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Saisie d’engrais SOFITEX à Donsin : Une "opération illégale" selon les commerçants

Publié le jeudi 24 juin 2010 à 23h23min

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Le 3 septembre 2009, la Brigade territoriale de la gendarmerie de Ziniaré a saisi au marché de Goé (Donsin), des intrants estampillés de la Société des fibres textiles (SOFITEX). Une opération jugée illégale par les commerçants qui courent, depuis, après leurs marchandises.

Les commerçants d’intrants au marché de Goé (Donsin) dans la commune rurale de Loumbila, région du Plateau central, sont en colère contre la Brigade territoriale de gendarmerie de Ziniaré. Motif : celle-ci a saisi le 3 septembre 2009 leurs engrais. Estimant l’opération illégale ils font des pieds et des mains pour récupérer leurs marchandises.

Ce sont au total, cent soixante dix sacs, soit 8 tonnes et demies d’engrais NPKSB dont les sacs sont frappés en grosses lettres : "SOFITEX - Campagne 2009-2010" qui ont été saisies. « La gendarmerie nous a dit que la vente de cet engrais est interdite.

Nous vendons toute sorte d’engrais dont le type saisi depuis longtemps. C’est la première fois que nous apprenons que l’engrais estampillé SOFITEX est interdit de vente… », a relevé le délégué des commerçants, Johany Ouédraogo. Samuel Bouda, un des sept vendeurs concernés par la saisie pense que si cette interdiction était réelle, l’on ne trouverait pas sur tous les marchés cet intrant.

« Nous achetons l’engrais avec des commerçants grossistes au marché de Sankar-yaaré à Ouagadougou. J’ai pu en acheté cinq tonnes tout récemment avec Kanis International à Ziniaré (nous avons rencontré les commerçants le 25 avril 2010). Cet engrais est vendu partout… », soutient-il. Il souligne que les commerçants ont failli réagir de façon violente. « Nous pouvions empêcher les gendarmes d’embarquer notre engrais parce qu’ils n’ont présenté aucun papier justifiant l’opération. Mais nous avons du respect pour les hommes de tenue.

En plus, ils nous ont précisé que la SOFITEX a promis de nous rembourser. Leur chef de mission a même dit qu’ils sont convaincus de notre bonne foi que nous ne savions pas que la vente de cet engrais était interdite. Cela a calmé les ardeurs de ceux-là qui voulaient en découdre avec eux… », note Johany Ouédraogo, délégué des plaignants.

Celui-ci affirme par ailleurs que l’opération n’a pas concerné toute la province comme la gendarmerie leur avait laissé entendre, car le même fertilisant continue d’être vendu sur tous les marchés. Par ailleurs, soutiennent les commerçants, le lendemain de la saisie, ils ont été invités à Ziniaré pour rencontrer la SOFITEX afin de se faire rembourser la valeur de la quantité d’engrais saisie. « La SOFITEX n’était pas au rendez-vous et jusqu’à présent nous n’avons pu rencontrer aucun responsable de la structure. Nous attendons toujours… », souligne Hamidou Ouédraogo, une autre victime de la saisie.

L’opération a porté un coup à leur commerce

Leur conviction est faite que l’opération est illégale « Nous sommes persuadés que la SOFITEX n’a rien à voir dans cette affaire. La gendarmerie a tout simplement initié l’opération à son profit. Dans la soirée du 3 septembre 2009, nous avons cherché à comprendre. Nous sommes donc allés à la gendarmerie et nous n’avons pas trouvé notre engrais. Des personnes dignes de foi nous ont dit que les sacs avaient été embarqués dans un camion à destination de Ouagadougou.

Nous savons que la cargaison a été débarquée aux portes de la capitale, précisément à Loumbila par le chauffeur du camion. Mais ça s’arrête là (ndlr : le chauffeur en question n’a pas voulu répondre à notre volonté de le rencontrer) », relève Samuel Bouda. Et Daniel Tiendrébéogo se demande pourquoi la saisie n’a eu lieu que dans leur marché.

