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Jean-Pierre Mahé : « En Afrique, être entraîneur de boxe ne nourrit pas son homme »

Publié le mercredi 15 septembre 2010 à 03h55min

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Jean-Pierre Mahé est surtout connu et apprécié au Burkina, où il a résidé pendant près de 20 ans, pour avoir donné au pays des champions internationaux comme Dramane Nabaloum dit Boum-Boum, Alexis Kaboré dit Yoyo, Boniface Kaboré dit le Python, Irissa Kaboré dit le Caïd du Faso, ou encore Patrice Sou Toké dit le Bombardier. Expert en viande et en boucherie, il est installé depuis un an dans la capitale nigérienne, où il travaille pour le compte de la société Marina Market. Dans cet entretien qu’il nous a accordé à son domicile à Niamey, il évoque ses projets pour la boxe nigérienne, et son passage au Burkina, qui, assure-t-il, constitue l’un de ses meilleurs souvenirs.

Fasozine.com : Pourquoi avez-vous décidé de vous installer au Niger ?

Jean-Pierre Mahé : Je suis venu en mission pour le groupe Marina market qui est une chaîne de supermarchés, pour développer le département dont je suis responsable, c’est-à-dire tout ce qui est vivres frais. J’étais venu pour trois mois, mais cela fait presqu’un an et demi que je suis là. Je pense que bientôt je serai muté au Ghana, un pays que j’aime beaucoup et dans lequel j’ai séjourné à plusieurs reprises dans le cadre de la préparation de mes boxeurs. Ici au Niger, j’ai rencontré les responsables de la boxe, le président de la fédération, le vice-président, le directeur technique, l’entraîneur national qui est un militaire. Des gens très sympathiques qui m’ont vraiment bien accueilli dès mon arrivée. Et c’était une grande satisfaction de voir que j’avais en face de moi des gens qui sont très à l’écoute et qui m’ont demandé de les aider parce que, pour eux, la boxe professionnelle n’est pas très connue. Ils m’ont demandé de sélectionner des jeunes qui promettent, afin de développer cette boxe professionnelle.

Pour l’instant, j’ai commencé à travailler avec la fédération, au niveau du championnat national. J’ai pris des notes sur chaque boxeur pour distinguer ceux qui sont aptes de ceux qui ne le sont pas. J’ai également proposé des rencontres amateurs Niger-Burkina Faso. Mais je ne préparerai pas l’équipe du Niger parce que je suis plutôt boxe professionnelle et que ce n’est pas de mon ressort de préparer cette équipe pour boxer contre le Burkina où j’ai laissé une partie de mon cœur. J’ai aussi contacté différents sponsors pour la fédération et qui ont répondu présent. Ce qu’on veut faire, c’est animer cette boxe qui, au Niger, était en train de ralentir très sérieusement, par manque de compétition. J’ai pu me rendre compte que l’on doit faire beaucoup de choses. J’ai un gros projet qui me tient à cœur : c’est de faire un grand gala international qui permettra de faire venir nos trois champions actuels, c’est-à-dire Sou Toké, Python, et Yoyo, trois fois champion d’Afrique et deux fois champion international. Ce sera l’occasion pour les boxeurs du Niger que j’ai sélectionnés de faire leurs premiers combats professionnels. Je pense en particulier au jeune Daboré, dont le père a obtenu une médaille d’argent aux jeux olympiques en Allemagne, il y a plusieurs années. J’aurai aussi souhaité faire un combat féminin et deux combats internationaux amateurs.

Jusqu’à quel niveau souhaitez-vous hisser la boxe nigérienne ?

Mon domaine c’est la boxe professionnelle. Je ne vais pas revenir en arrière avec la boxe amateur. Il me reste peut-être une année à faire ici et je crois qu’en un an, je pourrai donner un champion d’Afrique au Niger. Deux ce sera difficile, mais je suis certain de pouvoir leur donner un champion d’Afrique professionnel. Cela représente beaucoup de travail et de sacrifices parce que je n’ai, comme temps de repos, que la pause de 13h à 15h30.

Vous êtes au Niger depuis plus d’un an et dans une perspective de départ pour le Ghana. Comment arriverez-vous à suivre ces jeunes dont vous parlez ?

Je suis ici pour une période d’une année. Je crois que si nous boxons régulièrement, je peux amener ce garçon aux championnats d’Afrique. C’est un poids mouche, une catégorie assez pauvre mais le garçon est plein de talent. Il a d’ailleurs un palmarès assez éloquent. Il a le niveau international et l’expérience. Il ira très vite. Par la suite, quand je serai au Ghana, on pourra encore avancer. C’est l’endroit idéal, si l’on veut faire évoluer un boxeur. Il aura des sparring-partners de qualité.

