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SN SOSUCO : Le sursalaire qui divise

Publié le mardi 10 août 2010 à 01h45min

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Un nouvel élément de paie est apparu sur les bulletins de salaire des travailleurs de la Nouvelle Société sucrière de la Comoé (SN SOSUCO) en fin juillet 2010. Il s’agit du sursalaire instauré à la suite d’une longue concertation infructueuse entre les délégués du personnel et la direction générale de l’entreprise. Ce nouvel élément de paie crée la discorde entre les délégués du personnel et le personnel lui-même d’une part, mais aussi entre eux et les délégués syndicaux d’autre part. La direction générale, quant à elle, pense que les travailleurs n’ont aucune raison de s’inquiéter.

Suite à l’avènement d’une nouvelle grille salariale à la SN SOSUCO, un nouvel élément de paie appelé sursalaire est apparu sur les bulletins de paie des ouvriers. L’impression générale qui se dégage au sein des travailleurs est que le sursalaire qui s’est retrouvé sur le bulletin de paie ressemble à du « sable dans du couscous ». Pire, ils la redoutent. Mais qu’est-ce que le sursalaire et comment est-il né à la SN SOSUCO ? A entendre les ouvriers, le sursalaire n’est qu’une partie de leur salaire précompté mais baptisé comme tel. L’autre partie devient, à partir de ce moment, un solde indiciaire ou un salaire de base. Selon les délégués syndicaux, il y a longtemps que les délégués du personnel et la direction générale de l’entreprise sont en négociation pour l’élaboration d’un accord d’établissement qui, s’il voyait le jour, devait remplacer le statut de 1996 devenu obsolète.

Cet accord d’établissement devrait garantir un meilleur traitement salarial aux travailleurs. Ces négociations connaîtront entre-temps un blocage avant d’être d’ailleurs abandonnées. Dans l’attente de la reprise des discussions pour l’élaboration de l’accord d’entreprise, les délégués ont adressé une correspondance à la direction de l’entreprise. Dans celle-ci, ils demandaient à bénéficier des avantages sociaux sur lesquels les deux parties étaient convenues lors des négociations suspendues. « Malheureusement, s’est écrié un délégué syndical, la lettre qui est parvenue à la direction n’est pas celle initiée par l’ensemble des délégués du personnel ». Une autre façon de dire que la lettre en question a subi des modifications. « Non seulement les délégués qui l’ont transmise ont demandé des choses qu’ils ne maîtrisaient pas, mais en plus, leurs sollicitations correspondaient tristement à celles prévues et souhaitées par la direction », a-t-il poursuivi.

Licenciement plus reprise sans droits ?

Ce qui amène les délégués syndicaux à penser que des délégués du personnel ont été soudoyés par la direction et ont accepté de formuler des requêtes selon la volonté de cette dernière si bien qu’aujourd’hui, un cadre qui travaille depuis 35 ans et qui a par exemple un salaire de 350 000 F CFA se retrouve toujours, certes avec le même montant en « net à payer », sauf que son salaire de base revient à environ 110 000 F CFA. La différence de 240 000 F CFA devient le sursalaire. « Il en est de même pour les autres éléments du salaire tels que les indemnités dont une partie se retrouve transformée en sursalaire », expliquent des ouvriers visiblement amers. Du coup, le salaire de base à partir duquel certains avantages comme les heures supplémentaires et les primes d’ancienneté sont calculés connaissent une réduction. D’où la panique au sein des ouvriers qui craignent des lendemains difficiles puisque, selon eux, « il faut désormais faire partie des amis de la direction pour continuer à jouir du sursalaire » qui, sont-ils convaincus, « disparaîtra dans les mois à venir ». Certains comparent même la situation à un licenciement suivi d’une reprise des travailleurs sans que des droits ne leur soient versés.

