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PRODUCTION DE MANGUES AU BURKINA : La mouche de fruit fait des dégâts

Publié le mardi 3 août 2010 à 00h55min

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Derniers jours de juillet. C’est une odeur de mangue pourrie qui accueille tout nouveau visiteur de la ville de Orodara, considérée comme le verger du Burkina. Pourtant sur la place du marché, point de mangue. La saison est achevée ici depuis quelques semaines au lieu de août-début septembre. La mangue a disparu des étales et des vergers plus tôt que prévu. Le principal responsable : la mouche de fruit.

La saison des mangues s’est achevée de façon prématurée dans la zone du Kénédougou. L’infestation massive des vergers par la mouche de fruits en est la principale explication, selon les producteurs. Les fruits, piqués par la mouche, pourrissaient et tombaient de l’arbre. Pour sauver les meubles, certains propriétaires de vergers ont cueilli les fruits plus tôt que prévu. Mais l’infestation était telle qu’il était difficile d’en sortir indemne. C’est la variété de mangue brooks qui en a été victime car sa période de production a coïncidé avec l’éclosion des larves de la mouche de fruit.

Dans les vergers de Orodara , c’est la désolation . Autour des manguiers, des tonnes de mangues en décomposition donnent une idée des pertes subies par verger. C’est le cas de Souleymane Konaté. : « Cette année, je n’ai rien récolté sur mes trois hectares. C’est une perte sèche par rapport à l’année dernière où je m’en suis tiré avec 300 000 F CFA ». Les transformateurs (ceux qui font la mangue sechée) aussi se plaignent. Ils enregistrent des pertes sur les mangues achetées du fait de la mouche de fruit avant la transformation.

C’est le cas du côté de la Coopérative agricole du Kénédougou (COOPAKE), où les chiffres ne sont pas bons, selon les responsables. Cette structure achète la mangue auprès de ses membres et la transforme en mangue séchée pour l’exportation. Sur 530 tonnes, la coopérative a constaté 107,755 tonnes d’avaries soit près de 30% de pertes sur la matière première. Selon les chiffres communiqués par le responsable des achats, cette perte sur la matière première qui est de 5,5 millions de F CFA, va créer un manque à gagner de 12 à 13 millions de F CFA sur le bilan de la campagne. Même son de cloche chez Sanley Export où Yaya Koné déclare que les exportateurs sont les grandes victimes de la mouche : « De toute la filière, l’exportateur est l’acteur le plus exposé aux risques. La moindre larve détectée au microscope, à destination, nous vaut un rejet du lot. Ce sont des millions que nous perdons.

Trois ou quatre exportateurs ont vu leur cargaison être rejetée ». Jean pierre Coulibaly, propriétaire de verger à Orodara se dit surpris par l’ampleur de l’attaque de la mouche de fruits : « Nous étions au courant de l’existence de cette mouche, mais ses ravages étaient limités. Cette année, nous sommes surpris et découragés par les dégâts sur le terrain. Si on ne se lève tôt pour combattre ensemble cette mouche, l’avenir de la production est menacé. Sur 100 mangues, on a 60 qui sont irrécupérables. Quand je suis allé à la cueillette, il y en avait plus par terre que dans les arbres." Blaise Konaté du village de Bandougou, sur la route de Bobo, explique que lui aussi a été victime de la mouche de fruit. Il se dit démuni et inquiet pour la saison prochaine.

Pourtant, un remède existe contre la mouche de fruit : le Success appât. Grâce au PAFASP (programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastorales) en collaboration avec l’association des producteurs de mangues, une projet pilote a permis de mettre à disposition 5000 litres de ce produit pour traiter 1000 hectares. Paul Ouédraogo, responsable au sein de cette structure de producteurs confirme mais trouve que les moyens étaient dérisoires face à l’ampleur du fléau : « C’est un fléau sans précédent et les 5000 litres commandés et mis à la disposition des producteurs préalablement formés, ne pouvaient pas faire face. L’efficacité du produit n’est pas remis en cause en tant que tel parce qu’il a été introduit sous le contrôle de l’INERA (institut national de recherche agronomique) et de la DPV (direction de la production végétale). Ce dont on a besoin pour la campagne prochaine, c’est un traitement de choc ».

