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APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE PAR LE SOLAIRE : Entre espoirs et difficultés

Publié le mardi 15 juin 2010 à 00h03min

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Le Programme régional solaire (PRS) devrait marquer un tournant dans la stratégie burkinabè d’approvisionnement en eau potable des populations des villages sahéliens. Avec ce programme, ont vu le jour des bornes-fontaines, dont la particularité est de fonctionner à l’énergie solaire. En milieu rural, dans un tel contexte de changements climatiques, ce système d’approvisionnement par le solaire ne devrait pas être un luxe, mais une nécessité. Mais aux espoirs que suscite ce Programme, s’opposent un ensemble de difficultés sur le terrain, qui sont une menace pour une véritable émergence des activités du PRS.

Sur 500 F CFA collectés, il perçoit 60 F CFA, soit 60 F CFA sur le m3 d’eau. Arzouma Compaoré est fontainier, en clair, chargé d’encaisser 20 maigres francs CFA par bidon d’eau de 20 litres. Le drame, c’est loin d’être le rush devant l’un des 5 bornes-fontaines disséminées à travers la commune rurale de Bingo, située à une trentaine de km de la capitale, sur l’axe Ouagadougou-Bobo Dioulasso. Conséquence pour cet ancien tablier du marché de Bingo : une bien maigre rétribution. De fait, un rapide calcul permet de réaliser qu’il faut à Arzouma Compaoré 50 clients au moins pour obtenir 120 F CFA. Avec la somme de « 60 F CFA pour 500 F CFA encaissés, ça ne peut même pas permettre de s’offrir un plat de riz », ironise Harouna Zongo, agent d’exploitation de SAWES (Sahelian Agency for Water and Sanitation) qui ajoute toutefois que des négociations sont en cours avec SAWES pour que les conditions de vie des fontainiers de SAWES soient améliorées.

Bornes-fontaines fonctionnant au solaire En cette soirée du 14 mai 2010, Bingo semble dans un état de léthargie, sa marche sans doute ralentie par les travaux champêtres à l’orée de l’hivernage, analyse notre accompagnant. Ne présentant a priori aucun attrait particulier, qu’a-t-elle de si important, qui vaille un détour ? En fait, la commune rurale, à l’instar d’une centaine d’autres, a bénéficié des installations du Programme régional solaire (PRS), un programme achevé qui devrait marquer un tournant dans la stratégie burkinabè d’approvisionnement en eau potable des populations des villages sahéliens. Dans ce contexte, ont vu le jour des bornes-fontaines, dont la particularité est de fonctionner à l’énergie solaire. Mille installations de ce genre ont été réalisées à travers le Sahel, dont 170 dans 21 provinces et 8 régions du Burkina, pour près de 13 milliards de F CFA mobilisés.

Champs photovoltaïques sécurisés

Encore appelée système, l’installation comprend une pompe immergée dans un forage, alimenté par une énergie photovoltaïque et refoulant de l’eau dans un réservoir surélevé. Cette eau ainsi acheminée vers un château, est ensuite distribuée aux populations à travers des bornes-fontaines. Une belle initiative qui n’est pas sans faire face à des périls. De ce fait, les champs photovoltaïques (qui permettent de convertir la chaleur du soleil en énergie) ont été sécurisés pour cause de vols. L’installation d’un système d’alarme participe de la sécurisation des générateurs solaires. Le programme constitue l’un des plus importants programmes d’approvisionnement en eau initié par le CILSS avec l’appui financier de l’Union européenne au profit des neuf Etats qui le composent. Il a pour ambition de promouvoir l’énergie solaire au Sahel et d’apporter à travers des systèmes d’approvisionnement en eau simplifiés, de l’eau potable à près de 4 000 000 de personnes vivant dans les 9 Etats membres du CILSS.

Au niveau des installations du PRS, même après le coucher du soleil, il y a toujours de l’eau disponible. Mais encore faut-il que le fontainier, lui, soit toujours là, au-delà de 18h, heure à laquelle il doit en principe décrocher, pour ne reprendre le travail que le lendemain à 6h. Des heures supplémentaires qui feraient plutôt son affaire. Hélas, M. Compaoré est confronté au problème de la faible affluence, la fréquentation journalière au niveau de son gagne-pain étant estimée à 15 ou 20 personnes. Est-ce seulement parce que le Programme ne date que d’hier, comme semble se consoler Karim Traoré, coordonnateur national du PRS 2 (2ème phase du PRS), notre accompagnant ? Pourquoi diantre les femmes ne se bousculent-elles pas en ces lieux ?