Des délégués accusés de trahison

Pour la présidente du mois des délégués du personnel, Karidia Koné, les délégués n’ont pas été corrompus comme le croient certains travailleurs. Elle pense qu’ils ont peut-être été piégés par la direction qui les a amenés à faire ce qui ne relève pas de leur compétence. « A la SN SOSUCO, nous, délégués, travaillons collectivement », soutient Mme Koné avant de reconnaître qu’il est normal que les gens pensent que les délégués sont vendus. « En notre sein, parfois nous ne parlons pas le même langage, mais cela ne nous a jamais amenés à reculer dans la revendication des droits de tous les travailleurs ». Karidia Koné, en dépit de ces malentendus sporadiques, soutient que « la préoccupation de l’heure est le sursalaire qui, dans le court ou le long terme, n’arrange pas les travailleurs ». Elle soutient même que pour l’application de cette nouvelle grille, la direction de la SN SOSUCO n’a pas suivi la procédure légale qui commence par l’inspection du travail. « C’est vrai que les salaires de juillet sont ceux que nous touchons d’habitude, mais je suis convaincue qu’il y aura des problèmes dans l’avenir, car nous demeurons convaincus que la direction a un intérêt inavoué dans cette réforme », dit-elle suspicieuse.

Elle dit ne pas comprendre pourquoi la direction ne maintient pas l’ancien traitement salarial. Selon Karidia Koné, une assemblée générale des travailleurs est annoncée pour le samedi 7 août 2010 afin de mettre tous les travailleurs au même niveau d’information pour éviter que les délégués du personnel ne continuent d’être sous le feu des critiques. « Cette AG, conclut-elle, permettra également de mettre la population, les autorités administratives, politiques et religieuses au courant de nos problèmes ».

Pression de la direction générale

Sam Oumar Traoré, délégué du personnel CGT-GB, quant à lui est radical. « Certains délégués ont fait le jeu de la direction dans l’avènement de cette nouvelle grille salariale. Entre temps, il y a eu une crise au sein du collectif des délégués du personnel que nous avons gérée tant bien que mal. Je n’accuse pas quelqu’un, mais je crois qu’à un moment donné, la direction a dupé des délégués. Les délégués ont été amenés à écrire un plaidoyer qui devait, dans un contexte d’urgence, être soumis à la direction pour demander l’application des acquis de l’accord d’établissement qui était en cours d’élaboration et qui a été, entre temps, abandonné en attendant qu’une autre négociation ne soit lancée. La direction a même talonné les délégués syndicaux pour cela et la correspondance a été adressée au conseil d’administration. Là-dedans, il y avait malheureusement la question du retrait du statut au profit de la convention.

En tant que délégué du personnel, je ne sais pas comment cette question de retrait du statut s’est retrouvée dans notre correspondance. Même si ici je ne vais dénoncer personne, je sais que nulle part dans notre correspondance initiale, nous, délégués, avons demandé le retrait du statut. D’ailleurs, seuls les délégués syndicaux sont habilités à le faire. Pour moi, certains délégués ont trahi le mouvement, mais en tant que délégué je reste comptable de cela puisque je ne dois pas me démarquer des autres. » Des accusations relayées et soutenues par un autre délégué syndical pour qui « la direction est dans une certaine légitimité parce que ce sont les travailleurs, à travers leurs délégués, qui ont demandé cela ». Et la direction a, selon lui, mis beaucoup de pression sur ces délégués pour arriver à la situation salariale actuelle.

Le sursalaire, un acquis indéniable Le directeur général adjoint de la SN SOSUCO, Mouctar Koné, rassure de son côté que les acquis des travailleurs du point de vue salarial ne peuvent leur être retirés pour quel que motif que ce soit. « Lorsque les gens ont commencé à raconter toutes sortes de rumeurs et quand ils se sont rendus compte qu’objectivement ce qu’ils disent ne tient pas la route qu’ils se sont arc-boutés sur le sursalaire pour le qualifier de tous les maux en disant que l’employeur peut l’enlever à tout moment. Mais je dis que c’est un acquis que l’employeur ne peut diminuer », dit-il avant de préciser que « même si on change de grille salariale, on ne peut pas changer le salaire d’un travailleur sinon nous aurons l’inspecteur de travail sur le dos ». Selon lui, la direction n’a fait que revenir à la grille de la convention collective inter-professionnelle. En revenant à cette grille, soutient-il, des changements se sont opérés au niveau des salaires de base puisque les salaires de base à la SN SOSUCO étaient en général plus élevés que ceux de la catégorie égale au sein de cette grille dans d’autres entreprises.

