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Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance

Publié le samedi 5 juin 2010 à 17h52min

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Tertius Zongo

Tertius Zongo, Premier ministre, chef du gouvernement,
doit s’efforcer de convaincre que sa lutte contre le laxisme et pour la rigueur ne vise pas que les moins bien lotis de la société burkinabè (A suivre)

N’importe où ailleurs, cela serait jugé insupportable et inacceptable. Ici, à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, personne ne renâcle ; personne même ne commente les conditions excessivement difficiles et inconfortables dans lesquelles les voyageurs sont accueillis à l’aéroport.

Il est vrai que le vol Air Burkina, en provenance de Paris, était loin d’avoir fait le plein de passagers. Dommage : partis à l’heure, nous sommes arrivés à l’heure (ce qui n’est pas toujours le cas) même si notre « vieux » MD-83 (qui permet de lire tranquillement tout le temps du vol sans être dérangé par les écrans vidéo qui, désormais, encombrent abusivement les avions), le vent dans le nez, s’est fait dépassé, en cours de vol, par l’Airbus d’Air France. Peut-on encore parler d’un aéroport à Ouaga ? Voilà des mois que celui-ci est en cours de réaménagement (après avoir été pendant des années dans un état de « débordement » inimaginable) obligeant le personnel à faire des miracles dans des conditions particulièrement acrobatiques (le débarquement n’est pas toujours la pire des opérations ; le pire, c’est parfois l’embarquement).

Ce jeudi 25 mars 2010, débarquant de l’Air Burkina en provenance de Paris, j’ai eu le sentiment, en entrant dans l’aéroport, de me retrouver au cœur de l’Angola, au temps de la guerre : du béton brut, des câbles à nu, des portes démontées, des fenêtres murées ; il n’y a même plus de tapis de livraison pour les bagages (ni même de « zone » de récupération des bagages) tout simplement « chariotés ». Dans cet espace « capharnaümmique » l’administration burkinabè ne perd pas autant son sens des réalités, comme si de rien n’était : visa, santé, police, douane. Finalement, tout va plus vite, et sans moins de contraintes, que dans bien des aéroports « aménagés ». Mais il y a urgence, malgré tout, à ce que la capitale du Burkina Faso soit dotée d’une plateforme aéroportuaire à la hauteur de ses ambitions régionales et internationales.

Le Splendid Hotel étant à un jet de pierre de l’aéroport, j’arrive à temps (enfin presque) pour voir (à la télé) le Premier ministre burkinabè, Tertius Zongo, prononcer son discours sur la situation de la Nation et se soumettre aux questions des députés. Une performance : deux heures et quinze minutes pour lire un document de… 82 pages parsemé d’une douzaine de citations d’auteurs dont certains sont inattendus (l’animateur vedette de la télévision française dans les années 1960 : Jean Nohain) ou me sont totalement inconnus (Hervé Lauwick).

Ce discours est un exercice annuel auquel se plient les Premiers ministres du Burkina Faso depuis un certain nombre d’années. C’est le meilleur moyen de s’informer sur l’état des lieux mais, surtout, et plus encore, l’état « psychologique » du chef du gouvernement. Au fil des ans, « l’image politique » du Burkina que révèle ce discours évolue donc en fonction de la conjoncture nationale et régionale et de la personnalité du premier ministre. Avec Zongo, on ne peut pas être déçu : il n’est pas homme à « mettre son drapeau dans sa poche » et à susciter le doute ; avec lui, une certitude : le gouvernement gouverne sous la direction du chef du gouvernement et la lutte contre le laxisme s’accompagne d’une volonté de rigueur. Il ne s’agit pas tant de « serrer la vis » que de pratiquer une gestion rigoureuse des ressources nationales qui, comme chacun sait, sont limitées.

Le Burkina Faso est en ébullition. Ce qui, ici, n’est pas une nouveauté. La dégradation de la situation était déjà perceptible dans les derniers mois de l’année 2009 (cf. LDD Burkina Faso 0183 et 0184/Vendredi 9 et Lundi 12 octobre 2009). Cette fois, quand je débarque à Ouaga, ça déborde. Bien plus que je ne l’imaginais. Oh, rien d’incontrôlable (« tout est sous contrôle » est le maître-mot de la présidence du Faso). Blaise Compaoré, le président de la République, est, me dit-on, confiné dans l’isolement de son palais présidentiel de Ouaga 2000, ne se soucie que de la « diplomatie » et laisse à son Premier ministre la gestion du quotidien des Burkinabè qui, dit-on, se lassent de la distanciation culturelle d’un chef de gouvernement qui aurait trop longtemps vécu aux States et aurait trop écouté les prêches des évangélistes. « Que Dieu bénisse le Burkina Faso » aime à conclure le Premier ministre. C’est plus que jamais nécessaire.

