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GBAGBO-SORO : La guerre des nerfs par sous-fifres interposés

Publié le jeudi 15 avril 2010 à 03h40min

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Où va donc la Côte d’Ivoire avec ces polémiques et ces folles courses d’obstacle à l’infini ? Par sous-fifres interposés, le camp présidentiel et celui des ex-rebelles s’affrontent à nouveau. Verbalement toujours, fort heureusement. A deux pas des élections projetées, c’est loin d’être un combat à fleurets mouchetés. La partie de ping pong, véritable guerre des nerfs, oppose Afi Nguessan, patron du Front populaire ivoirien (FPI) favorable au président Gbagbo, aux conseillers du Premier ministre Guillaume Soro des Forces nouvelles.

Au menu : le processus électoral. La manière d’aborder le sujet, les interprétations autour de points contenus dans les Accords de Ouagadougou, divisent bien plus qu’elles ne rassemblent. Cette fois cependant, Afi Nguessan semble être allé trop loin.

En effet, mardi dernier, le chef du parti au pouvoir a demandé au Premier ministre Guillaume Soro de « démissionner s’il n’arrivait pas à désarmer les Forces nouvelles » qui tiennent le Nord du pays. De quoi alimenter la crise. La réplique de l’entourage du chef des Forces nouvelles fut cinglante. Meïté Sindou, porte-parole du Premier ministre Soro, a soutenu que « la sécurisation des tâches électorales sur le terrain est dans l’accord cadre. Ces tâches reviennent au commandement des forces intégrées ». Le fait n’est pas nouveau de voir les Ivoiriens se chamailler à propos du sexe des anges. Le moins que l’on puisse dire est que ces tiraillements ramènent toujours en arrière. D’autant que très récemment, au sortir de sa dernière rencontre avec le président Gbagbo, Guillaume Soro avait souligné que tous deux s’étaient engagés à travailler à calmer le jeu dans leurs camps respectifs. Ainsi donc, pendant que les ténors s’investissent à rassurer le monde, les partisans n’en continuent pas moins de s’affronter.

Faut-il prendre au sérieux Afi Nguessan lorsqu’il avance que « la promenade sur la lagune Ebrié est une promenade d’adieu » ? L’ancien chef rebelle a signé des accords avec le président Gbabgo et non le FPI. On a peine à croire qu’Afi Nguessan a fait sa sortie sans se référer à son patron Gbagbo. Ou il parle en son nom, ou c’est un indiscipliné qui mérite d’être sanctionné. Le désaveu existant en politique, cet ancien chef du gouvernement qui compromet l’avancée du processus, mérite de subir le courroux de son chef. A moins qu’il n’y ait connivence entre les deux hommes.

Le président Gbabgo serait-il de mèche avec son chef de parti ? Fidèle à ses habitudes, il garde un silence fort suspect. Lequel permet aux snipers qui campent dans son jardin, de tirer en toute impunité sur l’étendard ivoirien. Pourtant, face aux dérives de ses partisans, le chef de l’Etat ne devrait pas se taire. En cela, il devrait suivre l’exemple de son premier ministre Soro qui n’hésite pas à rabattre le caquet aux indisciplinés de son camp. Mais jamais, on ne voit Gbagbo tancer publiquement ses sbires.

Il est clair que tous ceux qui crient haut et fort, traduisent en fin de compte ce que Gbagbo pense tout bas. A ce propos, le camp présidentiel semble disposer d’un scénario somme toute logique. Chaque fois qu’un semblant d’accalmie prédomine, des thuriféraires se transforment subitement en loups-garous, et attaquent frontalement l’adversaire. Bon complice, le chef de l’Etat respecte un temps d’observation, puis abonde dans leur sens. Ses partisans finissent donc par avoir la peau des autres. Les faits se succèdent au rythme d’un enchaînement bien orchestré. Mais à chaque fois, on porte un coup sérieux au processus. Comme lors des derniers démêlés qui ont conduit à la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI) et du gouvernement. Au grand dam de la communauté internationale qui assiste médusée et tétanisée, face à des va-et-vient sans fondements sérieux.

La Côte d’Ivoire doit évoluer dans les meilleures conditions possibles vers des élections propres, transparentes et équitables. Mais, à l’évidence, Gbagbo ne veut pas de ces élections. Même si par extraordinaire il y a désarmement dans le Nord ou si Soro démissionne, le camp présidentiel trouvera toujours matière à provoquer, à créer un environnement hostile. Une tension inutile, Gbagbo en aura toujours besoin pour aller de report en report. Craindrait-il à ce point d’affronter les deux vieux loups de la politique ivoirienne que sont Konan Bédié et Allassane Dramane Ouattara ?

Cela expliquerait le comportement de certaines élites proches du pouvoir qui ne militent pas en faveur du processus en cours. Sans cesse, on revient en arrière comme du temps où les Mamadou Coulibaly, les Désiré Tagro et autres multipliaient les déclarations de guerre. Outre qu’elles hypothèquent le destin du peuple ivoirien, les sorties hasardeuses de certains individus foulent au pied les efforts déployés pour une sortie de crise honorable. Il est même heureux que Soro parvienne encore à garder toute sa sérénité et à s’acquitter de ses tâches si délicates. Toujours égal à lui-même, l’ancien chef rebelle devrait pouvoir bénéficier d’un minimum de soutien public de la part de Gbagbo. Surtout lorsqu’il devient la cible de ses partisans. C’est peut-être un plaisir pour le camp Gbagbo de chercher continuellement à épuiser ses adversaires. Mais il n’y a pas qu’eux. Les citoyens ivoiriens sont aussi fatigués. Des fausses promesses, des reports incessants de dates, des diatribes sans fin. Et le bout du tunnel semble toujours aussi loin ! Pas si sûr donc que le chef de l’Etat actuel pourra gagner les suffrages de ses compatriotes. Et s’ils ne craignent pas une défaite cuisante, les partisans du président Gbagbo voudraient peut-être éviter de rendre compte au peuple ivoirien de plusieurs années de gestion.

Dans toute l’histoire de l’Afrique, jamais on aura vu de tels agissements anti-républicains face à une élection. Loin de servir d’exemples en démocratie, ils ne peuvent que lasser l’électeur et l’éloigner des urnes. En la matière, la polémique stérile en cours actuellement en Côte d’ivoire, risque encore d’éloigner tout espoir d’une élection à brève échéance. Si la communauté internationale laisse faire.

"Le Pays"

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