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Exploitation illicite des aires protégées : Le Ranch de gibier de Nazinga menacé

Publié le mercredi 23 juin 2010 à 00h18min

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Lors de sa sortie dans les aires protégées dans les provinces de la Sissili et du Nahouri, le mois dernier, le ministre de l’Environnement et du Cadre de vie, Salifou Sawadogo a pu découvrir et condamné énergiquement, certaines pratiques illicites dans ces espaces. Au nombre de celles–ci, l’exploitation illégale des Zones villageoises d’intérêt cynégétique (ZOVIC) à des fins agricoles.

Un champ de plusieurs hectares en pleine Zone villageoise d’intérêt cynégétique (ZOVIC), espace qui, normalement, ne devrait pas être exploité à des fins agricoles.

Aucun paysan dans le champ alors qu’il est presque 11h 30 mn. « Les exploitants de ces genres de champs travaillent souvent la nuit pour ne pas se faire prendre », apprend-on. Les faits se déroulent dans une ZOVIC du village de Tiakané. Une localité située à une trentaine de kilomètres de Pô, chef-lieu de la province du Nahouri.

Le ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie, Salifou Sawadogo et ses collaborateurs y ont été conduits lors de leur visite dans les aires protégées de la région, le 15 mai 2010.

L’objectif a été de leur faire toucher du doigt, l’ampleur du phénomène de la déforestation anormale dans la zone. Toute chose qui devrait permettre au premier responsable du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (MECV), de prendre des mesures adéquates pour endiguer le phénomène.

A la vue du champ « aux propriétaires clandestins », personne de la délégation constituée entre autres, du ministre, du haut-commissaire du Nahouri, de cadres du MECV, d’agents forestiers, de journalistes et de fils de la localité, n’est resté indifférent.

Ce qui est choquant en découvrant cette exploitation, est moins la superficie défrichée que la méthode de défrichage utilisée par les exploitants illicites. En effet, aucune espèce végétale n’est épargnée, même les espèces les plus protégées.

Ces paysans d’une autre race, outre le fait qu’ils abattent sauvagement les arbres, tuent ceux des arbres non abattus, à l’aide du feu. Naturellement, le ministre en charge de l’environnement, Salifou Sawadogo, a été scandalisé.

La stupeur se lisait aisément sur son visage. « Cela pose vraiment problème si des individus animés d’un scrupule inqualifiable se mettent à brûler des arbres vivants, des espèces protégées pour simplement dégager des terres cultivables », a-t-il affirmé. Le ministre a donné des instructions pour que les auteurs de ces actes soient retrouvés et punis à la hauteur de leur forfait.

La particularité de la ZOVIC de Tiakané est qu’elle se trouve à proximité du ranch de gibier du Nazinga, à seulement un pas de cette aire protégée. Compte tenu du fait que la Zone villageoise d’intérêt cynégétique (ZOVIC) est également protégée, elle s’est constituée en une grande brousse. D’où la convoitise et la menace dont elle est l’objet. Il ressort qu’il en est de même pour les ZOVIC, des autres villages riverains au Ranch de gibier de Nazinga.

Une résistance à la délimitation

« C’est une grande brousse où des gens peuvent quitter d’autres régions pour venir s’installer sans qu’on ne le sache », déplore le président des villages riverains du Ranch de gibiers du Nazinga, Wepia Boniface Zibaré. Il précise que les migrations vers ces ZOVIC ont débuté en 2002 et se sont intensifiées ces dernières années. « Chaque jour pratiquement, il y a des camions qui viennent déverser des gens dans la forêt », déclare M. Zibaré.

Selon lui, ceux qui viennent détruire la forêt de cette manière, sont de contrées souvent très lointaines. Il souligne que dans certaines zones, les villageois autochtones ont pu les déguerpir de la forêt, mais dans d’autres villages, cela s’avère très difficile. « La tâche est d’autant plus compliquée que lorsque ces gens arrivent, ils corrompent les chefs de terre qui les protègent », soutient avec regret, Boniface Zibaré.