Est-ce qu’on peut dire que le Burkina a été votre plus belle réussite ?

Au Burkina j’ai eu la chance de faire de belles choses, parce que j’ai eu un sponsor qui m’a soutenu. Pour Dramane Nabaloum, il y avait une marque de cigarette. Et puis ce boxeur était soutenu par le gouvernement… On lui a offert une villa qui, aujourd’hui, vaut plus de 20 millions de francs CFA. C’est un garçon qui est aussi salarié au ministère burkinabè en charge des Sports. Ce que les autres n’ont pas eu. La réussite des autres est d’autant plus belle que malgré leur occupation journalière, ils ont pu atteindre le même niveau que Nabaloum. En trois ans et demi nous avons disputé 74 combats pour les quatre autres boxeurs, avec seulement deux défaites. Je n’oublierai jamais ce passage au Burkina parce j’y ai eu beaucoup d’amis.

Avez-vous des nouvelles de Dramane Nabaloum, le premier boxeur du Burkina avec qui vous avez remporté un titre international ?

Nous nous voyons régulièrement. Ce que je regrette un peu, c’est qu’il n’ait pas repris le flambeau en essayant de rester entraîneur. Je suis convaincu qu’il aurait pu faire un bon entraîneur. C’est une question de volonté et de sacrifices. Il ne faut pas toujours penser à l’argent. En Afrique, entraîneur de boxe est un métier qui ne nourrit pas son homme. Moi, c’est la passion qui m’anime. J’ai fait 19 ans au Burkina et j’ai ressenti une énorme fierté quand j’ai été décoré comme chevalier de l’ordre national à titre exceptionnel. Cela veut dire que ça vient du chef de l’Etat lui-même. Cela fait plaisir parce que c’est une reconnaissance. Et ça, c’est important.

Vous l’avez dit vous-même, la boxe c’est votre passion. Comment êtes-vous arrivé à cette passion-là ?

J’étais moi-même boxeur. J’ai débuté en France, puis je suis parti au service militaire. Pendant ce service, j’ai disputé le championnat militaire à Dakar, au Sénégal, avec El hadj Kéita comme entraîneur. C’était un ancien champion des poids moyens de l’Afrique occidentale française (AOF) avec qui j’ai considérablement appris. Puis je suis entré dans un club civil où j’ai continué à boxer comme amateur pendant quatre ans. A Dakar, j’ai fait près de 35 combats.

Mais je travaillais parallèlement dans une maison de distribution et quand le directeur de cette maison m’a proposé un poste à Abidjan, où lui-même venait d’obtenir un contrat, j’ai accepté. Je serais passé professionnel mais comme je ne prévoyais pas de faire de la boxe mon métier, j’ai tout laissé. De toutes les façons, je n’allais pas faire une carrière extraordinaire parce que j’étais avant tout dans le commerce et vous savez que ce n’est pas facile. Il m’arrivait de terminer le travail à 19h et à 21h j’étais sur le ring. C’est vous dire… A Abidjan j’avais beaucoup de travail et j’ai dû lever un peu le pied sur la boxe. Mais ce sport, c’est comme une drogue pour moi. J’ai donc commencé à entrainer un boxeur ghanéen. Puis, j’ai fini par créer un club. J’avais aménagé une salle chez moi pour cela. C’est ainsi que j’ai opté pour l’entrainement.

On vous connait beaucoup plus comme entraîneur de boxe, alors que vous dites que vous vivez d’autre chose. Parlez-nous en quelques mots de votre profession d’expert en viande…

C’est à Paris que j’ai appris mon métier. Mon expérience est aussi venue de mes voyages. C’est après avoir travaillé pendant cinq ans pour une entreprise de commerce à Abidjan qu’une société d’assistance technique m’a proposé de travailler comme expert pour assister les boucheries pilotes, les moyennes entreprises. Je suis d’abord reparti à Paris pour me préparer parce qu’on ne s’improvise pas expert en viande.

Et après avoir ainsi travaillé pour le compte du ministère du Plan, je suis passé à celui de l’Enseignement technique, à l’Office national de formation professionnelle plus précisément, où j’ai pu former des élèves dans mon domaine. C’est en 1990 que je suis arrivé à Bobo Dioulasso pour étudier l’exportation du bétail. Trois mois plus tard, j’étais à Ouagadougou, où j’ai retrouvé Dramane Nabaloum qui venait d’arriver de France. C’est comme cela que mon aventure au Burkina a commencé.

Propos recueillis à Niamey par SMT et DTS

Fasozine

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