Le traitement de choc dont parle M. Ouédraogo est l’utilisation généralisée du traitement dans tous les vergers d’une localité pour gagner en efficacité. Pour cela, il faudrait que le produit soit accessible, disponible et que les traitements recommandés soient bien appliqués. Ce qui n’est pas toujours le cas. Blaise Konaté de Bandougou explique qu’il n’a pas eu accès au traitement pour lutter contre la mouche. Mais selon lui, les voix sont discordantes : « J’ai entendu des gens dire que le produit est efficace et d’autres par contre disent, qu’il attire beaucoup de mouches » . Il y a de sa part un peu de méconnaissance du produit. Selon les explications de Souleymane Dao, technicien de la société distributrice de Success appât, SOPHYMA, le principe actif du produit attire les mouches qui viennent ingérer l’appât et en meurent. Il précise qu’utilisé dans le respect des prescriptions, le produit fonctionne bien En attendant, il est recommandé par les services techniques de brûler les restes de mangues victimes ou de les enterrer afin de limiter le développement des larves.

Le PASFAP qui a rencontré les acteurs au cours du mois dernier , entend reconduire le projet de facilitation de l’accès du traitement de la mouche aux producteurs en subventionnant la mise sur le marché de 10 mille litres pour traiter 2000 hectares. Un effort financier non négligeable car le litre du traitement au prix réel avoisine les 12 000 F CFA, mais qui parait comme une goutte d’eau au regard des milliers d’hectares que comptent les cinq provinces productrices de mangues (Kénédougou, Comoé, Houet, Sanguié et la Léraba). En moyenne , la production nationale est estimée à environ 150 OOO tonnes. Il faut s’attendre à ce que ce chiffre ne soit pas atteint cette année vu que les premières estimations selon les association de producteurs parlent de de plus de 50% de pertes sur la variété Brook.

Un produit vous manque et tout est …

Le Success appât est pour le moment la seule arme efficace contre la mouche de fruit qui pénalise la production et l’exportation de la mangue du Burkina. Son utilisation est à ses débuts au Burkina grâce au PAFASP qui soutient les acteurs de la filière mangue. La première opération a porté sur 5000 litres pour 1000 hectares à traiter. Les producteurs bénéficiaires qui en ont exprimé le besoin ont été formés et équipés à la lutte contre ce parasite sous la direction de l’INERA et de la DPV. Le fait est que c’est une opération pilote et que tout le monde ne pouvait bénéficier du traitement magique. Le produit est subventionné à près de 90 % par l’Etat et ne serait livrable que sur commande d’où la difficulté d’approvisionner massivement les producteurs à temps. Il s’agit d’amener les producteurs à prendre conscience et à intégrer la lutte contre ce prédateur dans la gestion de leurs vergers. C’est un début. Malheureusement, le niveau d’infestation de cette campagne suscite de réelles inquiétudes pour les années à venir. Il faudra agir vite et bien.


ETIENNE DIOMA (responsable de l’Association professionnelle des transformateurs de la mangue) : "On arrêtera la transformation si …"

La fin de campagne 2010 de la filière mangue a viré à la catastrophe. Une infestation massive des vergers par la mouche de fruit amputé une bonne partie de la production de la mangue retard appelée Brook. Producteurs et transformateurs subissent de plein fouet ce contre-temps. Le responsable de l’Association professionnelle des transformateurs de mangues , Etienne Dioma, décrit à travers cette interview une situation difficile de laquelle il faut sortir rapidement.

Comment avez-vous vécu les conséquences de l’attaque de la mouche de fruit dans votre secteur ?