« Ce que nous avons fait, c’est de reverser la différence entre ces deux salaires de base comme sursalaire pour que les travailleurs ne perdent absolument rien », rectifie Mouctar Koné. Le directeur général adjoint pense plutôt qu’il y a certaines personnes qui ont d’autres préoccupations que celles des travailleurs et qui veulent profiter de cette situation pour faire croire aux travailleurs que la direction est en train de vouloir geler les salaires. Pour lui, ceux-ci font croire aux travailleurs que les retraites vont en pâtir. Pourtant, fait-il savoir, nous avons donné des explications et tous les syndicats ont reçu des notes de service les informant que le délai avant la sortie du statut et l’adoption de la nouvelle grille était de deux mois. « Ils les ont reçues, mais ils n’ont rien dit. Ce n’est qu’une semaine avant la fin du processus, qu’ils disent qu’il y a problème », se défend-il. Et d’ajouter : « En réalité, ils ne savent peut-être pas comment calculer la retraite ou ils font exprès. Mais je le dis, il y en a parmi eux qui ont des desseins plus politiques que corporatifs ». En somme, le DGA croit que les délégués sont à court d’arguments pour convaincre les travailleurs de la diminution des salaires si bien qu’ils ont été contraints de jeter leur dévolu sur le sursalaire.


Quelques propositions de la direction générale

Après examen de la lettre de plaidoyer des délégués du personnel, la direction générale de la SN SOSUCO consent à :

I - Volet santé
- Le relèvement de l’allocation médicale annuelle de 50 000 F CFA à 80 000 CFA, les 30 000 F supplémentaires sont versés spécifiquement au travailleur.
- La prise en charge de l’hospitalisation du travailleur au centre médical de SOSUCO dans la limite des médicaments disponibles pour les maladies non professionnelles ;
- La prise en charge des verres correcteurs dans la limite de 30 000 F CFA tous les deux ans pour les travailleurs ;
- La prise en charge des frais engagés à l’occasion de la visite annuelle obligatoire pour les maladies non professionnelles révélées ;
- La prise en charge des frais de déplacement et sur présentation du ticket de bus à l’occasion des examens médicaux s’effectuant hors de la localité résidente dans le cadre des visites annuelle obligatoires.

II- Conditions de travail La direction générale consent :
- A fournir le matériel de protection approprié en temps utile ;
- La prime de début de campagne passera de 5 000 F CFA à 7 000 F CFA dans le cas où les travaux préparatoires permettraient le démarrage effectif de la campagne au 1er novembre ;
- La prime de fin de campagne de 25% du salaire de base deviendra 30% si le broyage journalier dépasse 2 000 tonnes/jour en 2010-2011 ;
- L’allocation d’une prime mensuelle pendant la campagne sucrière dont les conditions seront déterminées ultérieurement ;
- Le renouvellement des moyens de transport par l’acquisition de 50 véhicules de service et de fonction sur 10 ans dont 10 pick-up sur le budget d’investissement 2010-2011 ;
- Le maintien des taux actuellement applicables au calcul de l’indemnité de départ à la retraite ;
- marque son accord de principe pour la formation du personnel et consent au relèvement des indemnités de logement pour tous les travailleurs ;
- au relèvement des frais de missions dont les montants seront communiqués incessamment par note de service. La date d’application de ces mesures est fixée au 1er juillet 2010 et leurs effets ne sont pas rétroactifs.

Mamoudou TRAORE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 août 2010 à 12:55, par Pabegba En réponse à : SN SOSUCO : Le sursalaire qui divise

    Bonjour !
    Je pense que les travailleurs de la SN SOSUCO se sont laissés piégés. Comment se fait-il d’ailleurs que ce soit les délégués du personnel qui vont négocier les conditions de rémunération avec la direction ? Cela est du ressort strict des délégués syndicaux. Chacun doit rester dans les limites de ses attributions !

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