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Proclamation de l’indépendance : Maurice Yaméogo, un père de la Nation au destin tumultueux

Publié le mardi 7 décembre 2010 à 01h56min

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L’année jubilaire de l’indépendance entretient une certaine familiarité entre la voix du premier président de la Haute-Volta, actuel Burkina Faso et une grande partie de ses compatriotes. Son discours solennel du 5 août 1960 diffusé en boucle à la Radiodiffusion télévision nationale et par d’autres médias audiovisuels suscite un regain d’intérêt pour cette grande figure politique dont le parcours reste souvent méconnu.

Pour avoir proclamé l’indépendance de la Haute-volta le 5 août 1960, d’une voix forte et posée, le président Maurice Yaméogo demeure à jamais le père de la Nation qu’il a dirigée entre 1959 et 1966. Six ans après l’accession à la souveraineté nationale et internationale, un mouvement politique mené contre sa politique d’austérité, l’oblige le 6 janvier 1966 à rendre le tablier. Avant de parvenir au plus sommet de l’Etat, Maurice Yaméogo a dû emprunter le chemin plein d’embûches de la politique.

Né le 31 décembre 1921 à Koudougou, actuel chef-lieu de la région du Centre-Ouest dans une famille de paysans mossi sous le prénom de « Nawalagmba » (« Il viendra les rassembler » en mooré). Qualifiant sa famille de « païenne et complètement abandonnée à toute une foule de superstitions », l’animisme ne lui convient pas et il opte pour le christianisme dès son enfance et devient Maurice. Malgré toutes les foudres de ses parents, rien ne l’arrête.

Il va suivre des cours de catéchisme pour être baptisé par le révérend-père Van Der Shaegue. Il perd sa mère trois mois après ce sacrement. Mais cette tragédie ne freine pas la vocation sacerdotale de celui qui s’appelle désormais Maurice Yaméogo. Il fréquente pendant quelques années l’école primaire de son village et intègre ensuite, dans les années 1930, le prestigieux établissement, Petit séminaire de Pabré, qui forme des prêtres du pays et fournit des cadres à l’administration publique et privée. Maurice Yaméogo y rencontre des élèves qui feront, des années plus tard, l’histoire sociopolitique du Burkina comme lui notamment Joseph Ki-Zerbo et Joseph Ouédraogo plus connu sous « Jo Weder ».

Cependant, ses fréquentations l’éloignent des principes ecclésiastiques et ont pour conséquence son départ en 1939 du Petit séminaire de Pabré. Il y sort sans diplôme. Tout de même bien instruit, le premier la Fonction publique coloniale en tant que commis expéditionnaire. Une promotion qui symbolisait à l’époque, réussite, prestige et sécurité, d’où l’appellation d’« évolué » attribuée à toute personne occupant un tel poste.

L’héritier spirituel de Philippe Zinda Kaboré

Bien qu’épanouit dans son milieu, Maurice Yaméogo n’exercera que quelques mois en Haute-Volta. Il se retrouve en Côte d’Ivoire où il a été affecté en 1940. De retour dans sa ville natale après un bon moment passé au bord de la lagune Ebrié, il est élu le 15 décembre 1946, conseiller général de Koudougou à la première Assemblée territoriale de Côte d’Ivoire. Créée auparavant en 1919, la colonie de la Haute-Volta a été disloquée, au grand dam de ses habitants, en 1932 entre la Côte d’Ivoire, le Soudan français et le Niger. Pour reconstituer leur territoire, ceux-ci vont élire à cet effet, le député Philippe Zinda Kaboré en novembre 1946, au Palais Bourbon (Assemblée nationale française).

Pendant ce temps, Maurice Yaméogo rêve d’une grande carrière politique. A la recherche d’une certaine ascension politique, il intègre alors l’entourage du parlementaire. Malheureusement, ce dernier décède brutalement le 24 mai 1947. Se considérant alors comme son héritier spirituel, Maurice Yaméogo se réclame le porte flambeau de son combat. En septembre 1947, la Haute-Volta est reconstituée dans ses frontières de 1932. Une Assemblée territoriale est créée une année plus tard au sein de laquelle Maurice Yaméogo va siéger sous la bannière du Parti démocratie voltaïque (PDV), section locale du Rassemblement démocratique africain (RDA), parti de Feu Philippe Zinda Kaboré qui bénéficie de la majorité des 50 sièges hérités du partage territorial.