Les Burkinabè « marchent » ; ce qui n’est jamais bon signe. Ils marchent dès lors que « rouler » coûte cher. L’objet de leur mécontentement tient en trois lettres : TDC, la « taxe de développement communal » qui vise les propriétaires d’autos, de motos et de cyclos, de camions…, autrement dit tous les véhicules à moteur immatriculés ou non immatriculés mais « en circulation effective sur le territoire national ». Ils ont marché le 24 février 2010 ; ils annoncent d’autres « marches-meetings » pour le 31 mars 2010 et appellent à la grève générale pour les 31 mars et 1er avril 2010. « Non à la double taxation. Non au retour des vignettes dites « taxe de développement communal ». Non à la vie chère. Non au mépris des citoyens par les autorités », scandent les manifestants rassemblés au sein de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC).

Le gouvernement, depuis plusieurs semaines, a multiplié les « points de presse » destinés à rassurer la population sur le bien fondé de cette TDC, mobilisant, pour l’occasion, l’Association des maires du Burkina Faso (AMBF), présidée par Simon Compaoré, le maire de la capitale, les communes (49 communes urbaines et 302 communes rurales) étant les bénéficiaires de cette taxation (et, à l’occasion, ayant revendiqué cette taxation) : 40 % de la taxe profitera à la commune de collecte tandis que le solde (60 %) sera affecté à un compte d’imputation pour répartition entre toutes les communes. « Il n’y a pas de raison que les pays qui nous accordent les dons le font grâce aux cotisations de leurs contribuables alors que nos populations refusent de pays une taxe », a argumenté le maire de Ouagadougou. Argument « populo » ; pas sûr qu’il ait été entendu par les populations !

Zongo veut changer la physionomie de l’économie et, du même coup, le comportement « d’opérateurs » habitués au laxisme ambiant ; transparence, rigueur, efficience… sont désormais à l’ordre du jour. Pas de façon aléatoire ; au quotidien. Votre cyclo ou votre moto, s’ils ne sont pas conformes aux règles de sécurité, seront confisqués par la police jusqu’au règlement d’une contravention de 12.000 francs CFA (le salaire minimum est de l’ordre de 30.000 francs CFA). Eau ou électricité impayées, le tribunal, saisi par votre propriétaire, va vous convoquer d’autant plus rapidement que les juges vous appellerons sur votre portable, etc.

Les Ouagalais découvrent un nouveau relationnel avec les autorités, fait de réglementation et de distanciation. Ajoutons à cela les éternelles revendications contre la vie chère (le prix du riz, de l’essence - plus chère, me dit-on, au Burkina Faso qu’au Mali ou au Niger, deux autres pays enclavés - du ciment,…), le coût de la scolarisation des enfants, des salaires trop bas pour des heures de travail trop longues, la pression sociale pour les uns, la pression familiale pour tous,… on comprendra que l’ambiance soit d’autant plus morose que le président du Faso semble n’avoir d’autres préoccupations que la gestion des relations régionales (on lui reproche encore son « retrait » lors des inondations du 1er septembre 2009) tandis que le Premier ministre en « rajoute une tranche » avec la TDC (exigible avant le 1er avril 2010).

C’est dans ce contexte qu’il convient de situer son discours sur la situation de la Nation prononcé le jeudi 25 mars 2010. « Autant dire que je mesure la gravité de l’instant présent, et le sens de l’urgence qui s’impose à nous tous », a déclaré, d’emblée, Zongo, évoquant « un moment crucial dans notre parcours collectif en tant que peuple ».

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 juin 2010 à 20:51, par Le sage En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    Excellence Monsieur le premier ministre,
    J’apprécie à sa juste valeur tous les efforts que vous avez fourni depuis votre arrivé et le travail que vous abattez tous les jours pour rendre le Burkina meilleur. Nos encouragements. Mais sincèrement, cette histoire de l’aéroport International de Ouagadougou me fend le cœur. C’est la porte d’entrée du pays et ça doit être, comme beaucoup de choses qui vous tiennent à cœur, la fierté de notre pays. Pour 8 mois d’exécution, on est à plus de 24 mois. Comme un passager l’a dit la semaine passée : "il nous manque seulement les ânes pour traquer les bagages". Excellence, il y a vraiment urgence car nous avons maintenant la face à terre.

  • Le 6 juin 2010 à 13:39, par LE NABE En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    BEL ARTICLE

  • Le 6 juin 2010 à 13:46, par Le Citoyen En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    La corruption au Burkina n’a plus le meme visage il y a qutre ans. Tous les honnetes citoyens de notre pays le savent.REN-LAC le reconnait.Mais il nous reste beaucoup à affaire. Que le gouvernement achève cet chantier. Mais ce journaliste a exagéré . Les Chantiers inachévés il y en a aussi chez eux. Et puis si une citation est pertinente on n’a pas besoin que l’auteur soit connu pour le citer. Que Monsieur Bejot cesse de nous faire la morale intellectuelle.Notre president, le permier ministre et tout le gouvernement travaillent serieusement pour ce pays. COURAGE MONSIEUR LE PRESIDENT, COURAGE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, COURAGE A TOUT LE GOUVERNEMENT.

