LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Renchérissement du prix du pétrole : Vers un désastre socio-économique

Publié le lundi 23 août 2004 à 07h50min

PARTAGER :                          

Au Burkina, faute d’avoir du pétrole, on devrait au moins avoir
des idées. Sinon, certains d’entre nous, notamment ceux de nos
campagnes, risquent de retrourner à l’âge du silex, de la pierre à
feu et systématiquement au feu de bois avec toutes les
conséquences écologiques et environnementales qui vont en
découler.

En effet, les prix des produits pétroliers, à l’exception
du gaz, ont vertigineusement atteint une courbe ascendante
jamais égalée.
Ce renchérissement se ressent plus durement au niveau du
pétrole lampant, cette énergie la plus consommée par les
ménages les plus pauvres de nos contrées les plus reculées.
Plus grave, au rythme où vont les événements (guerre en Irak,
rapacité des compagnies pétrolières internationales qui
échappent à toute législation), aucun indice ne laisse espérer
un retour à la normale si l’on peut s’exprimer ainsi, s’agissant
du pétrole, condensé de tous les enjeux et de toutes les
convoitises géopolitiques, stratégiques, militaires,
diplomatiques et économiques .

On le voit,
actuellement en Irak. Les Etats-Unis et leurs satellites n’ont pas
envahi militairement ce pays uniquement pour se débarrasser
d’un supposé dictateur. S’il en était ainsi, la plupart des pays de
la planète seraient sous occupation militaire américaine.
Aujourd’hui, c’est Washington qui régule la production pétrolière
de l’Irak et en fixe le prix à sa guise. Il en est de même de la
plupart des pays producteurs de pétrole qui en fait, ne sont
maîtres de leur or noir que de nom. Et ceux des dirigeants qui
essaient de résister à cette mainmise des compagnies
pétrolières, faiseurs de rois dans leurs propres pays et ailleurs,
n’ont pour seule alternative que de se soumettre ou se démettre.

L’exemple vénézuélien est éloquemment illustratif des tentatives
de l’Occident de noyer, même dans le sang, toute velléité de
récupération de leurs richesses nationales par les pays
producteurs. Face à une telle impasse qui hypothèque l’avenir
des pays non producteurs comme le Burkina, quelle précaution
prendre ? Il fut un temps où les pouvoirs publics
subventionnaient l’importation du pétrole. L’Etat y ayant
quasiment renoncé (son effort en la matière est aujourd’hui si
minime par rapport à l’immensité du besoin), le consommateur
est à la merci des caprices du marché international dont les
centres de décision se trouvent à Rotterdam, Hambourg,
Marseille etc. et dans les plus grandes places financières
occidentales.

Ces prédateurs apatrides, parce que n’ayant pratiquement
aucune nationalité bien précise, échappent à toute législation
nationale tout en étant de connivence avec les pays riches. Les
pays riches, tout en pillant l’or noir des pays producteurs,
laissent non seulement en jachère leurs propres réserves, mais
également développent la recherche en vue de trouver des
énergies de substitution. En 1973, lors de la crise énergétique
suite à l’embargo pétrolier décrété par les pays arabes
producteurs, les pays africains producteurs et non producteurs
dont le Burkina, avaient dans leur presque totalité, rompu leurs
relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël en raison de sa
politique répressive contre les Palestiniens.

Malheureusement,
contrairement à ce qu’ils espéraient, ce geste de solidarité
politique n’a pas été récompensé en retour à sa juste valeur par
l’application par les pays arabes, de tarifs préférentiels en faveur
des Etats africains non producteurs de pétrole. Il faut dire que
ces Etats avaient péché par naïveté et par idéalisme
tiers-mondiste pour avoir mal négocié cette solidarité.
A telle enseigne qu’à l’euphorie des années 70 a succédé
aujourd’hui celle du désenchantement.

Passée cette période de
romantisme, certains pays africains ont essayé de diversifier
leurs sources d’énergie et de réduire leur dépendance vis-à-vis
du pétrole. C’est le cas par exemple du Maroc dont d’ailleurs
Hassan II saluait tout le bonheur de n’avoir pas de pétrole dans
son sous-sol. Par des efforts de recherche et
d’investissements, l’énergie solaire est presque généralisée au
Maroc.

Elle est certes coûteuse en termes d’investissements mais peu
onéreuse dans sa phase d’exploitation. Par ailleurs, ses
nuisances sont quasi-nulles. Certes, des voix s’élèvent dans les
pays du Nord (encore eux) pour prétendre que l’énergie solaire
détruit le paysage si elle est développée à grande échelle. Il
s’agit de points de vue de spécialistes du Nord qu’il faut écouter
avec prudence quand on sait que ces avis sont toujours
intéressés .

En tous les cas, les avantages du solaire prennent
le pas sur leurs inconvénients. De l’avis de certains spécialistes
désintéressés, il est inépuisable, propre et continu. Il peut
même semble-t-il, alimenter des satellites, chauffer des
maisons, propulser des bus et des trains en pays chaud. Au
Burkina, pour l’instant, les autorités semblent se résigner face
au renchérissement du prix du pétrole, qui peut, à plus ou moins
brève échéance, porter les germes d’une déstabilisation
politique et d’un désastre socio-économique. Car au bout du
compte, c’est notre faible tissu économique déjà ébranlé par la
mauvaise conjoncture nationale qui risque de prendre un coup.

Bien sûr, cette situation semble pour l’instant, ne pas trop
déranger l’Etat qui perçoit des taxes dont les fruits vont renflouer
ses caisses. Mais à long terme, le lait de cette vache sera tari,
faute d’acheteurs de pétrole, quand l’immense majorité des
Burkinabè, plus appauvris que jamais et de guerre lasse, auront
jeté l’éponge face à ce phénomène. Face à cette inéluctable
stratification sociale qui se dessine à l’horizon, notre seul salut
réside dans une sorte de prime à la recherche par
l’encouragement de nos chercheurs en leur donnant des
moyens et en revalorisant leur fonction.

Certes, l’ère de l’Etat-providence est révolue. Mais pas au point
de déposer toutes les armes de notre souveraineté parmi
lesquelles figure au premier plan, celles de notre politique
énergétique sans laquelle toute perspective de développement
s’avère utopique. On le voit aujourd’hui. Même les apôtres
occidentaux de l’ultra-libéralisme sauvage n’hésitent pas à
recourir au devoir régalien de leurs Etats pour mettre un terme à
toute dérive qui risque de porter un coup à l’intérêt général.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)