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Démonétisation du Franc CFA : Pourquoi le refus de certaines coupures à Bobo-Dioulasso ?

Publié le lundi 20 septembre 2004 à 08h18min

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Depuis quelques jours, il n’est guère aisé de faire des achats ou de payer des factures dans la ville de Sya. Et pour cause, il semblerait que des billets provenant des casses d’agences BCEAO en Côte d’Ivoire circulent dans la ville. Alors la méfiance est de mise partout à Bobo-Dioulasso car personne ne veut être accusé de "dévaliseur".

Mme Kadi Traoré, vendeuse de légumes au grand marché de Bobo : Nous avons été informés qu’il y a eu vol d’argent en Côte d’Ivoire et que certains de ces billets de banque notamment ceux de la série A circulent au Burkina et que tout détenteur d’un de ces billets sera arrêté par la police. C’est pourquoi nous refusons de les prendre. Nous avons même une liste des billets incriminés avec les autres commerçants. Donc à chaque achat nous vérifions la liste avant de prendre l’argent. Nous ne connaissons pas la vraie source de l’information, ni de la liste. Seulement comme c’est une question d’argent, nous ne pouvons que suivre. On n’a pas cherché à savoir si l’information est fondée ou non.

Issa Cissé, boucher : Cette histoire de billets de série A est vraiment sérieuse. La dernière fois, j’étais à la SONABEL pour payer mes factures et on a refusé un certain nombre de billets jusqu’à concurrence de 15 000 F. Par conséquent nous sommes aussi obligés de refouler ces billets puisque nous ne pouvons pas les utiliser dans nos dépenses personnelles. Le problème est que nous ne savons pas au juste pourquoi cet argent est brusquement refusé par tout le monde. Certains disent que ce sont des faux billets et d’autres, de l’argent volé. Nous avons des listes dont nous ignorons la source, mais nous les utilisons quand même. Nous demandons donc à la BCEAO de tout faire pour éclairer nos lanternes le plus tôt possible, car cette situation bloque notre commerce.

M. Bassolet, chef d’agence BICIA-B Bobo : Nous avons effectivement été saisi par la BCEAO par une note nous informant de la démonétisation de billets de la gamme de 1992 et par ailleurs de la circulation au Burkina de billets pris lors des casses des agences BCEAO en Côte d’Ivoire. Pour des raisons d’enquête, il nous a été dit de prendre l’identité de tout client détenteur de ces billets incriminés, de l’informer de la situation, ensuite de mettre sous séquestre les billets en question. Si après l’enquête il s’avère que la personne n’est mêlée ni de près ni de loin à ces casses, son argent lui est restitué. Mais il n’a jamais été question de ne pas prendre ces billets. Nous avons même reçu des gens qui nous ont dit qu’il n’y a qu’à la BICIA-B qu’on accepte les billets de cette série pourtant toutes les banques devraient faire la même chose. Je crois qu’il y a un manque d’information et de coordination.

Halidou Simporé, boutiquier Avenue du gouverneur Eboué : Je sais en tout cas qu’il y a deux qualités de billets. Pour les différencier, j’ai une liste de numéros de série que je consulte. Quand celui du billet en question n’est pas sur celle-ci, je le prends. Dans le cas contraire, le client va voir ailleurs. Je ne peux pas prendre un de ces billets qui me restera sur les bras puisque même des institutions financières ou bancaires refusent de les prendre.

J’ai reçu la liste de quelqu’un que je ne connais pas. Je m’y fie parce que c’est une affaire d’argent et personne ne veut en perdre. Un homme averti en vaut deux.

Moumouni Sawadogo, commerçant de vêtements au grand marché : Je contrôle systématiquement tous les billets de série "A". S’ils portent des numéros qui sont sur ma liste, je ne les prends pas parce que je ne pourrais pas les utiliser par la suite. A part le billet de 500 francs CFA qui me pose quelques problèmes parce que je n’ai pas bien compris comment les contrôler je vérifie ceux de 1 000 F, 2 500 F, 5 000 F et 10 000 F CFA et je parviens à faire la différence entre les vrais et les faux.

La liste circule dans le marché contre 100 ou 200 francs et presque tous les commerçants en disposent par mesure de précaution. Je n’en connais pas la provenance, mais je m’en sers quand même.

Du côté de la BCEAO, on rassure que jusqu’au 31 décembre 2004, tous les billets de 1992 sont valables et peuvent être échangés. Cependant, dans le lot, il y a des billets qui feraient partie de ceux dérobés dans les agences de Bouaké et Korhogo en Côte d’Ivoire (série A). Lorsque quelqu’un possède ces billets et qu’il fait des opérations en banque ou auprès de grandes sociétés, son identité est prise et les billets incriminés sont mis sous séquestre. Quand dans l’opération, il y a d’autres billets jugés bons, son compte est crédité en déduisant la valeur des billets "suspects" et un reçu lui est remis en attendant de voir ce que les enquêtes de police vont révéler.

En réalité, par ce truchement, la BCEAO compte remonter la filière des casses des deux agences. Des personnes seraient déjà dans le collimateur de la police. Mais on affirme qu’aussi bien les commerçants que les banquiers peuvent prendre tous les billets de 1992 en prenant les précautions recommandées par la banque, c’est-à-dire vérifier un à un les billets. Mais que de galère.


La chose de Bobo la mieux partagée

Du grand commerçant au vendeur ambulant en passant par les stations services, on disposerait de la liste des séries de billets suspects. Elle a été photocopiée à souhait si bien que presque tous les commerçants en disposent. "D’où vient-elle ?" Aucun des commerçants n’a pu nous le dire. Ils s’y fient pourtant. Elle est vendue entre 100 et 200 francs CFA. Et comme c’est une affaire d’argent aucune précaution n’est de trop. Ceux qui n’ont pas le temps de vérifier les numéros ou qui ne disposent pas d’une telle liste refusent tout simplement de prendre les billets de série "A", pour ne pas prendre de risque. Tout de même, cette liste ne serait-elle pas l’œuvre de quelque aigrefin qui aurait trouvé là un filon à exploiter ?


Une brèche pour les faussaires ?

L’affaire des billets suspects de la série "A" a focalisé l’attention de la plupart des gens sur cette série. Tant et si bien que tous les billets des autres séries passent "comme des lettres à la poste". On ne vérifie rien, convaincu qu’ils sont tous bons. Cependant, certains d’entre eux peuvent être des faux... et faire un bon "deal" pour les faussaires et autres falsificateurs de billets. L’attention étant focalisée sur les billets de série "A", il leur est en effet plus facile de faire tourner des billets des autres séries puisque personne ne prend vraiment la peine de les vérifier. Il suffirait pour ces faussaires de battre les séries non incriminées pour se faire "allègrement" un véritable pactole. Alors, méfiance !

Sidwaya

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