Sahab est un sculpteur dont la petite corpulence détonne dans le milieu de la sculpture. D’habitude, le maniement du marteau, du burin et des lourdes charges de matière donne aux sculpteurs une forte musculature de casseurs de pierres : cou de taureau, poitrine large comme un aérodrome et bras noueux. Pourtant, le fer devient si docile dans les mains de Sahab que l’expression « dur comme fer » est caduque avec lui.

Et on le prendrait bien pour un adolescent si la barbe et la profondeur du regard ne contredisaient cette première impression. De l’adolescent, il a gardé les facéties et un zeste d’exhibitionnisme. Il suffit de le voir parader sur la moto qu’il a lui-même fabriquée, fier comme un gamin qui montre son joujou neuf dans une cour d’école.

Cette moto a été conçue à partir d’objets de récupération. C’est une belle monture allongée d’un rouge Ferrari, au guidon incurvé ; elle ressemble à une Harley Davidson. Une autre de ces curiosités qui suscite l’attroupement des badauds est la voiture sortie de son atelier de bricoleur.

Mais cette extravagance n’est ni puérile ni gratuite. Elle procède d’une stratégie de promotion. En effet, elle sert de vitrine à l’artiste pour montrer ses œuvres à ceux qui ne vont pas dans les expos. Grâce à ses talents de concepteur d’engins roulants, il a participé à la parade d’ouverture du Fespaco 2009.

Ce sont ses motos et ses voitures d’un autre genre qui ont servi de chars de carnaval aux comédiens-danseurs d’Irène Tassembédo lors de la parade au stade du 4-Août.

En plus d’être un féru de mécanique, Sahab est un peintre sur des supports inattendus : les pare-brise deviennent des tableaux chatoyants. Il utilise la peinture à l’huile, des collages de morceaux de tissus et d’objets hétéroclites pour esquisser des visages, des corps de femmes ou des paysages.

Sahab est aussi designer. Il fabrique des meubles épurés, des tables, des chaises, des guéridons ayant des formes surprenantes et humanoïdes parfois. Ces meubles sont conçus à partir des morceaux de pédale, de guidon et d’autres pièces d’engin à deux roues.

Il est aussi sculpteur animalier. Il façonne d’étranges ménageries faites de lycaons, de phacochères chevauchés par des lutins, d’éléphants à partir des objets de récup que sont les pièces de voiture et des morceaux de tuyauterie. Une de ses créations a longtemps été exposée devant le Centre Culturel Français Georges-Méliès.

C’est une voiture à la tôlerie rouillée et pleine d’animaux tordus comme les œuvres de Bacon. Elle fait penser à une arche de Noé après une catastrophe nucléaire. Une catastrophe qui serait un autre Tchernobyl mais dont le souffle balayerait la Terre.

Une façon de dire que le monde actuel prépare son déluge avec les milliers de tonnes de ferraille, de plastique et de gaz et d’objets irradiés sous lesquels la planète se noie.

Sahab est un artiste qui a des choses à dire sur la marche du monde. Ses créations militent pour un environnement sain et sans pollution. Et l’artiste pense que le recyclage est une solution pour désengorger notre environnement. Sahab a choisi la forme la plus haute du recyclage en transformant les morceaux de ferraille en des objets d’art.

Ce Midas de la recup veut changer notre attitude de pollueur pour changer notre environnement ! On peut dire que l’Art de Sahab est politique en ce sens qu’il est une sorte d’écologie par l’action au service de l’humain. Mais une écologie à l’extrême opposé de l’extrémisme de certains Verts qui pensent sauver la Nature en extirpant l’homme comme un ver d’un fruit.

Alceny S. Barry

L’Observateur Paalga