Une fois sûrs de leur mainmise sur l’appareil d’Etat, ils se préoccupent de liquider toute velléité de contestation. Par un tour de passe-passe, ils bafouent impunément les sacro-saints principes de la démocratie républicaine. Il est vrai qu’en Afrique, il est difficile d’échapper à l’emprise du virus du pouvoir, mais tout de même ! Aussi Alpha Condé doit-il prendre des dispositions afin que le pouvoir ne lui tourne pas la tête. Par exemple : savoir s’entourer de gens sérieux qui disent constamment la vérité.

Des alliés qui veulent et savent travailler sans d’abord penser à se remplir les poches, en renvoyant chaque fois à plus tard les aspirations des Guinéens. Certes, cette espèce d’acteurs politiques et d’agents du changement et du développement se fait de plus en plus rare sur le continent. Mais en regardant bien, on en trouve toujours. Prendre pour cela le temps qu’il faut, et surtout éviter de se laisser distraire. Ne s’estimant pas tenu par la signature du régime précédent, Alpha Condé se réserve le droit de faire réviser certains contrats miniers s’il juge que les intérêts du pays sont lésés. L’on comprend alors pourquoi il entend s’entourer de ministres au-dessus de tout soupçon ; autrement dit, des personnalités n’ayant pas été associées au moindre scandale politico-financier.

Dans ce pays si fertile et si doté de ressources naturelles, Alpha Condé et les siens devront gérer les biens publics avec méthode et rigueur, promouvoir les libertés démocratiques et veiller au respect des droits humains. Il leur faudra éviter de s’empêtrer dans les débats de la politique politicienne, refuge habituel des démagogues qui distraient des obligations et dispersent les énergies. On le voit, les défis sont nombreux. Entre autres problèmes à évacuer : le fossé ethnique qui divise la Guinée. La question ne doit pas être négligée. Après les tumultes, les assassinats et les pillages éhontés qui ont assombri l’histoire de la Guinée, la réconciliation apparaît comme un impératif.

Toutefois, il faut se garder de la laisser peser sur l’exécution du mandat. L’urgence aujourd’hui, c’est de nourrir les Guinéens en repensant le développement agricole, leur donner de l’eau, de l’électricité, des soins, une éducation digne de ce nom et leur assurer la sécurité. C’est aussi leur trouver du travail, notamment en construisant des infrastructures (routes, ponts, bâtiments, etc.). Dans cette optique, il faudra faire appel à une expertise que le pays peut mobiliser au niveau de sa diaspora dont le potentiel est énorme. Parallèlement, il faut revivifier le riche patrimoine culturel qui a nourri l’Afrique entière. Il peut bien aider à apaiser les cœurs, et à réconcilier les peuples de Guinée dont la contribution à l’histoire de ce continent est exemplaire à plus d’un titre.

Cette présidentielle est bien lourde de responsabilités. Condé dispose d’un seul mandat de cinq ans pour évacuer les rancoeurs et réconcilier ses compatriotes. Ce n’est pas facile mais ce n’est pas impossible. Il doit savoir construire ou reconstruire, avec le concours de tous et de chacun. Cependant, ce mandat ne sera pas celui d’Alpha Condé seul, mais bien celui de tous les démocrates guinéens. Ceux qui, un jour, ont rêvé d’un changement dans ce pays, comme peuvent en rêver les Africains pour ce continent victime de l’indifférence des acteurs politiques, et d’une certaine manière, de l’intolérance et du manque de solidarité de nombre de ses enfants.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 22 décembre 2010 à 16:40, par harlem En réponse à : ALPHA CONDE ET LA GUINEE : Par quel bout commencer ?

    très bel article !vivement que cet homme conduise ce pays qui a fait une traversée de désert de 52 ans de retrouver sa place au sein du concert des nations.Il revient à l’ensemble des filles et fils de cette nation tant chère à l’Afrique, d’enterrer à jamais la hâche de guerre afin d’écrire ensemble et en lettres d’or l’histoire de cette nouvelle ère .Je rends un vibrant hommage à Sékouba konaté, Cellou diallo pour leur sens élevé de responsabilité et du respect de la parole.Qu’ils sachent que l’histoire leur en sera très reconnaissante.Que leur exemple illumine l’esprit de GBAGBo et de ses seigneurs de guerre afin que la Côte d’Ivoire soit à l’abri d’un iminent génocide.Vive la démocratie et Dieu épargne l’Afrique de ces dirigeants nazis !

  • Le 22 décembre 2010 à 18:01, par Turbo En réponse à : ALPHA CONDE ET LA GUINEE : Par quel bout commencer ?

    Je salue la grandeur d’esprit de Cellou Dalein DIALLO sur qui a reposé le relatif succès du processus Guinéen ! Il a accepté qu’on lui vole sa victoire, et en pensant aux souffrance de son peuple, a souffert de perdre et de voir les choses vite s’appeser alors qu’on commençait à massacrer ses partisans au nom d’une supposée revanche des peulhs sur l’histoire !

    Bon vent à Apha CONDE dans ses nouvelles fonctions. Je me demande bien ce que peut valoir de déclarer être le président de tous les Guinéens quand on s’est reposé sur un vote régional et ethnique pour s’arroger une victoire aux forceps !

    C’est ça aussi les "Africanités" !!

  • Le 22 décembre 2010 à 18:04, par Turbo En réponse à : ALPHA CONDE ET LA GUINEE : Par quel bout commencer ?

    Remarquez qu’il prête serment devant le (même) président de la Cour suprême qui l’avait condamné à la prison et à mort !!!

    Ces jours me semblent comptés à son poste ! Comme quoi l’histoire a des soubresauts inattendus !

  • Le 22 décembre 2010 à 18:05 En réponse à : ALPHA CONDE ET LA GUINEE : Par quel bout commencer ?

    Cet Homme est assurément un HÉROS VIVANT !!! Il s’agit du Général Sékouba KONATE.

    Mais je voudrais RÉPÉTER ce que le Président de la Cour Suprême de GUINÉE a dit au Président Alpha CONDÉ :

    "Nous vous remettons symboliquement les clefs...Mais CE N’EST PAS UN SÉSAME." Il l’a martelé et répété.

    J’espère que le 13 autres "chefs d’états qui y étaient, ainsi que les autres dirigeants et gouvernants (si on peut vraiment les appeler ainsi, car il n’existe pas d’état dans nos pays..)ont bien entendu cela.

    A bon entendeur... Prenez vos distances avec les biens du peuple.

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