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Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

Publié le vendredi 5 novembre 2010 à 02h25min

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Les urnes qu’abritaient les 19 947 bureaux de vote disséminés à travers tout le territoire ivoirien (et à l’extérieur) ont parlé. Que leur volonté soit faite ! Après une attente rendue encore plus insoutenable par le manque de flair politique de la Commission électorale indépendante (CEI), qui se refusait, au début, à donner les résultats partiels au fur et à mesure qu’elle les recevait avant de s’y résoudre à partir de mardi nuit, le président de l’institution, Youssouf Bagayoko, a procédé, tard dans la soirée de mercredi, à la proclamation des chiffres provisoires ; lesquels sont venus confirmer, à peu de choses près, les grandes tendances qui se dégageaient déjà dans la journée, et qui ne laissaient plus de place au doute.

Le tiercé étant connu depuis belle lurette, la seule inconnue résidait, comme chacun le sait, dans l’ordre d’arrivée.

Au bout du compte donc, ou du décompte si vous préférez, et sous réserve de l’onction définitive du Conseil constitutionnel après l’examen d’éventuels contentieux, c’est Laurent Koudou Gbagbo qui a coiffé ses deux principaux adversaires au poteau avec 38,3% des suffrages exprimés, contre 32,08% à Alassane Dramane Ouattara (ADO), son poursuivant immédiat, Henri Konan Bédié (HKB) fermant la marche avec 25,24%. Le reste tient presque de l’anecdotique, puisque le quatrième, Mabri Toïkeuse, pointe à... 2,57%, les dix autres prétendants se bousculant dans un mouchoir de poche entre 0,05% et 0,37% ; autant dire à des années-lumières des trois mastodontes de la faune politique ivoirienne.

C’est clair, net et précis, le pays d’Houphouët est plus que jamais un triangle où les principaux leaders tiennent chacun son côté pour ne pas dire son « morceau d’Eburnie », cela, d’autant plus qu’excepté quelques « anomalies » électorales, chacun des gourous a fait main basse sur « son domaine » : ADO au Nord comme on s’y attendait, Gbagbo au Sud, au Centre-Ouest et à l’Ouest, et HKB dans le Centre.

Avec des données qui épousent les clivages ethnorégionalistes voire religieuses, on peut raisonnablement affirmer que la Nation ivoirienne est encore à construire, et les fractures, loin d’être soudées ; même si, en bonne démocratie, on peut concevoir qu’un homme politique digne de ce nom, tel un fauve qui marque son territoire de ses empreintes, ait son fief, quasi incontestable, et sa citadelle, inexpugnable.

En réalité, à propos de ces joutes, tous les observateurs s’accordaient à dire que le mystère restait Abidjan, « laboratoire de la Côte d’Ivoire de demain » ainsi que le disent certains, meeting-pot devenu encore plus indéchiffrable avec les mouvements de populations consécutifs à l’éclatement de la rébellion le 19 septembre 2002. Or, qui tient la capitale tient le pays, a-t-on coutume de dire ; cela est encore plus vrai s’agissant de la perle des lagunes, qui concentre, à elle seule, près du tiers de l’électorat (1,4 million de votants sur 1,7 million d’inscrits).

La bataille d’Abidjan aura donc tourné en faveur du locataire du palais de Cocody. Simple prime au sortant ou véritable osmose entre une population urbaine souvent jeune et désargentée et un dirigeant volontiers populiste (voire démagogue pour ses contempteurs) et proche du petit peuple dont il maîtrise le “nouchi” ? Allez savoir ! Maintenant que les deux finalistes sont connus, que va-t-il se passer le 28 novembre, date prévue pour le second tour ? La question, en principe, ne se pose pas.

Car, avec les 25% de HKB, ADO avec ses 32% devrait théoriquement passer haut la main, puisque, dans le cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et le développement (RHDP), les deux sont liés par un accord en vertu duquel l’éliminé devrait apporter son soutien et ses voix au qualifié. Ajoutons même les 2,57% de Mabri Toïkeuse de l’UDPCI, également membre de ce conglomérat, et on pourrait conclure que si la politique est logique, le patron du RDR sera le prochain président de la Côte d’Ivoire.

Mais, on le répète, pour parler ivoirien, « élection, c’est pas mathématique », et ADO est suffisamment intelligent pour savoir que le basculement des bédiéistes ne sera pas automatique. Il y a tout lieu de penser que l’électorat du sphinx de Daoukro va se diviser sur la conduite à tenir, ce qui peut faire l’affaire de l’enfant terrible de Mama. En tout cas, cette incertitude conserve tout le piquant du jeu électoral ivoirien, et on a déjà hâte d’être au lendemain du 28 novembre.