« Nous avons indiqué à la gendarmerie nos sources d’approvisionnement. Pourquoi n’inquiète-t-elle pas ces grossistes avec qui nous achetons ? Cet engrais est vendu au vu et au su de la SOFITEX, notamment à Sankar-yaaré à Ouagadougou. Elle s’est acharnée sur nous parce que nous n’avons personne pour nous défendre… », martèle-t-il.

Cette opération a porté un coup, selon les commerçants, à la prospérité de leur activités. « Ceux d’entre nous qui n’ont pas fermé boutique voient leurs affaires tourner au ralenti tandis que ceux qui ont fait faillite se sont remis dans la maraîcheculture », relève Samuel Bouda. Casimir Sawadogo ne dit pas le contraire.

Il venait à peine se lancer dans le commerce de l’engrais et le voilà contraint d’y renoncer. « Quatre semaines après que j’ai démarré l’activité, la gendarmerie est venue tout saisir. Je me suis lancé à nouveau dans la production maraîchère. Je suis présentement à Ouahigouya… », indique-t-il.

Hubert Dondassé, producteur maraîcher déplore ce qui est arrivé aux commerçants. « Les commerçants ont aidé beaucoup d’entre nous. Je pouvais avoir l’engrais à crédit avec certains d’entre eux à hauteur de 200 000 francs CFA. Maintenant c’est fini. Ils ne peuvent plus nous accorder cette faveur… », souligne-t-il. Hamidou Ouédraogo qui a, lui aussi vu, son engrais saisi relève la particularité de la localité où tout le monde, est maraîcherculteure. « La maraîcherculture a fait la renommée de la localité de Goé. L’activité a fixé ici les jeunes dans leur terroir. C’est grâce à elle que nous pouvons vendre les engrais.

Mais en ce qui concerne cette opération, je suis convaincu que la gendarmerie n’a reçu aucune instruction de la SOFITEX avant de la mener. La preuve, l’engrais est toujours vendu à Ziniaré. Vous pouvez le vérifier… », fait-il remarquer, l’air triste.

Le dimanche 25 avril 2010, nous sommes dans la capitale de la région du Plateau central pour effectivement vérifier sur le terrain les affirmations des commerçants. Dans la première boutique où nous nous arrêtons, nous constatons la disponibilité de sacs d’engrais SOFITEX parmi tant d’autres. « Le patron n’est pas là… », nous informe un jeune homme chargé de veiller à la bonne marche des affaires en l’absence du maître des lieux. Il refuse de nous donner le nom de son patron.

L’engrais est bel et bien vendu sur les marchés

Nous poursuivons notre vérification dans plusieurs autres boutiques dont celles tenues respectivement par Saïdou Ilboudo, Ousmane Tapsoba, Albert Ilboudo. Très méfiant, le premier nous confie d’emblée qu’il ne vend pas l’engrais SOFITEX parce qu’il sait que cela est interdit. Pourtant, un sac d’engrais NPKSB ouvert et à moitié vide est exposé sous son hangar parmi d’autres sacs d’engrais. Il n’a pas d’explication à nous donner sur la présence de ce sac à demi entamé.

Il ne nous laissera pas d’ailleurs jeter un coup d’œil dans son magasin. Coupant court à nos questions, Ousmane Tapsoba, lui, nous a fermement indiqué qu’il n’en a jamais vendu. Albert Ilboudo a été plus coopératif. Il est le délégué des commerçants d’engrais de Ziniaré.

« J’ai été informé de l’opération effectuée à Goé par la gendarmerie. Les commerçants ont raison. Nous n’avons jamais entendu parler de cette interdiction. Je vends effectivement l’engrais SOFITEX. Actuellement, je n’en ai plus dans mon stock et je pense aller m’en approvisionner à Ouagadougou. Il n’y a pas un commerçant à Ziniaré qui peut affirmer qu’il n’en a jamais vendu… », indique-t-il.

A Sankar-yaaré, nous avons également vu l’engrais dont les sacs sont frappés du sigle SOFITEX dans certaines boutiques même si ce n’était pas en grande quantité. Le premier commerçant à qui nous nous adressons adopte d’emblée une attitude de méfiance. Il nous indique qu’il ne vend pas le type d’engrais auquel nous faisons allusion.

