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CÔTE D’IVOIRE : Ces médias qui jouent à un jeu dangereux

Publié le mardi 14 décembre 2010 à 02h29min

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La guerre des médias fait rage en Côte d’Ivoire. Les démons de la presse partisane refont surface avec plus de violence, à la faveur de la crise politique qui secoue durement le pays. En effet, dans la bataille des deux camps pour le pouvoir, les médias sont, compte tenu de leur grande influence sur l’opinion, fortement courtisés voire manipulés. Nul n’ignore la propension des pouvoirs, un peu partout dans le monde, à maîtriser les médias ou au moins, à ne pas perdre tout contrôle en la matière. C’est d’ailleurs, et malheureusement, à ces fins que les institutions de régulation des médias, elles-mêmes sous coupe réglée, sont souvent créées.

Le comportement des médias publics au pays de feu Houphouët Boigny avait été salué pendant la campagne, surtout au premier tour. De même, le face-à-face télévisé réussi par la Radio télévision ivoirienne (RTI) est un bel exemple et l’on s’était pris à rêver d’une fin en apothéose du processus électoral au regard de la maturité dont faisaient montre les acteurs politiques, mais aussi les professionnels des médias ivoiriens. C’est désormais fini. A l’heure actuelle, le camp Gbagbo a la haute main sur les médias d’Etat, surtout la RTI. Ce sont, entre autres, les experts défendant la position du candidat de la majorité présidentielle qui ont accès aux différents plateaux de la télévision nationale.

Cela n’est pas anodin quand on sait que la télévision est un des outils les plus familiers des Ivoiriens en ce qui concerne l’accès à l’information. Par le truchement de ce canal, le camp Gbagbo informe (ou désinforme) ses militants et partisans situés aux quatre coins de la Côte d’Ivoire. En tout cas, depuis un certain temps, les médias publics ne distillent que des messages favorables au président sortant. Pas d’autre son de cloche. C’est de bonne guerre, diront d’aucuns. Seulement, il y a lieu de reconnaître que dans un tel climat, le risque d’évoluer vers une pensée unique, un endoctrinement dangereux des populations, n’est pas à écarter.

Le camp de Alassane Ouattara vient de décider de lancer sa propre radio. C’est sûrement dans l’optique de combler son retard en matière d’information et de communication avec les Eburnéens de l’intérieur que cette décision a été prise. Une façon de faire contrepoids à ces médias publics, surtout audiovisuels. La déchirure du pays s’aggrave donc. La tension entre les deux camps est même montée d’un cran hier aux alentours de l’hôtel du Golf où se trouvent Alassane Ouattara et son équipe. Pendant ce temps, la pression de la communauté internationale sur le camp Gbagbo reste de mise. L’Union européenne vient de décreter des sanctions à l’encontre de ceux qui bloquent le processus.

Outre les médias d’Etat, les médias proches des deux parties, surtout la presse écrite, font montre d’un certain zèle dans la défense de la position de leur mentor et ce, souvent envers et contre les règles les plus élémentaires de la déontologie. Rien de ce qui peut faire mal à l’adversaire n’est négligé dans cette bataille fratricide. Des documentaires brûlants aux relents xénophobes sont diffusés et des informations explosives, publiées. Des horreurs qui ont heurté les consciences à travers le monde comme le génocide rwandais interviennent dangereusement dans la campagne de propagande de certains médias. Au regard de cela, on est fondé à penser que ces médias jouent à un jeu vraiment dangereux. Il est vrai qu’on se trouve dans un contexte difficile, éprouvant pour les professionnels des médias.

Face à ceux qui sont acquis à la cause de tel ou tel leader et qui prennent part, de ce fait, de façon active à la propagande, et à ceux qui, pour une raison ou pour une autre, collaborent, il y a ceux qui, pour des raisons d’éthique, refusent de faire telle ou telle chose, et qui sont prêts à démissionner de leur poste en guise de protestation. Certes, les hommes de médias n’échappent pas aux réalités de l’environnement dans lequel ils évoluent. Ce sont des êtres humains avec leur potentiel de tares, de choix pas toujours désintéressés, de calculs égoïstes. Pour telle ou telle raison, les uns et les autres ne réagissent pas de la même façon, n’ont pas la même lecture des événements. Cela n’est pas une mauvaise chose en soi. Loin s’en faut. Ce principe de la pluralité des opinions est une valeur essentielle et salutaire en démocratie.

Cependant, il faut savoir contenir ce pluralisme dans des proportions responsables, surtout lorsqu’on se trouve dans une situation aussi critique que celle qui prévaut en Côte d’Ivoire. En d’autres termes, il serait judicieux que les hommes de médias fassent preuve de grandeur d’esprit, de professionnalisme, même dans ce contexte d’adversité. Reste à espérer que les médias audiovisuels publics que Ouattara et les siens sont en train de mettre en place ne tombent pas, eux aussi, dans les mêmes travers que la RTI notamment. Toujours est-il que cette guerre des médias, si on n’y prend garde, risque d’envenimer la situation et de conduire droit à un affrontement physique des protagonistes.

Conscients de cela, les médias ivoiriens dans leur ensemble, et surtout ceux d’Etat, doivent faire preuve d’une hauteur de vue, de modération, bref, de responsabilité en ces heures graves que traverse le pays. Ils doivent faire oeuvre utile en contribuant à apaiser les esprits et à trouver une issue pacifique et rapide à la crise.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 14 décembre 2010 à 08:34, par L En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : Ces médias qui jouent à un jeu dangereux

    chers frères et sœurs ne faisons pas fie du passer même à l’autre bout du monde.
    Est-ce nécessaire de rappeler le rôle qu’a joué les médias ( 1000 collines ) pendant le massacre ?

    • Le 14 décembre 2010 à 15:39 En réponse à : CÔTE D’IVOIRE : Ces médias qui jouent à un jeu dangereux

      Mon frere, le rappel de la radiodes milles collines est necessaire car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Quant on écoute la RTI et la presse pro GBAGBO qui appellent à la haine au Genocide (le mot n’est pas fort), il faut être sur ces gardes. Il y des journalistes à la RTI qui se comportent comme si la cote d’Ivoire c’est GBAGBO. Non , un journaliste doit aider son peuple à comprendre les situations et permettre à ce peuple à se decider librerment. Dans tous les cas, les noms de ces journalistes sont connus et ils repondront de leurs actes en temps opportun. Je suis Ivoirien et je demeurerai Ivoirien mais je refuse l’injustice et le mensonge,. C’est pourquoi, en tant que membre de la grande MUETTE, je garde le silence tout en sachant que l’aube de la liberation est tres tres, tres tres proche."Malheur à ceux qui baillonnent leur Peuple" avait dit Sankara. Merci à l’armée republicaine qui refuse dans le calme d’être enfermée par quelques generaux de GBAGBO.
      A Bientot

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