En attendant, pour HKB, l’heure du repos a sonné, et à 75 ans révolus, il n’est pas immérité qu’il fasse valoir ses droits à la retraite. Celui qui disait, encore il y a peu, que « La Côte d’Ivoire a encore besoin de moi » (1) devrait se résoudre à cette évidence : ce sont les Ivoiriens qui ne veulent plus de lui, quelque expérimenté qu’il puisse être.

Au lieu de crier à la triche tout en appelant ses partisans au calme, il devrait donc, plutôt que d’être un vieux dépité, revanchard et mauvais perdant, avoir assez de dignité et de sagesse, comme devraient l’y inciter son âge et son expérience, pour reconnaître sa défaite. Il n’en sortirait que plus grand. Car, fraude pour fraude, dans une élection surveillée de près comme celle-là, quels genres d’irrégularités susceptibles d’entacher la sincérité du scrutin ont pu être commises ?

Pourquoi les Ivoiriens verseraient-ils d’ailleurs une larme sur la contreperformance de Bédié, eux qui veulent la paix et n’ont certainement pas encore oublié que c’est quand même celui-là qui a ouvert la boîte de Pandore avec son funeste et fumeux concept d’ivoirité ; qui était tout a fait pour l’exclusion d’une partie de ses compatriotes du jeu politique en leur déniant la nationalité ivoirienne ?

La suite, on la connaît : il sera éjecté du pouvoir à Noël 99 par le général Robert Guéi avant que Gbagbo, à son tour, surfe sur la même vague de l’exclusion pour être élu en octobre 2000 dans des conditions “calamiteuses” jusqu’à ce qu’éclate la rébellion. Ce sont les comptes de tous ces errements qui sont toujours en train d’être soldés maintenant, la défaite de Bédié n’en étant qu’un dommage collatéral fort logique.

Notes :

(1) Dans “Jeune Afrique” n° 2596 du 10 au 16 octobre 2010

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 5 novembre 2010 à 04:54, par sauvy En réponse à : Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

    Je partage votre analyse et je souhaite entendre un son de cloche different de la part des internautes. Merci

  • Le 5 novembre 2010 à 17:45 En réponse à : Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

    A vrai dire ce Monsieur Bedie ne m’a jamais inspire une quelconque confiance depuis qu’il a pris la place du trone de son pere. J’irai meme plus loin pour dire qu’il n’a pas de carure d’homme politique et c’est tres logiquement que le peulple ivoirien n’a pas voulu de lui.Je me demande meme pourquoi il est revenu pour briguer un autre mandat alors que son age est deja avance.S’il etait vraiment sage, il devait se retirer tranquilement de la vie politique et savourer l’argent que son pere a amasse depuis les independances jusqu’en 1993 annee de sa mort.
    Ce resultat est une tres belle lecon pour ce vieux aspirant.
    Bon vent ex president

  • Le 6 novembre 2010 à 12:54 En réponse à : Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

    Je crois que la RCI revient de très loin après 10 ans de crise qui a mis toute son économie à plat. Dans ce contexte, qu’on arrête de parler d’ethnie, de réligion et que sais-je encore. Il appartient aux intellectuels de tenir un language qui va contribuer peu à peu à sensibiliser ceux là dontle niveau de compréhension se résume à dire votez un tel parce ce que c’est notre frère. Les enjeux sont tels aujourd’hui que même si c’estun chinois qui a les capacités de sortir le pays du marasme dans lequel il baigne, on doit l’accepter dansl’intérêt supérieur de la nation ivoirienne(encore que je n’ai rien contre les chinois, bien au contraire) Arrêter un peu avec ces histoires de il est du nord, du centre, de l’ouest, du sud, il est bété, dioula, baoulé, chrétien, muslman et que sais-je encore. La CI a besoin d’avoir à sa tête UN IVOIRIEN ayant les capacités de relever le défi de la relance de l’économie ivoirienne.Un point c’est tout. Tout autre discours du genre tribaliste, sectariste, régionaliste doit être découragé car très dangeureux pour la suite des élections. Du reste les ivoiriens ont déjà prouvé leur maturité politique en allant aux élections de manière apaisée le 31/10/10.Le choix du futur président de la RCI doit se faire sur la base du meilleure programme politique et pas autre chose.

  • Le 7 novembre 2010 à 12:40, par paterne En réponse à : Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

    J’esepre que Bedie va tenir parole en soutenant ADO

  • Le 7 novembre 2010 à 20:36, par ricky En réponse à : Henri Konan Bédié : Le dépit d’un revanchard

    je pense que bédié sait qu’entre gbagbo, le patriote et ouattara, l’exterminateur qui a voulu le liquider et liquider gbagbo, il n’y a pas match. tout sauf ouattara (TsO)

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