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Siré Bâ : “Tolérance pour cet Etat sorti du néant”

Publié le vendredi 10 décembre 2010 à 01h15min

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Cinquantenaire de l’indépendance du Burkina oblige, la parole donc aux témoins privilégiés de cet événement majeur de la Haute-Volta d’hier. Nous en avons débusqué un, Siré Bâ, premier directeur africain du Service de l’information du Pays des hommes intègres. Il était présent ce 5 août 1960 donc au palais présidentiel quand Maurice Yaméogo annonçait solennellement à ses compatriotes l’indépendance acquise. Notre doyen, l’interviewé du jour qui nous a reçu à sa résidence de Samandin (secteur 7 de la capitale), avait 32 ans cette année-là. Regard donc sur le passé.

Quel souvenir avez-vous gardé de ce 5 août 1960 qui a vu la proclamation de l’indépendance du Burkina Faso, jadis Haute-Volta ?

• De prime abord, je vous remercie d’avoir pensé à ma modeste personne pour vous entretenir de cet événement majeur de notre pays. Effectivement, il y a cinquante ans notre chère Haute-Volta accédait à l’indépendance. Je me rappelle que c’est le président Maurice Yaméogo qui a eu le privilège et l’honneur de la proclamer. Nous étions, ce jour-là, au palais pour en être aussi les témoins, à minuit. Vous imaginez aisément la joie qui y a prévalu en ces instants précieux de notre histoire. J’en retiens surtout la liesse populaire qui s’en est suivie.

Comment les organes de presse d’alors ont-ils célébré l’événement ?

• Il n’y en avait que trois d’ailleurs. A savoir le “Service de l’information” que je dirigeais, qui éditait un bulletin, “Carrefour africain” ; un hebdomadaire et, également, la radio. Evidemment, nous n’avions encore ni télévision ni de presse privée. Néanmoins, avec le peu que nous avions, nous avons initié des éditions et émissions spéciales pour accompagner la ferveur populaire. Pour la circonstance, les deux organes de presse écrite (Bulletin d’information et Carrefour africain) ont même été réaménagés. II faut dire quand même que les moyens étaient très limités. Par rapport à ce que nous voyons aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. D’ailleurs, je ne vous apprends rien en disant que notre effectif au Service de l’information ne dépassait pas la vingtaine d’agents.

Premier directeur africain du Service de l’information de la Haute-Volta, qu’avez-vous hérité de vos prédécesseurs expatriés ?

• En héritage, c’est surtout l’esprit administratif. Le Service de l’information était lui-même administratif puisque émanant du gouvernement qui y avait nommé un directeur de service. Mon prédécesseur s’appelait M. Carrère, que j’ai remplacé à la veille de l’indépendance pour en assurer l’intérim, avant ma nomination effective le 25 août 1960.

On devine aisément qu’à l’époque, la notion de liberté de presse et d’expression n’était pas à l’ordre du jour ...

• Non, non, non, pas du tout !

C’est le discours des gouvernants qui était uniquement véhiculé.

Bien qu’à la retraite, quelle analyse pouvez- vous faire de l’évolution de la presse burkinabè de l’indépendance à nos jours ?

• La presse burkinabè dans son ensemble a beaucoup évolué, et maintenant on peut parler de liberté de presse au Burkina Faso. Le nombre même d’organes de presse est édifiant. Aujourd’hui, vous avez des journalistes qui ont été formés, qualitativement surtout, et qui font bien leur travail. Peut-être cela est-il la résultante d’une certaine émulation qu’on peut constater ça et là ! Dans la presse écrite, il y a abondance de titres, tout comme il est indéniable que la télévision burkinabè ne cesse de faire des prouesses. Nous vivons une période faste de la presse burkinabè.

Cinquante ans après, quels sont les acquis de notre indépendance ?

• Ceux qui estiment qu’en 50 ans nous n’avons pas beaucoup fait ne réalisent pas que nous sommes partis pratiquement de rien. Nous étions un Etat néant qui a accédé à l’indépendance avec tous les attributs de l’indépendance. Petit à petit, on a pu construire une nation et, aujourd’hui, il faut quand même reconnaître que le Burkina Faso pèse, aussi bien dans la sous-région qu’au sein des Nations unies. Je crois quand même qu’il faut être tolérant, et reconnaître que, bien sûr tout n’est pas parfait mais, on fait le maximum pour rendre ce pays-là meilleur.

Mais peut-on parler d’insuffisances ?

• On ne peut pas ne pas parler d’insuffisances parce que rien n’est suffisant en définitive. J’invite par conséquent mes compatriotes à regarder de près et reconnaître que beaucoup a été fait.

En cette année jubilaire, quel message lancez-vous au peuple burkinabè ?

• D’abord, l’unité. Il faut que ce pays reste uni. Il n’y a qu’à voir les soubresauts en Côte d’Ivoire, en Guinée, entre autres, pour prêcher cette unité que nous avons réussie d’ailleurs depuis plus de vingt ans. Il faut garantir l’unité nationale et faire émerger le Burkina Faso sur le plan international. Il faut maintenir cette idée-là ; que les gens se soudent, se tiennent la plus belle.

Entretien réalisé par
Bernard Zangré

L’Obserbateur Paalga

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