Cette assertion est confirmée par le Directeur régional de l’Environnement et du Cadre de vie du centre - sud, Paul Djiguemdé et le chef d’unité de gestion du ranch de gibier du Nazinga, Dieudonné Yaméogo. A les entendre, des agents des eaux et forêts ont été confrontés à une opposition radicale des occupants illicites quand il s’est agi de délimiter la zone.

La situation était tendue à telle enseigne qu’une association (Association Gobi Azra) des autochtones de la localité a tiré la sonnette d’alarme. « Nous avons écrit au ministre de l’Environnement, lui demandant une audience et lui faire savoir que si rien n’est fait, il va se passer des choses irréparables ici », confie le président des villages riverains du ranch du Nazinga, membre de l’association, Boniface Zibaré.

Pour lui, seules les autorités administratives peuvent résoudre le problème. « Les Zovic ont été créées avec l’accord des chefs de terre. Si aujourd’hui ces derniers font volte-face, il faut que la loi sévisse. Autrement dit, nous serons à même de croire que nous sommes dans un Etat d’anarchie », indique-t-il.

Force reste à la loi

De l’avis de monsieur Zibaré, les dégâts occasionnés par les exploitants illicites, ne se limitent pas seulement aux ZOVIC. « Ces gens exploitent également, les ressources du ranch de gibiers du Nazinga puisqu’il n’y a pratiquement pas de limite entre les ZOVIC et le ranch. Il tuent les animaux du ranch, y détruisent les arbres… », regrette-t-il avant de souligner que c’est d’ailleurs cet aspect, qui est le plus inquiétant dans la mesure où le ranch est véritablement menacé.

Dans la localité de Tiakané et environs, un homme, Benjamin Bassono, s’illustre par ses actions et son influence sur les populations. Il est concessionnaire et promoteur du projet Nahouri SAFARI, le campement de l’éléphant, avec de nombreuses réalisations : une auberge, une ferme, des forages, une école, etc., dans le village de Oualem.

Monsieur Bassono, déplore également, cette pratique qui va grandissante. C’est à Oualem que le ministre Salifou Sawadogo a échangé avec les communautés locales, notamment, le Comité villageois de gestion de la faune (CVGF). Lors de cette rencontre, les responsables coutumiers ont exposé leurs préoccupations.

Ils ont aussi justifié leur comportement consistant à donner illégalement la terre aux arrivants. L’un des chefs de village, le chef de Koubili a laissé entendre : « Nous donnons la terre aux étrangers, parce que nous n’avons pas le choix. En effet, en donnant des portions de terres aux étrangers, ceux-ci nous donnent en retour des vivres en fin de récolte. Chose que nous ne pouvons pas avoir avec nos propres enfants. Nous vivons de cela ».

Pour le vieux, il serait difficile, voire utopique, de vouloir lutter contre les exploitations illicites si l’on ne se penche pas sérieusement sur les préoccupations de ceux-là qui distribuent les terres. Le chef souhaite l’appui des autorités du pays pour résoudre définitivement le problème. « Si le ministre nous donne à manger par exemple, il va de soi que nous arrêterions de donner nos terres aux étrangers dans l’espoir d’avoir de la nourriture », préconise-t-il.

De son côté, le ministre en charge de l’Environnement est strict : Il faut que la pratique prenne fin. « Nous allons tout mettre en œuvre pour que cesse ces pratiques anarchiques dans les aires protégées », a martelé Salifou Sawadogo.

Selon lui, force doit rester à la loi. Il a promis trouver incessamment, une solution au problème car pour lui, « l’Etat c’est la puissance publique. Nous devons être en mesure de pouvoir délimiter la zone et y faire respecter les normes ». Le ministre a qualifié d’« une des tâches noires » ce qu’il a découvert à Tiakané, durant la tournée dans les provinces de la Sissili et du Nahouri.

Alban KINI (alban_kini@yahoo.fr)

Sidwaya

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