De plus en plus, on constate que la mouche de fruit a un impact terrible sur la mangue surtout la mangue destinée à la transformation, la mangue retard appelée Brook. Il y a deux à trois ans de cela, on sentait les effets de cette mouche sur cette variété qui arrive à maturation pendant la saison des pluies. Traditionnellement, elle sévissait vers fin août. Mais l’année dernière, on a senti son impact vers fin juin. Cette année, c’est carrément en début juin que l’on a senti les effets de la mouche sur la mangue. Du coup, les pertes au niveau de la transformation sont énormes.

Pouvez-vous nous donner des chiffres ?

Nous n’avons pas encore clôturé officiellement la campagne. Mais ce que je peux confirmer, c’est qu’une bonne partie de la mangue achetée auprès des producteurs, je précise la variété brook, a été jetée à la poubelle. On n’aura les chiffres définitifs de la campagne qu’en octobre .

Quels sont les ordres de grandeur ?

Il faut savoir par exemple qu’en début juin, sur un chargement de dix tonnes, il y a trois tonnes qui vont directement à la poubelle avant le mûrissement. Après le mûrissement, il y a une à une tonne et demie qu’il faut jeter. Finalement, ce n’est que la moitié des dix tonnes qui arrive réellement à la transformation. Ce sont des pertes sèches, puisque le transformateur aura payé pour dix tonnes alors qu’il n’en utilisera que cinq.

Quelle alternative proposez-vous pour sortir de ce mauvais pas ?

Je pense que la gestion de ce fléau est entre les mains des producteurs. Ils sont nos fournisseurs. Nous tenons à la qualité des mangues qu’ils nous proposent. Nous suivons de près la lutte contre la mouche de fruit responsable de cette mauvaise campagne. Les transformateurs et les producteurs se sont retrouvés le 22 juillet dernier pour faire le point de la situation de la lutte qui a été menée contre la mouche en 2010.

Quelle est la situation ?

Je peux vous dire qu’au niveau de la lutte, nous n’avons pas senti d’impact réel. Les producteurs sont mieux placés pour vous en dire plus. Mais nous en tant que transformateurs, je dis qu’il faut coûte que coûte enrayer cette mouche de fruit. Parce que si ce qui s’est produit cette année se répète l’année prochaine, on arrêtera la transformation.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 3 août 2010 à 08:03, par xman En réponse à : RODUCTION DE MANGUES AU BURKINA : La mouche de fruit fait des dégâts

    "RODUCTION" est un nouveau mot ou une erreur de saisie.si c’est une erreur, veuillez corriger cela le plus vite possible.
    Merci.

  • Le 3 août 2010 à 21:25, par Hilaire En réponse à : PRODUCTION DE MANGUES AU BURKINA : La mouche de fruit fait des dégâts

    Grand Merci au journal lefaso.net pour ce article sur ce fléau qui risque de miner notre production nationale. Je suis Ingénieur Agronome, spécialisé en protection des plantes. De par ma très modeste expérience acquise avec les marocains qui ont déjà vécu et solutionné un problème similaire avec la mouche méditerranéenne des fruits (Ceratitis capitata Wied), je pense qu’une lutte efficace passe par la connaissance de l’insecte. Comme nous le savons tous, plus on connaît son ennemi et mieux on le combattra. Les traitements chimiques biocides peuvent ne pas être la seule/meilleure solution. Il serait donc intéressant d’associer des Zoologistes à la recherche de solutions. Ceux-ci pourront d’abord identifier l’espèce, puis étudieront son cycle de vie dans nos conditions. Cela permettra d’élaborer une stratégie de lutte intégrée contre ce ravageur.
    Je m’excuse pour certains termes trop techniques, mais je pense que la solution à ce problème procédera d’études scientifiques faites par des spécialistes qui travailleront dans une équipe pluridisciplinaire (chercheurs, fournisseurs de produits pesticides).

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