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Couplage législatives-municipales : Deux élections pour le prix d’une

Publié le lundi 11 octobre 2010 à 01h58min

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Le couplage électoral, on en parle depuis un certain temps. Tout près de chez nous, au Bénin du président Boni Yayi, même si la modification de la loi fondamentale n’est pas à l’ordre du jour, la question du couplage des législatives et de la présidentielle fait déjà, elle, l’objet de polémique, tant au niveau du lanterneau politique que dans la presse.

Au Sénégal, au Niger et au Tchad on en parle également, et la presse semble même en faire ses choux gras. Alors, est-ce un phénomène de mode ou une grande nécessité de l’heure ?

En tout cas depuis plusieurs mois, en ce qui concerne le Burkina, l’Alliance des partis et formations politiques de la mouvance présidentielle (AMP) recommandait, avec une certaine insistance, le couplage des élections municipales et législatives. Et le Conseil des ministres, en sa séance du 6 octobre dernier, a adopté un projet de loi portant prorogation du mandat des conseillers municipaux et régionaux.

Ainsi, les élections municipales, qui auraient dû se tenir en avril 2011, se tiendront en 2012 en même temps que les législatives, si d’aventure ce projet de lois était adopté. On pourrait alors, pour la seule année 2012, avoir deux élections pour le prix d’une seule, car, à entendre le gouvernement, l’adoption du présent projet de lois permettant d’harmoniser les différents scrutins et de rechercher une mise en commun des moyens.

Ce n’est qu’un projet de lois, et l’exécutif va sans doute opter pour un large consensus, en initiant un processus et un véritable débat national qui permettront à l’ensemble des acteurs de la scène politique de comprendre et d’accepter le bien-fondé du couplage de ces élections. Au Burkina, nous n’ignorons pas le rapport des forces politiques en présence : le CDP étant fort des trois quarts des élus nationaux, ce projet de lois sera adopté haut la main par notre auguste Assemblée si tel est le désir du parti au pouvoir. Mais quel en serait l’intérêt si ce couplage des municipales et des législatives passait comme quelque chose d’imposé ?

Ici comme ailleurs, le consensus semble la meilleure boussole. Ce qui signifie qu’il faut au préalable un débat sain et empreint de sérénité qui permette de montrer et les avantages et les inconvénients d’un tel attelage. En écoutant les uns et les autres, on en vient à prendre des décisions consensuelles.

Comme nous l’avons vu, ce couplage n’est aucunement une exception burkinabè, puisqu’il est, dans bien des pays, à l’ordre du jour, la préoccupation des gouvernants étant de réduire le coût des élections et de faire mieux fonctionner la démocratie. Si par extraordinaire ce projet de lois n’était pas adopté, durant les trois prochaines années, c’est-à-dire en 2010, en 2011, et en 2012, nous serions continuellement en consultations.

Déjà que bien des citoyens boudent les urnes pour moult raisons, si ces élections s’enchaînent de cette façon, on court le risque d’avoir des taux de participation très faibles, à la limite ridicules, car les citoyens, dont beaucoup ne perçoivent déjà pas la nécessité d’aller s’inscrire sur les listes électorales, trouveraient là un bon prétexte pour faire une croix sur les urnes. Plus est, ces trois longues années ponctuées de joutes oratoires ressembleraient à un temps de recréation au profit des seuls professionnels de la politique.

Et pendant tout ce temps, l’Administration, de même que tout un pan de l’économie, vont fonctionner au ralenti. Cependant qu’à l’opposé, organiser les municipales et les législatives au même moment pourrait nous permettre d’économiser un tant soit peu nos maigres ressources financières, que nous dilapidons en pareilles circonstances. Et cela, il ne faut pas le perdre de vue !

Mais même s’il est vrai que sur le plan du coût, on pourrait avoir deux élections pour le prix d’une seule, la CENI et notre Administration seraient–elles capables de tirer leur épingle du jeu, au strict plan organisationnel ?

Déjà qu’on constate un désordre ambiant dans l’organisation d’une seule consultation électorale, qu’en serait-il si on couplait des législatives, avec leur lot impressionnant de prétendants à l’hémicycle, et des municipales, qui feront courir citadins et ruraux, le tout dans un contexte d’analphabétisme ?

Quoi qu’on dise malgré tout, si ce couplage a des effets bénéfiques incontestables, certains y voient un risque de trop forte politisation de la démocratie locale. Pourtant, on devrait plutôt aller vers une situation dans laquelle le citoyen à la base se détermine en choisissant le meilleur candidat, non pas nécessairement parce que celui-ci est du même bord politique que lui, mais en fonction de son carnet d’adresses, de son équation personnelle, de sa capacité à gérer la commune rurale ou urbaine au grand bonheur des citoyens.

Le niveau local reposant sur une gestion de proximité, il ne serait pas de bon ton qu’on en arrive à une certaine radicalisation sur le plan politique. On se rappelle que, bien des fois, après des joutes oratoires, des hommes et des femmes qui militaient pour des formations politiques adverses sont restés longtemps à couteaux tirés ; chose contraire à l’union pour donner un coup de fouet au développement local.

Coupler les législatives et les locales supposerait, d’autre part, qu’on accepte les candidatures indépendantes au niveau national. Or, si l’idée d’accepter de telles candidatures au niveau local fait déjà son petit bonhomme de chemin, les formations politiques, elles, par contre, ne semblent pas sur la même longueur d’onde s’agissant d’ouvrir la brèche au niveau national. Alors, les Burkinabè seront-ils d’aplomb pour organiser simultanément deux consultations pour le prix d’une ? Nous le saurons dans un proche avenir.

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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