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Sénégal : Youssou N’Dour et le défi politique

Publié le jeudi 6 mai 2010 à 02h05min

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Partira, partira pas, Youssou N’Dour, le roi du Mbalax, vient de mettre un terme aux rumeurs de plus en plus persistantes qui lui ont taillé un costume tout neuf de candidat à l’élection présidentielle sénégalaise de 2012. Définitivement ? Difficile à dire, puisque le célèbre chanteur sénégalais, à qui la presse nationale et internationale prête de grandes ambitions politiques pour son pays, vient de créer rien moins qu’un mouvement politique, « Fekké mathi boolé » (« C’est parce que je suis témoin (ou présent) que j’y prends part », en wolof, la langue la plus parlée au Sénégal).

« Je ne serai jamais candidat à la présidentielle. J’ai un métier que j’aime. Je n’ai besoin de rien. » Youssou N’Dour semble sûr de son fait, balayant d’un revers de la main, par ces phrases, la tentation qu’on lui prête de présider un jour aux destinées du Sénégal. Et si l’on comprend bien le roi du Mbalax, chanteur planétaire qui a semé la joie dans le cœur de millions de personnes sur tous les continents, c’est qu’il ne prendra pas le départ de la course au fauteuil présidentiel contre Me Abdoulaye Wade, en 2012. Ni jamais !

Et pourtant, on peut aisément partir de l’hypothèse que c’est la gestion actuelle du pays, et notamment le spectre d’une monarchisation du Sénégal, qui a cimenté le combat éminemment politique du chanteur. « Pour moi, le Sénégal, c’est la démocratie. La vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Cela ne peut pas devenir une monarchie », déclare-t-il, en effet. C’est pourquoi Youssou N’Dour tient, avec son mouvement, à… « peser sur l’avenir politique du Sénégal ».

Citoyen de ce pays dont il est l’un des plus prestigieux porte-drapeaux, mais aussi citoyen du monde, qui se soucie de la marche de notre planète et du développement de nos nations, autant que de l’ancrage démocratique dans nos pays en déficits de toutes sortes, celui que l’on appelle affectueusement « You » semble vouloir mettre, en cette année où l’on célèbre le cinquantenaire de l’indépendance de nombre de pays francophones d’Afrique, son charisme au service d’un certain réarmement moral. Mais y parviendra-t-il sans s’investir personnellement dans le combat, sans entrer, lui-même, dans le costume de président qu’il semble refuser ?

La dualité apparente de la démarche de Youssou N’Dour, qui porte un mouvement politique sur les fonts baptismaux tout en affirmant ne pas vouloir aller au charbon lui-même peut paraître anachronique, voire décevant pour un certain nombre de ses compatriotes qui l’adulent et qui le verraient bien prendre ses quartiers à l’Avenue Roume, à Dakar, où trône le palais de la présidence de la République. Pour autant, elle n’emprunte pas moins à cette sorte d’élégance et de hauteur d’esprit, qui souligne qu’« il y a de la noblesse à être présent à l’ouvrage et absent aux noces ». Construire, sans faux-fuyants, le pays, et actionner des leviers, en vertu de sa position et ses potentialités, pour tracter le changement, est, à mon humble avis, autant, sinon plus noble que de systématiquement s’afficher comme le seul capable d’être calife à la place du calife.

Cependant, je reste convaincu que quelque soit le rôle qu’il entend jouer dès maintenant pour « peser sur l’avenir politique du Sénégal », Youssou N’Dour, profondément impliqué dans les défis de son temps, et qui dispose déjà d’une redoutable machine médiatique -« Mon groupe médiatique est le plus important du Sénégal », affirme-t-il, avec une certaine fierté- n’échappera pas, si tel est son destin, au devoir suprême de conduire son peuple, lorsque les circonstances et les conjonctures en décideraient.

En effet, au-delà de son immense popularité planétaire, l’homme lui-même s’est taillé une respectabilité toute cristalline. Fils de la Médina dakaroise, l’un des quartiers populaires de la capitale sénégalaise, il est resté proche des siens. Sa trajectoire d’enfant pauvre devenu l’un des hommes les plus puissants du pays, sa réputation de bon gestionnaire, son auréole d’excellent ambassadeur du Sénégal et… ses cris de révolte contre la misère du peuple et le piétinement du pays en font, incontestablement, un redoutable présidentiable, qui ferait trembler n’importe quel animal politique.

« Je veux défendre le peuple. C’est bien de développer les infrastructures comme le fait actuellement le régime de Wade, mais il faut aussi que les gens mangent à leur faim », clame-t-il encore, avec une éloquente sérénité. Une profession de foi éminemment politique, qui me fait dire que décidément, Youssou N’Dour ne restera pas bien longtemps dans l’ombre de son mouvement, ni même sous l’ombrage d’un président coopté, qui solderait les comptes de l’enfant de la Médina avec ses actuelles tempêtes intérieures…

Serge mathias Tomondji

Fasozine

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