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Général Aboubacar Sangoulé Lamizana : De père de l’Armée à deuxième président

Publié le mercredi 8 décembre 2010 à 01h38min

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Six ans après son accession à l’indépendance, la Haute-Volta changeait de président, à la faveur d’un soulèvement populaire, le 3 janvier 1966. Au nom de l’armée, le général Sangoulé Aboubacar Lamizana prend le pouvoir. En 1980, il sera emporté par un coup d’Etat perpétré par un comité militaire qui porte Saye Zerbo à la tête du pouvoir. Retour sur la vie politique de celui qui est également considéré comme le père fondateur de l’Armée voltaïque.

Pendant quatorze ans, la Haute-Volta est dirigé par celui qui a forgé son armée : Général Aboubacar Sangoulé Lamizana. C’est la première plus longue période de stabilité politique du pays conduite par un homme au parcours plein d’enseignements et de leçon. En 1965, la Haute-Volta traverse un malaise économique qui entraine vers la fin de cette année, une recrudescence de contestation du régime du président Maurice Yaméogo. Les syndicats des travailleurs multiplient les manifestations. Et le 30 décembre 1965, l’Etat d’urgence est décrété au moment où les mouvements sociaux insistent sur la démission du Chef de l’Etat. Le régime de Maurice Yaméogo qui a été pourtant réélu le 30 octobre 1965 à 99,97% des voix, cède finalement aux revendications.

Devant la vacance du pouvoir, les manifestants se tournent vers l’Armée pour assumer la magistrature suprême. Le 3 janvier 1966, Aboubaka Sangoulé Lamizana, alors chef d’Etat-major de l’armée, annonce la chute du régime. Il atténue le malaise économique, restaure les libertés civiques et fait voter, en 1970, une nouvelle constitution encourageant le multipartisme et réduisant le pouvoir des militaires. Né en 1916 à Dianra, Aboubacar Sangoulé Lamizana effectue ses études primaires en Haute-Volta à Tougan, Dédougou et Ouahigouya et à l’école primaire supérieure Blanchot au Sénégal. Admis à l’école des officiers africains à Saint-Louis (Sénégal), il est incorporé le 18 janvier 1936 dans l’armée française comme « tirailleur sénégalais ». Il gravit les différents grades laquelle et combat en Indochine et en Algérie.

Un homme, une ascension, une personnalité

Trois ans plus tard, il obtient ses galons de sous lieutenant. Toutefois, c’est à l’âge de 20 ans qu’il s’est enrôlé dans l’Armée coloniale française. Le 7 août 1947, il épouse, à 31 ans, une fille de 16 ans avec qui il aura 8 enfants. Entre janvier et juin 1950, il est affecté au Centre d’études africaines et asiatiques comme moniteur de langue bambara.

De 1956 à 1959, Aboubakar Sangoulé Lamizana occupe le poste d’adjoint du chef de cabinet militaire dudit gouvernement. Après avoir passé capitaine et après 25 ans de carrière militaire, le futur deuxième chef d’Etat de la Haute-Volta prend sa retraite de l’armée française en 1961. Il réintègre alors l’armée voltaïque. Le 5 août 1960, la Haute-Volta devient indépendante. Le 24 avril 1961, des accords de coopération sont signés avec la France et le poste de chef de bataillon échoit à Lamizana qui devient le premier chef d’état-major des Forces armées voltaïques, le 1er novembre 1961.

Il a eu la lourde charge de porter l’armée nationale sur les fonts baptismaux avec le concours d’autres officiers tel le colonel Yorian Gabriel Somé. Sous sa houlette de chef d’Etat, il fait mentionner, le 14 juin 1970, dans une nouvelle constitution : « Les charges et prérogatives de la République seront assumées par la personnalité militaire la plus ancienne dans le grade le plus élevé ». En décembre 1970, il organise des élections législatives et nomme en février 1971, Gérard Kango Ouédraogo comme Premier ministre.

Les vives querelles entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale d’alors, Joseph Ouédraogo entraînent une paralysie de l’Etat. Le 8 février 1974, Aboubacar Sangoulé Lamizana suspend la Constitution. Un gouvernement de Renouveau national est nommé, composé en majorité de militaires, dont Colonel Saye Zerbo, ministre des Affaires étrangères. Cette deuxième République va être mise en péril par des dissensions au sein du parti majoritaire. Elle est remplacée par une troisième en 1977 instituée du 27 novembre 1977. Au premier tour de l’élection présidentielle de mai 1978, le général Sangoulé Lamizana est mis en ballotage par le candidat de l’Union nationale pour la défense de la démocratie (UNDD), le banquier Macaire Ouédraogo.

Une grande première pour un Chef d’Etat en exercice. Il sera néanmoins élu au second tour avec 56,27 % des voix. Comme le mouvement qui l’a conduit au pouvoir en 1966, des grèves, déclenchées par le syndicat des enseignants en 1980, se généralisent. Le 25 novembre, un coup d’Etat militaire perpétré par le Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN), renverse Aboubacar Sangoulé Lamizana et établit son ancien ministre des Affaires étrangères, le colonel Saye Zerbo, à sa place de chef de l’Etat.

Le 26 mai 2005, à l’âge de 90 ans, le père de l’armée voltaïque et burkinabé tire sa révérence et « règne » désormais sur le cimetière militaire du quartier Gounghin de Ouagadougou après que son parent à plaisanterie et ancien président, Médecin-Commandant Jean Baptiste Ouédraogo lui en a donné les attributs. En plus de son nom qui a été donné au Building abritant de nombreux ministères au cœur de la capitale burkinabé, le Camp de l’Unité à Ouagadougou a été rebaptisé « Camp Général Aboubakar Sangoulé Lamizana » pour entretenir de façon durable la mémoire de ce soldat hors pair et de ce grand homme d’Etat unanimement reconnu et admiré pour son humilité, sa modestie, son humanisme et sa sagesse. Un pan important de sa vie est dévoilé, pour la postérité, dans ses mémoires écrits de ses propres mains en deux tomes sous le titre : « Trente ans sous la brèche ».

Jean-Marie TOE

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 7 octobre 2020 à 11:28, par Bottelier Georges En réponse à : Général Aboubacar Sangoulé Lamizana : De père de l’Armée à deuxième président

    Bonjour ,Nous avons été de 1966 à 1968, avec le lieutenant Varin, les pilotes du Président Lamizana, nous n’avions à l’époque qu’un DC 3 comme avion présidentiel, je peux attester, comme il est dit , que ce MONSIEUR , était très humain, affable et qu’il a résisté humainement aux traquenards de ses opposants. C’était un grand MONSIEUR ;

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