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Anciennes gloires du ballon rond : Il peut y avoir une vie après le foot

Publié le lundi 11 octobre 2010 à 01h56min

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On dit souvent que le journalisme mène à tout à condition d’en sortir. Eh bien, le football aussi vraisemblablement, à condition bien sûr d’abandonner les pelouses avec un minimum d’ambition et de potentiel : les politiciens « professionnels » ont souvent besoin de l’aura, du prestige, de la popularité de ceux qu’il est convenu d’appeler anciennes gloires pour se refaire une santé faute d’une virginité politique, et les athlètes ne manquent pas toujours d’ambition quand ils ne pensent pas carrément avoir un destin national ; il arrive donc que les dieux des stades quittent le rectangle vert pour un terrain où tous les coups sont permis.

On l’a encore vu tout dernièrement au Brésil, où, lors des dernières élections législatives, le célèbre duo d’attaquants de la sélection brésilienne de football (qui a notamment fait parler de lui au Mondial aux Etats-Unis en 1994) Romario et Bebeto ont été élus respectivement député fédéral et député à l’Assemblée régionale de l’Etat de Rio de Janeiro.

Force est de reconnaître que le système électoral brésilien, où le vote est obligatoire, incite les partis à enrôler des candidats qui pourront attirer un grand nombre de voix rien que par leur seul nom. C’est ainsi d’ailleurs que le député le mieux élu de ce scrutin, avec 1,3 million de voix, n’est autre qu’un… clown : Francisco Oliveira Silva, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est très populaire et a connu le succès sous le nom de Tiririca.

C’est aussi la raison pour laquelle Romario et Bebeto s’affirment désormais, à l’instar du Roi Pelé (ministre des Sports de 1994 à 1998), comme des exemples concrets de “transfert” réussi de la pelouse à la scène politique.

Plus proche de nous, nous avons Georges Weah, candidat malheureux à la présidentielle de 2005 au Liberia (avec 40% des voix). Loin de se décourager, Mister Georges, qui entend devenir Mister Président, est retourné sur les bancs à 44 ans pour apprendre la gestion, le droit et les sciences politiques en attendant l’élection de 2011, à laquelle il est d’ores et déjà candidat. Chez nos “ancêtres” les Gaulois, Guy Drut, Jean-François Lamour ou Bernard Laporte, pour ne citer que ces exemples, ont été ministres.

Cependant, si ailleurs la reconversion, pour ne pas dire le recyclage, des anciennes gloires est facile, ce n’est pas le cas au Pays des hommes intègres. Certes, nous avons quelques exemples comme Harouna Dermé, ancien international burkinabè qui, après avoir raccroché les crampons, chausse actuellement les bottes de travailleur de l’ONATEL, Gualbert Kaboré, ancien joueur notamment à l’EFO, aujourd’hui fonctionnaire au ministère de l’Agriculture, et Joseph Kaboré, dit Sap Olympic, qui, après une brillante carrière à l’EFO, au Kadiogo et au Gabon, fait aujourd’hui les beaux jours (pour utiliser le langage footballistique) d’une direction du service informatique (DSI).

Les plus anciens se souviennent également du défunt universitaire Mathias Nana, dit le “Kolo national”, ou de “général Théo”, Tinwendé Compaoré, à l’état civil, cadre de la BCEAO. A l’image de ceux-ci et de quelques autres, ils sont donc un certain nombre à avoir tiré leur épingle du jeu. Sans doute avaient-ils les aptitudes (intellectuelles, manuelles, mentales,…) pour exister en dehors des pelouses.

Mais ce ne sont hélas là, malheureusement, que des exceptions qui confirment la règle : le gros du peloton de nos anciennes gloires végète. A tel point qu’il est inutile de citer des noms de personnes se retrouvant dans une situation précaire après une brillante carrière sportive, tellement elles foisonnent.

Pourquoi ? Peut-être à cause de leur niveau d’instruction, car l’on sait qu’on n’a pas forcément besoin de manier la langue de Molière ou de Shakespeare pour savoir taper dans le ballon rond, ou de leur manque de formation professionnelle ; ou bien du fait du manque d’opportunité de réinsertion à la fin de leur carrière.

Il y en a aussi qui n’ont pas su, comme qui dirait, garder une poire pour la soif quand ils étaient au faîte de leur gloire, brûlant inconsciemment la chandelle par les deux bouts. Toujours est-il qu’elles sont nombreuses, les anciennes célébrités du football burkinabè qui ont, de nos jours, du mal à joindre les deux bouts, si elles ne croupissent pas littéralement dans la misère.

Et c’est vraiment pénible voire désolant de voir des gens que l’on a adulés autrefois végéter quasiment de nos jours dans l’indifférence quasi générale. De ce point de vue, il faut saluer le courage avec lequel l’ancien Etalon Bemba Touré a parlé (1) de son indigence matérielle et lancé un S.O.S. qui, on espère, ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd. Mais, pour un Bemba qui crie publiquement famine, combien sont-ils, par orgueil ou pour toute autre considération, qui se meurent en silence ?

C’est à croire qu’une fois que le ballon ne tourne plus rond pour eux, la terre aussi cesse de tourner. Comme quoi la situation sociale d’un joueur une fois sa carrière terminée n’est pas forcément à l’image de sa renommée ou de sa popularité.

Il y a lieu alors de se demander s’il ne faut pas initier un cadre de facilitation de la reconversion de nos footballeurs, à l’instar du Forum sur “l’emploi pour la reconversion des militaires”, afin de les aider à ne pas raser les murs après voir fini de fouler les gazons. Car, tout de même, ils nous ont fait parfois pleurer, mais souvent rêver comme samedi dernier au stade du 4-Août (2), et à ces “grands hommes” la patrie devrait être reconnaissante.

Hyacinthe Sanou

(1) In L’Observateur Paalga n°7726 du jeudi 30 septembre 2010

(2) Lors de la victoire des Etalons face aux Scorpions de Gambie (3 buts à 1)

L’Observateur Paalga

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