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CYCLE « INDEPENDANCES AFRICAINES » : ENTRETIEN AVEC MR MOUMOUNI BILA, CHEF DE PAKALA

Publié le jeudi 28 octobre 2010 à 03h29min

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Né en 1942 à Pakala (Garango), Moumouni Bila a été un ancien enfant de troupe de l’Armée française. Celui qui fut considéré jusqu’en 1965 comme un Français, aura marqué son temps par sa témérité, son intégrité et sa droiture. Toujours en train de raconter des anecdotes, le Chef de Pakala, puisqu’il règne sur sa contrée natale, nous aura tenu en haleine pendant l’entretien. De son parcours dans l’Armée française à son retour à celle voltaïque, en passant par les indépendances, il nous met dans la confidence et en profite pour asséner ses vérités. Lisez plutôt !

San Finna (SF) : Comment avez-vous commencé votre carrière militaire et où avez-vous servi ?

Chef Bila Moumouni (CBM) : J’ai passé mon concours d’entrée à l’Ecole militaire préparatoire africaine de Ouagadougou (EMPA). Ensuite, je suis allé à Bamako à Kati, par erreur. Là-bas, j’allais suivre les cours au Lycée Terrasson de Fougère. Je voulais faire Industrie automobile mais on m’a orienté en topographie pour une année. J’ai été muté ensuite à Bingerville à l’Ecole technique. J’y ai décroché le BEP avant de me rendre en France pour continuer.

Après ma formation en France, on m’a affecté à Dakar en tant que Français à la Coopération française, en 1962. J’y ai servi jusqu’en 1965. J’ai eu des problèmes par la suite avec un docteur par rapport au traitement administré à mon épouse pendant son accouchement. Cela m’a vraiment bouleversé et découragé et c’est alors que j’ai dit à la France que je n’avais jamais demandé à être Français. Effectivement, suite à des vérifications, cela avait été reconnu.

C’est comme ça que je suis revenu en Haute-Volta en mars 1965. Mais ne voulant pas chômer, je suis allé voir Sangoulé Lamizana pour intégrer l’Armée voltaïque. Il m’a rétorqué que j’étais Français et qu’il ne pouvait pas m’intégrer dans l’Armée. Je lui ai simplement dit que si j’étais Français, je n’allais pas revenir en Haute-Volta. Je voulais continuer dans l’Armée parce que la vie civile ne me convenait pas. Il m’a dit qu’il y avait le concours de la gendarmerie et que je pouvais y postuler.

C’est ainsi que j’ai passé le concours de la gendarmerie en 1965. La rentrée a eu lieu en mai à Bobo-Dioulasso à l’école de ce corps. C’est pendant ma formation là-bas qu’est intervenu le 03 janvier 1966.
Le commandement nous a sollicités pour que nous puissions assurer l’ordre dans la ville. Et c’est à la suite d’un concours de circonstance que j’ai été nommé Chef de poste par Yorian Gabriel Somé qui était le Commandant.

Après la sortie, étant technicien, mécanicien de formation, il m’a affecté à la Gendarmerie de Ouagadougou.
Je suis retourné en France pour passer le diplôme militaire, premier degré, deuxième degré, ce qui équivaut à Bac plus 4. Quand je suis revenu, j’ai été affecté à Bobo-Dioulasso comme chef de service. Et au gré des humeurs de chefs du moment, je faisais la navette entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.
Je suis à la retraite après avoir fait 07 ans 9 mois dans l’Armée française et 24 ans 7 mois dans l’Armée voltaïque.

SF : Comment était la vie sous l’Armée française ? Avez-vous connu des formes de discrimination ?

CBM : Sous l’Armée française, j’avais une faveur parce que j’étais un enfant de troupe. C’est nous qui sommes venus révolutionner l’armée coloniale des enfants de troupe.
Nos devanciers, qui n’avaient pas un niveau scolaire suffisant pour se défendre, subissaient, et certains nous dissuadaient même de nous plaindre mais on passait outre pour condamner les discriminations et le racisme.
Je vous donne un exemple à titre illustratif.

Je suis arrivé à Dakar et j’ai trouvé deux Mess : Mess des sous officiers africains et Mess des sous officiers français. Cela ne m’a pas fait plaisir, et ayant le statut de français, je devais fréquenter le Mess des sous officiers français. Je suis allé voir le Commandant de régiment et je me suis plaint. Il m’a rétorqué que c’était comme ça. Je lui a i dit qu’après les indépendances, ils devaient quand même changer un peu parce qu’il n’y avait pas une différence entre nous. Il m’a dit qu’il prenait note et c’est à la suite de ça qu’on a fusionné les deux Mess des sous officiers.

Mais si on compare l’armée française à notre armée, ce n’est pas la même chose. Là-bas, on reconnaît vos mérites et vos compétences. Même si vous êtes en désaccord avec un haut gradé, si vous avez un concours à passer, le soir, si vous êtes admis, vous partez. Mais ici, il faut être lèche-bottes pour avoir un avancement. Moi, j’ai 06 enfants et je ne vois pas pourquoi j’irai donner un dindon à un haut gradé alors qu’il gagne plus que moi par mois.