    • Le 7 juin 2010 à 03:43, par TRM En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

      En quoi M. Bejot a exagere. Il faut plutot dire qu’il ne devait pas dire oui. Il a trews bien depeint la situation avec un style si fluide. On ne nie pas qu’il y a des chantiers chez les Bejots aussi, mais en attendant lui il parle de nos chantiers qui n’avancent q’a pas d’escargots. Si vous voulez vous pouvez aussi ecrire sur les chantiers de chez eux. Moi je suis chaque fois frustres que des collegues voyagent sur le Burkina et reviennent me narguer sur ll’arrierisme de mon pays a treavers son aeroport qui marche moins q’une gare routiere.

      On ne nie pint que tertus fait des efforts, meme s’il n’a pas respecte beaucoup de ses propres promesses d’assainissement de la vie publique. Mais comment voulez-vous q’on se taise quand un projet initialement prevuy pour 8 mois prend plus de 24 mois. Cela s’appelle de l’imprevoyance. Au lieu de vous plaindre contre M. Bejot plaignez vous contre un systeme qui donne les arguments aux ennemis du Burkina pour le minimiser.

      M. Bejot, merci pour votre joli article et une critique tres constructive. "God Bless Bejot".

    • Le 7 juin 2010 à 05:55, par chrisadin En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

      monsieur le citoyen ! si vous criez courage au premmier je vous supporte mais ne criez point courage au president car cela fait honte a notre pays. Je ne m’allignerais jamais devant un president qui a des buts egocentriques qui conduisent vers la dictature. J’aime mon pays et j’admire les personnes travailleuses telle que le premier ministre qui fait de son mieux pour l’avancee de notre patrie !!!

  • Le 6 juin 2010 à 17:52 En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    Biensure kil s’est rendu compte k’il preche dans un desert, malgre son ardeur a la lutte contre la corruption les ministres et les chefs de projet n’egitent pas a puisse dans les caisses de l’Etat impunement . Il faut lire l’exemple sur les detournement des 381 millions de FCFA qui a eu lieu a la SNAT dont le journal lereporter en parle et dont le ministre des finances se plaigne de la denonciation de l’affaire par un de ses propres agents.
    Burkina Faso = on detourne pia pia, on mange avec le ministre ou le chef et apres y a rien.
    c’est le pauvre ki restera toujours pauvre.

  • Le 6 juin 2010 à 18:42, par Basile Bilgo, USA En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    L’aeroport international de Ouaga est une honte pour le Burkina. En Decembre 2009, j’y debarquais (avec des amis) en provenance de Paris. Nous avons attendu plus de 2 heures pour recuperer nos baggages. Le rouleau de la plate forme etait en panne. Apres deux ou trois valises, il s’arretait. Les baggagistes rentraient dans le trou comme des serpents pour pousser les baggages. La deception et la honte etaient visible sur tous les visages. Je ne suis donc pas surpris que maintenant on tire les baggages avec des charettes.
    Il suffit de voir des aeroports comme celui d’Accra, Abidjan, etc pour se rendre compte que le Burkina a un long chemin a parcourir. Le PM a la bonne foi, mais lui seul ne peut changer la politique du je m’en foutisme que les dirigeants de notre pays pratiquent. C’est dommage mais c’est la realitee. Ils ne pensent qu’a leur poches, pas au peuple qui souffre. Il nous faut d’autres dirigeants. Blaise Compoare doit partir pour que le Burkina puisse amorcer un developement veritable.

  • Le 6 juin 2010 à 18:50, par kere En réponse à : Tertius Zongo : La dure lutte contre la corruption

    Dieu bénisse le burkina faso ! n’en déplaise à certain !

  • Le 7 juin 2010 à 08:55, par O.W.E En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance ??il faut des points d’interrogation

    just que les uns et autres sachent que la corruption a change simplement de fisage sinon elle existe toujour
    a peine si le Petit Mangeur connait les realites du citoyent lamda...s’ils veulent reelement que le BF avance ils n’ont qu’a laisse les situations du genre de poids deux mesures,tout fautif doit etre juger et sanctionner qu’en deplaise son pere,son frere,son ami,son camarade CDP ou Mouvance presidentielle ou tout autre relation qui les lie.
    et a Mr PF fait pardon je suis venu au monde te trouve au pouvoir faut mon enfant va aussi venir t’y trouver surtout que les choses changent en pas de cameleon car nous pouvont etre mieu la ou on est actuellement si les differents gouvernements ne passaient pas leurs temps a se remplir les poches et a racconte des bobars comme le parleur actuel qu’on nous a servi pour nous occupe depuis 4ans

  • Le 7 juin 2010 à 16:34, par Ben Ischam En réponse à : Tertius Zongo : Le difficile combat pour la bonne gouvernance

    Mes frères, je ne vous comprends pas ; rien ne doit nous étonner au Faso. Le Burkina est un pays émergent aujourd’hui depuis la promesse faite en 2005. Mais remarquez que c’est en 2010 qu’on réfléchit sur la manière dont elle sera effectivement émergent en 2020.

    Dieu nous aide.

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