Tentative d’explication de Harouna Zongo, exploitant de SAWES : « Il n’était pas dans les habitudes des villageois de payer l’eau. Maintenant qu’on le leur demande, cela peut constituer un blocage. Il est vrai qu’ils payaient l’eau, mais seulement d’une façon insidieuse, par exemple quand survenait une panne sur une pompe et pour laquelle ils devaient se cotiser pour la réparation. Certaines femmes manifestent le désir de se rendre dans les bornes-fontaines du PRS, mais il y a l’obstacle de l’argent. Dix francs CFA, ça peut avoir l’air de rien, mais n’oubliez pas que nous sommes au village et que dans les villages, généralement, il n’y a pas d’argent. Conséquence, les femmes préfèrent se diriger vers les pompes manuelles ou les puits où l’eau y est gratuite ».

« Pourquoi allez chercher loin » ?

Saadia Zongo n’est pas de celles-là, elle qui a fait le choix du robinet de sieur Compaoré, d’abord et manifestement avant tout, pour des raisons de proximité géographique, mais aussi pour la qualité de l’eau qui y est vendue. « Pourquoi aller chercher loin si je peux avoir, tout près de chez moi, l’eau de surcroît potable ? »

Encore que, « puiser de l’eau ou la pomper, ça fatigue, alors qu’ici, il suffit d’un geste simple pour avoir l’eau : ouvrir le robinet, renchérit le fontainier. Toujours est-il que, pour l’instant, le nouveau système d’adduction d’eau par le solaire ne produit pas de bénéfices, même si positive Harouna Zongo, « des négociations sont en cours avec la Banque mondiale pour qu’elle vienne en appui, chaque année, à l’Etat pour compenser les pertes ». A ce propos, la position de Karim Traoré est claire : « Si on est d’accord que l’eau apporte la santé, l’Etat peut et doit faire cet effort ». Mais, en attendant, il faut bien trouver une solution à la faible fréquentation des installations du PRS, et pour M. Traoré, ce n’est pas ce qui manque.

Comment rendre l’activité plus rentable ?

L’activité serait plus rentable, juge-t-il, s’il était instauré un système de facturation mensuelle pour ces bornes-fontaines. On pourrait mettre par exemple en place un système de pointage pour les clients et à la fin du mois, on fait le point sur le nombre de litres d’eau consommée par client. On peut concevoir des tickets. Telle famille pourrait s’acheter tel nombre de tickets correspondant à un tel volume de m3 d’eau consommée » ; à l’image des cartes prépayées.

Les branchements privés pourraient également contribuer à l’augmentation de la consommation d’eau au niveau de ces installations. En fait, tout cela n’est pas nouveau, fait remarquer M. Traoré. « On y avait pensé, mais, à l’époque, on n’était pas assuré d’avoir des cartes prépayées à tout moment ». En plus, les sites sont tellement éloignés qu’on aurait eu des problèmes d’acheminement s’il y avait eu rupture de stock ». Pour booster la vente, M. Traoré suggère par ailleurs que les bornes-fontaines soient dotées d’un hangar, comme c’est le cas dans le Nord du Burkina, et de boutiques, comme au Rwanda qui a bénéficié d’un Programme similaire. « De même qu’elles créeront de l’affluence, ces boutiques permettront aux fontainiers de mieux s’occuper et de s’en sortir », assure-t-il.

Reste que si l’activité de Arzouma Compaoré tarde à prendre véritablement son envol, c’est parce que le mode de gestion communautaire des ouvrages hydrauliques, qui avait cours jusque-là, a montré ses limites. « Ce mode de gestion n’a pas bien fonctionné dans la plupart des cas. Ce système, se souvient M. Traoré, était tel que l’Etat devait toujours intervenir en cas de panne. Même quand l’activité ne marchait pas, le gérant était toujours maintenu à sa place. On s’est rendu compte qu’il ne se sentait en rien impliqué dans cette affaire. Pire, il pouvait détourner sans être inquiété ».

De la gestion communautaire à la gestion déléguée

Depuis lors, les leçons ont été tirées. Communalisation aidant, les ouvrages ont été transférés aux communes et la gestion est passée de type communautaire à une gestion déléguée. La réforme préconise une délégation de gestion à un opérateur privé. Avec le système de gestion déléguée, le fontainier sait qu’il est lié au volume d’eau vendue et qu’il tirera sa pitance de cela. Sur la base d’un contrat en bonne et due forme, chacun connaît son rôle et est conscient de ses responsabilités.