SF : Il est vrai que vous n’étiez pas en Haute-Volta lors du démantèlement des bases militaires mais quelle a été la réaction de vos camarades ?

CBM : Ce n’était pas une bonne chose. Je le dis franchement. Ca a été brusque et les Français l’ont mal pris. Alors, ils ont ramassé tout le matériel. Ca, j’y ai assisté. Je suis revenu en tant que français pour assister au transfert du matériel vers Bouaké. Ce qu’ils ne pouvaient pas emporter, ils le jetaient dans des puits qu’ils bétonnaient ensuite avant de partir. C’était une décision révolutionnaire mais ça faisait tort à notre armée. Le ministre de la Défense à l’époque, c’était Georges Bamina.

SF : Comment avez-vous accueilli l’indépendance ?

CBM : J’étais toujours en France et c’est par les ondes qu’on suivait l’accession à l’indépendance des Etats africains.
Ma lecture des indépendances est sans appel. C’était prématuré.
Il faut se rappeler : notre pays fut divisé et partagé aux autres Etats et reconstitué en 1947. Et en 1960, c’est-à-dire en seulement 13 ans d’existence, on demande l’indépendance. Est-ce que le premier président n’était pas condamné ? Il n’y avait rien, même dans les caisses.

SF : Vous qui êtes Chef, comment réagissez-vous quand ont dit que Maurice Yaméogo a supprimé la Chefferie ?

CBM : Je viens de vous dire qu’il n’y avait rien à l’accession de notre pays à l’indépendance. Alors, Maurice Yaméogo et ses ministres ont décidé de transformer le pays en villages au lieu de cantons. Le chef de canton avait un salaire qui était de 38.000 fcfa et il y avait plus de 300 cantons. Où allions-nous trouver l’argent pour payer tous ces chefs de canton à ne rien faire ? Ce n’était pas pour destituer le chef mais c’était une mesure financière.

Pour le prélèvement des impôts, le chef de canton ne faisait rien, c’étaient les chefs de village qui abattaient le gros boulot. Ceux-ci ne recevaient que la ristourne en fin d’année. Et quand des intellectuels racontent des mensonges alors qu’ils ont la possibilité de savoir ce qui s’est passé, ça ne me fait guère plaisir.

J’ai un écrit que je détiens de mon père et signé par Denis Yaméogo, ministre de l’Intérieur de l’époque, qui reconnaissait l’existence des chefs de village.

SF : Appréciez-vous la célébration du cinquantenaire des indépendances ?

CBM : Moi, non ! On devait marquer un temps pour réfléchir à travers un forum ou autre chose. On devait s’arrêter pour faire le bilan, pour faire une évaluation de notre parcours et tirer les enseignements pour aller de l’avant. On aurait dû prendre cet argent pour l’investir ailleurs.
On dit que nous sommes pauvres mais je crois que nous sommes les plus riches depuis les indépendances. Jusqu’aujourd’hui, les fonctionnaires burkinabé ont toujours eu leurs salaires.

SF : Quels sont vos vœux pour les 50 prochaines années ?

CBM : Je souhaite qu’il y ait un changement notable. Que la démocratie se renforce et qu’il y ait la bonne gouvernance. Je souhaite que les dirigeants soient transparents et qu’ils puissent mettre à contribution le Peuple à chaque grande et grave décision.

Aristide Ouédraogo

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 28 octobre 2010 à 14:24, par VP En réponse à : CYCLE « INDEPENDANCES AFRICAINES » : ENTRETIEN AVEC MR MOUMOUNI BILA, CHEF DE PAKALA

    Cet type là n’a jamais été chef de son village.Il est un forceur comme il nous l’explique.A travers les histoires qu’il nous conte,on découvre son insoumission et sa suffisance.Je suis persuadé qu’il serait autoproclamé chef de son village.En plus,il n’a pas accepté nous dire avec quel Galon il a obtenu à la Gendarmerie avant d’etre mis à la retraite.Ne permettez pas à n’importe qui de se pavaner dans les journaux officiels.
    Mon bonjour amical au Koro Yamyélé et à mon ami Fernando Leché.Sans rancune.

  • Le 28 octobre 2010 à 21:30, par BOUM En réponse à : CYCLE « INDEPENDANCES AFRICAINES » : ENTRETIEN AVEC MR MOUMOUNI BILA, CHEF DE PAKALA

    Je ne donne pas tord à notre célèbre VP car cet type se fout loyalement des civils voici ce qu’il déclare:Je voulais continuer dans l’Armée parce que la vie civile ne me convenait pas... Et maintenant ou te trouve tu après ta retraite ? Si la vie civile ne te convient pas pourquoi se dire chef de village des civils ? Soyez sobre afin que cette nouvelle génération vous suive.

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