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Fait divers : La route appartient-elle à ton père ou à ta mère ?

Publié le lundi 6 septembre 2004 à 07h41min

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La circulation est dangereuse pour ne pas dire meurtrière à Ouagadougou. Les usagers qui ne respectent pas le code de la route viennent de tous les milieux. Ça brûle les stops, les feux rouges, on tourne sans signaler, les pieds sur le capot, et à toute vitesse, etc. Mais au juste, est-ce que tout ceci pouvait arriver si la police laissait cette sempiternelle sensibilisation de côté pour verbaliser dur à 15 000 FCFA par exemple, l’infraction ?

Ouaga est comme cela car comme le dit un dicton, si tu vas dans un village et que les gens utilisent les mains ou la tête pour marcher, imite-les. En tout cas, Joseph en a eu pour son compte ce jour-là sur l’Avenue Charles-De-Gaulle.

Le samedi soir, la vie est agitée dans la ville de Ouagadougou. On roule à vive allure. C’est justement les week-ends qu’on enregistre le plus d’accidents surtout, ceux mortels. On assiste à une course entre les deux roues et les quatre roues. Toute cette circulation exige une très grande vigilance surtout avec ces cyclistes qui refusent de céder le passage. En ce samedi soir, Joseph remontait l’Avenue Charles-De-Gaulle. Il avait un rendez-vous, on ne sait où et semblait pressé. Près du croisement Avenue Babanguida-Charles-De-Gaulle, il ralentit sa course car il y avait les feux de stop.

Joseph était sur la piste cycable. La voie n’était pas libre car ceux qui empruntaient l’Avenue Babanguida avaient la priorité. Quand le feu passa au vert pour les véhicules, Joseph de son côté, appuya sur la pédale ignorant le véhicule qui partit du stop, clignotait pour tourner. Surpris, le chauffeur stoppa net pour ne pas l’écraser et lui fit comprendre que s’il ne savait pas rouler à vélo, qu’il aille à pied car Dieu lui avait donné des jambes. Joseph dans un mooré bien propre aux Ouagalais lui demanda si la voie appartenait à son père ou à sa mère. Sur ce, il enfourcha son vélo et continua son chemin.

Noufou était chauffeur de remorque. Il pouvait passer des mois à transporter des marchandises d’un pays à un autre sans voir sa famille. Il s’était acheté une 305 et rentrait à Kalgodin où se trouvait son domicile. Depuis qu’il conduit, Noufou n’avait jamais fait d’accident, roulant toujours avec prudence. Il avait l’expérience de la circulation d’Accra, de Lomé, Bamako, Dakar, Niamey, Lagos, etc.

Il s’arrêta au stop suivant car le sang lui était monté aux tempes. Il en voulait à Joseph qu’il avait évité et qui s’était permis d’injurier publiquement ses parents qui dans cette affaire, n’avaient rien à voir et avaient rejoint leurs ancêtres depuis longtemps. C’était un affront qu’il fallait laver. Au niveau de l’église, sortit du véhicule et attendit Joseph.

Quand celui-ci arriva à son niveau, il mit les mains sur le guidon du vélo et le traîna sur le bas côté. Joseph s’attendait à une explication car lui aussi l’avait reconnu mais ce ne fut pas le cas. En deux temps, trois mouvements, il était au sol, saignant du nez et crachant du sang. Nous autres qui étions au stop ne pûmes que constater les dégâts.

Des curieux étaient accourus et demandèrent ce qui se passait. Joseph ne leva pas la tête. Noufou réintégra sa voiture et démarra en douceur sans mot dire. Personne ne parla d’appeler une ambulance. Quinze minutes plus tard alors que nous étions attablés au "Doobo", nous vîmes Joseph marchant doucement et poussant son vélo. Pour notre part, nous pensons que Noufou n’aurait pas dû porter la main sur Joseph surtout à proximité d’un lieu de culte.

C’est vrai que dans la société traditionnelle, le nom du père, de la mère ou des autres parents se prononce rarement lors de conflits, ce qui n’était pas le cas. Que voulez-vous ? De nos jours, insulter les pères, mères et autres, est courant. Mais, retenez que Eric Weil a écrit que : "La tradition nous forme dans son monde. Impossible de la regarder de l’extérieur. Elle est faible là où on en parle beaucoup, très forte là où on en parle pas et où il est même impensable qu’on en parle".

Joseph a su, mais tard, qu’une réponse douce fait rentrer la colère tandis qu’une parole blessante la fait monter. Les femmes ne me contrediront pas sur ce point... N’est-ce pas ?

Rakissé
Sidwaya

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