Rien ne sera facile

Malgré tout, Karim Traoré sait que rien ne sera facile. Une preuve : là où il y a un système d’adduction d’eau, il avait été recommandé que les forages soient systématiquement fermés, de sorte que les populations soient contraintes d’aller sur les nouveaux sites. Ces forages ne devaient seulement être rouverts qu’en cas de survenue d’une panne au niveau de ces sites. Il avait également été recommandé qu’il n’ y ait aucun point d’eau à 500 mètres autour d’une borne-fontaine. Autant de mesures qui, dans la pratique, n’ont pas connu le moindre début d’exécution, déplore M. Traoré.

C’est pourquoi il en appelle à l’implication des maires, et pour le cas d’espèce, de celui de Bingo. Autre difficulté nuisible à l’activité des fontainiers, soulignée en ces termes par le coordonnateur national : « Quand les femmes vont faire remplir leurs bidons d’eau de 20 litres par exemple au niveau des bornes-fontaines, elles exigent toujours que leurs bidons soient entièrement remplis, à ras bord. Au final, la qualité d’eau reçue n’est plus les 20 litres, c’est bien plus, donc une perte pour le gérant. Autre difficulté : la rareté de la pièce de 10 F CFA.

Le solaire dans un contexte de changements climatiques

Malgré tout, M. Traoré est formel : l’approvisionnement en eau potable par le solaire, en milieu rural, dans un tel contexte de changements climatiques, ne devrait pas être un luxe, mais une nécessité. Il avance le contexte de flambée des prix des hydrocarbures, dans lequel l’utilisation optimale de l’énergie solaire contribuera à la réduction de la fracture énergétique de plus en plus croissante dans nos Etats. En plus, le photovoltaïque est un atout indéniable pour la préservation de l’environnement. En tout cas, vers Bobo Dioulasso, Séguénéga et Mangodara, on en a tiré le plus grand profit, et il suffit d’en juger par le chiffre d’affaires de l’activité qui s’élève à des millions de F CFA, même si le service de l’eau en milieu rural est loin d’être une activité rentable, indique M. Traoré.

Par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 15 juin 2010 à 17:59 En réponse à : APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE PAR LE SOLAIRE : Entre espoirs et difficultés

    Si vous voulez vraiment aider les pauvres paysans, mettez en place des pompes manuelles et le problème sera résolu !

    Le prix d’acquisition d’un pompage manuel n’est il pas inférieur à celui d’un pompage solaire ?

    Il faut d’abord savoir ce que l’on veut en réalité !
    1) Veut on l’accès des populations à l’eau potable
    2) Ou une utilisation de l’énergie solaire.

    Cette question est fondamentale !
    J’ai rien contre l’énergie solaire !
    C’est même une opportunité pour nos pays sahéliens !

    Mais il faut comprendre une chose : la promotion de l’exploitation de l’énergie solaire à une échelle sociale (villageois) est un leurre, une utopie !

    Je vais vous dire une chose, ces temps ci tout le monde est entré dans la danse : énergie solaire, énergie solaire !

    Le développement de l’énergie solaire passe par une rentabilité économique, des considérations financières eu égard à l’investissement de départ très important caractérisant le secteur !

    A ce sens c’est dans la ville (ouaga, bobo, etc) que l’essor du solaire doit partir !

    Une illustration la banque SGBB a installé une centrale solaire de 85 KWc qui peut je suis certain supporter l’ensemble des besoins électriques (hors climatisation éventuellement) de la boite.
    Un tel projet présente au pire des cas un temps de retour de 05 ans ce qui est tout à fait acceptable pour un tel investissement sur des équipements au coût d’exploitation quasi-nul avec plus de 20 ans de durée de vie !

    D’autres structures comme les industries, devraient suivre l’exemple de la SGBB !

    Dans le domaine du solaire tout se passe comme si on devait à l’achat des équipements payer le prix de toute l’énergie qu’on va consommer sur la durée de vie des équipements !

    Tout le nerf du problème dans cette question est l’argent !
    Où ou comment trouver l’argent pour l’investissement nécessaire ?

    Ce n’est certainement pas un paysan qui trouvera la solution à cette équation complexe !
    A bon entendeur salut !

    By xtreboul

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