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CYCLE « CINQUANTENAIRE DES INDEPENDANCES » : OUMOU OUEDRAOGO, UNE EX MAJORETTE DES INDEPENDANCES, PARLE

Publié le mardi 12 octobre 2010 à 03h32min

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Oumou Ouédraogo

Elle a 65 ans révolus, mais elle ne fait pas son âge. Oumou Ouédraogo
habite la Cité de Naaba Kaongo au Secteur 4 de Ouahigouya. Elle est commerçante et consacre beaucoup de temps aussi à l’agriculture et à l’élevage. Cette forte dame, dont le charisme est saisissant, a le verbe haut et des anecdotes qui accrochent. Quand nous sommes allés la rencontrer pour réaliser cet entretien, elle était allée ramasser du haricot dans son champ. Au moment où notre pays accédait à l’indépendance Oumou Ouédraogo avait 15 ans et elle dit avoir été majorette ou ce qu’il en était. Plongeons-nous dans les souvenir de cette dame très religieuse.

San Finna : A l’occasion de l’accession de notre pays à l’indépendance, que faisiez-vous ?

Mme Oumou Ouédraogo (MOO) : J’étais à Bobo-Dioulasso chez ma tante que j’aidais dans son commerce au marché. Mais j’étais aussi majorette (NDLR : c’était plutôt des groupes de danse que des majorettes comme nous les connaissons aujourd’hui). On nous appelait les ‘’ambianceurs’’ de Maurice Yaméogo, et chaque fois qu’il y avait des manifestations officielles, on faisait appel à nous.

San Finna : Vous aviez 15 ans à l’indépendance, mais comment était votre vie avant ?

MOO : Avant l’indépendance, on utilisait le franc (NDLR : Toma en mooré) dans les échanges commerciaux. A cette époque, avec 5 francs ce qu’on pouvait faire comme achat, j’étais incapable de supporter sa charge tellement la quantité était énorme. Nous n’avions que les francs et les centimes comme argent, mais il y avait aussi 50 francs, 100 francs. Pour les avoir, c’était difficile. Avant, les gens n’achetaient pas le mil avec la tine, mais ça se mesurait avec des calebasses. C’est sous l’air de Maurice Yaméogo qu’on a institué la tine. Sinon la calebasse faisait 1 franc, presque tout se vendait à 1 franc ou au centime de franc. Vraiment tout était moins cher au marché à l’époque.

San Finna : Aviez-vous l’occasion de voir les Blancs avant l’indépendance et que faisaient-ils ?

MOO : On ne voyait les Blancs que lorsqu’on devait payer l’impôt. Ils étaient souvent accompagnés de policiers et de gendarmes. Quelquefois, dans certaines concessions, il fallait payer 5 francs. Et pour avoir cette somme à l’époque, c’était très difficile. Alors sous les ordres des Blancs, les policiers et ou les gendarmes amenaient de force nos parents dans les geôles et les torturaient. Certains arrivaient à se cacher en brousse. A cause de l’impôt, les Blancs ont réellement torturé les populations. Et ce n’est qu’à l’indépendance qu’il y a eu une certaine accalmie et aussi les nouvelles autorités ont modéré. Sous l’ère de Maurice Yaméogo, l’impôt ne se prélevait plus sous la contrainte, mais il existait toujours.

San Finna : Mis à part l’impôt que retenez-vous de douloureux sous la colonisation ?

MOO : Sous la colonisation, le problème épineux pour nous était l’argent, parce qu’il fallait l’avoir néanmoins pour payer l’impôt qui était obligatoire et forcé.

San Finna : Avez-vous manifesté une joie quelconque au premier anniversaire de notre indépendance ?

MOO : La première joie, c’était de nous être débarrassés des Blancs et de prendre notre destin en main. Les sévices, les tortures, les brimades et humiliations étaient finis pour nous. Les Blancs n’allaient plus jamais s’en prendre à nous et réduire certains en esclavage, c’était fini. Le travail forcé était fini et on nous avait même promis de mettre un terme à l’impôt. Nous étions vraiment contents. Quand Maurice a pris le pouvoir, tout le monde a eu la paix, ce que les Blancs appellent ‘’liberté’’ (NDLR : interview réalisé en mooré). Nous qui étions des commerçants, on ne nous touchait plus, les pillages étaient terminés de même que nos misères. Nos grands parents et nos parents ont souffert le martyr en construisant les routes à main nue et ce n’est qu’après l’indépendance et l’arrivée de premiers Caterpillars que certains ont eu la paix.

San Finna : Quel est votre regard rétrospectif ?

MOO : Nous avons certes connu la période coloniale, le début des indépendances et l’époque actuelle. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en ce moment, il y avait réellement à boire et à manger. Ce n’est pas comme maintenant. Avant les indépendances, les Blancs mettaient souvent la main sur nos récoltes mais après notre accession à la souveraineté nationale, tout ça c’était fini et on avait à boire et à manger en abondance. Il faut reconnaître que même nos frères à l’occasion arrêtaient d’autres Voltaïques qu’ils allaient vendre aux Blancs qui les amenaient comme domestiques et autres avec eux. L’indépendance a été un réel soulagement pour les populations.

San Finna : Participiez-vous aussi aux festivités commémoratives de notre prise de l’indépendance ?

MOO : Je venais de vous dire que je faisais partie des majorettes qu’on appelait : ‘’Tôon’’. Nous étions les premiers ‘’ambianceurs ‘’ de Maurice Yaméogo. On dansait au son des djembés et des balafons jusqu’à ce qu’on arrive au warba et au liwaga (NDLR : différents rythmes musicaux de l’Ouest et du Nord du Burkina). Si on avait eu une prise en charge, je n’en serais pas là, mais Maurice ne s’est pas occupé de nous.

San Finna : L’avez-vous connu personnellement Maurice Yaméogo ?

MOO : (NDLR : elle élève le ton) Et comment ! Ce n’est pas ça seulement. Quand il venait à Bobo, nous étions toujours au rendez-vous. On aidait même au rangement de la tribune. On était toujours les premiers sur les lieux, et l’on commençait l’ambiance jusqu’à son arrivée. On nous prenait en photographie le plus souvent.

San Finna : Pour quelle raison avez-vous quitté alors Bobo pour Ouahigouya ?

MOO : C’est le mariage. J’étais en âge de me marier et ma tante, selon la tradition, m’a reconduite à Ouahigouya ici pour ‘’me donner en mariage’’ (NDLR : ce sont ses termes) C’est l’année à laquelle je me suis mariée que Maurice est parti du pouvoir.

San Finna

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