L’avenir ne s’annonce pourtant pas radieux pour le PDV-RDA qui va très vite accumuler les échecs électoraux, face à l’Union voltaïque (UV), dirigée par Henri Guissou. Maurice Yaméogo qui semble ne pas aimer les équipes perdantes, tourne casaque pour se retrouver du côté de l’UV, niant au passage n’avoir « jamais » appartenu au RDA., malgré l’opposition de sa formation politique, il réussit à se faire élire Grand conseiller de l’Afrique occidentale française (AOF) pour la Haute-Volta à Dakar, le 28 juillet 1948.

Il n’a que 26 ans. Cette consécration est en réalité l’œuvre du Père Goarnisson, un européen sollicité par le collège des autochtones pour le poste de grand conseiller, qui a désisté à son profit. Maurice Yaméogo a donc le vent en poupe et reste grand conseiller de l’AOF jusqu’en 1952. Séjournant à Dakar, il tente discrètement de se rapprocher à nouveau du RDA. Des échecs électoraux à la présidence de la république Aux élections législatives de 1951, le PDV-RDA présente une liste unique avec le Docteur Ali Barraud.

Ce qui n’est pas le cas de l’UV, parti en proie à des crises internes. Ces dissensions amènent Bougouraoua Ouédraogo et Maurice Yaméogo, tous deux Grands conseillers de l’AOF issus de l’UV, à déposer une liste indépendante qui se solde par un échec « cuisant ». Ce qui le contraint à redevenir, à partir de 1952, simple commis expéditionnaire aux ordres du gouverneur Albert Mouragues, un ennemi juré du RDA qui soupçonne ce parti de sympathie avec le communisme. Il se voit muter à Djibo, dans la région du Sahel. Commence donc la traversée du désert ! Des mois plus tard, il retrouve Ouagadougou en tant que billeteur du service de santé.

Il saisit cette opportunité pour relancer sa carrière politique, en réintégrant l’UV grâce au parrainage de son camarade de promotion de Pabré, Joseph Conombo, devenu depuis lors président du Conseil général. Au cours de l’année 1954, l’UV s’éclate en deux tendances : d’un côté, le député Nazi Boni et de l’autre, les barons de la formation qui mettent fin à son existence pour créer le Parti social d’éducation des masses africaines (PSEMA), sous la direction de Joseph Conombo. Maurice Yaméogo fait bande à part et conduit, sans succès, une liste aux législatives de janvier 1956. Déterminé plus que jamais à dominer le jeu politique, il s’en sort brillamment aux élections territoriales de 1957 à Koudougou sous la bannière d’une liste du Mouvement démocratique voltaïque (MDV), parti de Gérard Kango Ouédraogo et du Français Michel Dorange qu’il a rejoint la même année.

Aux côtés de son cousin Denis Yaméogo, il remporte avec brio les six sièges de la circonscription, face au Parti démocratique unifié (PDU) dirigé par Daniel Ouezzin Coulibaly, né de la fusion du PSEMA et du PVD-RDA. Conformément à l’entrée en vigueur de la Loi-cadre Defferre de 1956, ces élections visaient la mise en place d’un gouvernement de coalition. Ce qui fut fait avec sept ministres pour le PDU, parti ayant remporté la majorité absolue aux élections et cinq pour le MDV.

Daniel Ouezzin Coulibaly est tout naturellement le Premier ministre, tandis que le portefeuille de l’Agriculture échoit à Maurice Yaméogo. L’ancien pensionnaire du Petit séminaire de Pabré rentre ainsi dans la cour des grands. L’ascension dont il rêvait va se poursuivre, suite à une crise politique au sein du PDU qui voit le départ de Joseph Conombo. Ce parti sera renommé pour la circonstance Union démocratique voltaïque (UVD) affiliée au RDA perdant du coup sa majorité absolue. Mais en fin stratège, le leader de l’UVD/RDA, Daniel Ouezzin Coulibaly, va débaucher Maurice Yaméogo et d’autres députés du MDV pour se refaire une majorité.

Il dissout, le 22 janvier 1958, le premier gouvernement et reforme un autre qu’il dirigera avec comme N°2, Maurice Yaméogo. Après le décès de Daniel Ouezzin Coulibaly, le 4 septembre 1958, l’ « enfant terrible » de Koudougou assure l’intérim du gouvernement. Il est par la suite confirmé à son poste par l’Assemblé territoriale qui, après la proclamation de la République de Haute-Volta le 11 décembre 1958, devient législative et constituante. Comme promis à un destin national, Maurice Yaméogo est élu premier président de la République par l’Assemblée nationale le 11 décembre 1959. Politicien dans l’âme, il a vécu jusqu’à la date fatidique du 15 septembre 1993, jour de sa mort des suites d’une maladie.

Kader Patrick KARANTAO

Sidwaya

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