« Regardez ! Vous ne verrez pas un seul sac d’engrais SOFITEX dans mon stock… », souligne-t-il en nous invitant à entrer dans son magasin. Nous ne verrons pas un seul sac de l’engrais incriminé parmi les nombreux sacs d’engrais constitués d’autres marques. Sa boutique fait face à la voie. A quelques mètres de la devanture de sa boutique, sont entassés environ une cinquantaine de sacs frappés du sceau de la SOFITEX. « Cet engrais n’est pas à moi. C’est quelqu’un qui est venu me solliciter l’endroit pour le déposer afin de revenir le chercher.

Il devait venir l’enlever depuis hier mais la pluie l’en a empêché (ndlr : il a effectivement plu la veille 26 avril 2010)… », explique-t-il sans pour autant nous convaincre. Il refuse de se présenter, et n’accepte pas de se faire photographier (tous les commerçants rencontrés ont eu le même comportement). Son voisin à qui nous posons discrètement la question nous informe qu’il s’appelle Souleymane Sawadogo. Vrai ou faux ? Nous ne le saurons point.

La gendarmerie et la SOFITEX refusent de parler

Comme si c’était un mot d’ordre, les autres commerçants que nous approchons ne nous disent pas davantage sur le commerce de ce type d’engrais. « Je ne vends pas l’engrais SOFITEX », est la litanie que chacun nous a donnée.

L’engrais est pourtant bien visible dans les stocks de certains commerçants. Seul Ousmane Sawadogo reconnaît qu’il y a sept ou huit ans, la SOFITEX était venue faire saisir leurs engrais au marché de Sankar-yaaré. « Cette année-là, beaucoup de producteurs avaient vendu l’engrais que la SOFITEX leur avait livré pour la culture du coton. Peut-être que les commerçants de Goé en ont acheté avec des producteurs et cela justifierait sans doute la saisie opérée par la gendarmerie de Ziniaré... », confie-t-il.

Il ajoute qu’il n’a jamais entendu parler de l’interdiction de vente en question. « Je sais que la SOFITEX initie parfois des opérations de vente d’engrais aux commerçants. J’ai personnellement payé à plusieurs reprises des bons d’engrais de la SOFITEX. Et cet engrais acheté lors d’une telle opération ne peut évidemment pas faire l’objet de saisie. Je n’en dispose pas actuellement dans mon magasin… », affirme-t-il.

La Brigade territoriale de la gendarmerie de Ziniaré mise en cause n’a pas voulu nous rencontrer. Le mercredi 21 avril 2010, nous l’avons contactée pour l’informer de notre intention à cet effet. L’interlocuteur que nous avons au bout du fil, le commandant de brigade (c’est ce qu’il nous a dit) avait pourtant marqué son accord. « Il n’y a pas de problème mais c’est le commandant de compagnie qui vous recevra… », avait-il dit.

Le vendredi 23 avril, aux environs de 16 heures, nous appelions pour annoncer notre arrivée le 25 avril 2010 et profiter demander l’heure qui leur conviendrait pour cette entrevue. « Nous n’avons rien à vous dire. C’est la SOFITEX qui peut vous donner l’information que vous cherchez… », nous indique notre correspondant au bout du fil. Nous demandons à savoir qui était à l’appareil.

« C’est le commandant de brigade… », répond-il. Nous nous y rendons quand même lors de notre passage dans le cadre de cette enquête pour, surtout signer notre ordre de mission et profiter demander à rencontrer le commandant de compagnie. « Le commandant de compagnie est absent, de même que le commandant de brigade… », nous a-t-on signifié.

La SOFITEX qui, selon la gendarmerie, avait instruit l’opération, n’a pas non plus voulu nous recevoir. Le chargé de communication et des relations publiques contacté nous a d’emblée dit que la zone de Ziniaré n’est pas du ressort de la SOFITEX mais de Faso Coton. Lorsque nous lui précisons que selon la gendarmerie c’est son institution qui a ordonné l’opération, il promet de nous rappeler. Une semaine plus tard, il ne l’avait pas fait. Nous le relançons. « Je m’informe et je vous rappelle après pour vous dire ce qu’il en est… », nous indique-t-il. A l’heure où nous tracions ces lignes (jeudi 24 juin 2010), il ne l’a pas encore fait.

Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr)

Sidwaya

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