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Côte d’Ivoire : Le miracle de Lafiabougou aura-t-il lieu ?

Publié le jeudi 1er avril 2010 à 05h25min

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Comme un tonneau des Danaïdes, qu’on ne saurait remplir, car sans fond, les conditions d’une bonne administration de l’élection présidentielle ivoirienne sont difficiles à réunir. L’organisation de ce scrutin ressemble à un véritable travail de Sisyphe, qui traîne depuis 2005 : chaque fois que l’on croit voir le bout du tunnel, il y a un petit grain de sable qui vient enrayer la mécanique de la dynamique électorale ; ainsi, de report en report, de couac en couac, tout semble indiquer que ce n’est pas demain la veille du jour de la tenue de cette présidentielle.

Après le rendez-vous manqué d’octobre dernier, la communauté internationale s’était mise à rêver d’un scrutin avant la fin du premier semestre 2010. Mais c’était faire preuve d’un optimisme béat face à une crise politique qui fait l’affaire de certains protagonistes.

Alors que la CEI (Commission électorale indépendante) était en train de boucler le traitement des données du recensement des électeurs, le scandale du fichier électoral a éclaté ; dans la foulée, le président Laurent Koudou Gbagbo a dissous cette institution ainsi que le gouvernement ; s’en sont suivies des manifestations violentes, qui se sont soldées par des morts d’hommes ainsi que des dégâts matériels et immobiliers très importants. La mise en place d’un nouveau gouvernement ainsi que d’une nouvelle CEI a finalement permis de faire baisser la température sociale.

Un calme qui précède la tempête, en fait. En effet, tant que les bisbilles et les chicaneries n’émanaient que des formations politiques, c’était le moindre mal. Mais depuis que le camp présidentiel a pris pour cible les Forces nouvelles (FN), du Premier ministre Guillaume Soro, toute la donne a changé.

Conséquence : ces derniers temps, plus d’un observateur de la crise ivoirienne a peur de la reprise des hostilités armées entre l’ex-rébellion et les militaires loyalistes. Toute cette situation a entraîné un blocage de fait du processus électoral.

Dans la volonté d’apaiser l’atmosphère politique, une délégation des FN a rencontré le président Gbagbo mardi dernier. Une audience qui vise à relancer le processus de sortie de crise, lequel bute depuis sur la question de l’audit du fichier électoral provisoire et aussi sur celle du préalable désarmement des ex-rebelles aux élections.

Assurément, cette audience n’a pu aplanir les divergences de vues, puisque les deux parties ont convenu de se revoir prochainement. Et preuve que la situation est corsée sur les bords de la lagune Ebrié, le président Gbagbo arrive en principe aujourd’hui à Bobo-Dioulasso, où il doit rencontrer Blaise Compaoré, le médiateur dans la crise ivoirienne.

Nul doute qu’ensemble ils feront le tour de la question ivoirienne, notamment des goulots d’étranglement du processus de sortie de crise ; et, ce n’est pas un fait du hasard si Guillaume Soro aussi était annoncé dans la capitale burkinabè. On remarquera l’absence des autres protagonistes de cette crise, à savoir Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié.

Comme d’habitude, les signataires des Accords de Ouagadougou espèrent trouver auprès du médiateur les solutions à leurs problèmes. Souvenons-nous que c’est la rencontre entre Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré à Bobo-Dioulasso le 24 janvier 2007 qui a véritablement permis l’ouverture des négociations ayant abouti aux Accords de Ouagadougou.

Il faut donc souhaiter que cette autre entre les deux hommes en 2010 dans la ville de Sya au quartier Lafiabougou (ndlr : en langue nationale dioula, Lafiabougou signifie quartier de la paix, quartier du repos, quartier où il fait bon vivre) porte encore chance à la Côte d’Ivoire.

Mais une chose est certaine, même si un compromis était trouvé à Bobo-Dioulasso, il serait illusoire de croire que ce scrutin pourrait avoir lieu avant juin. Visiblement, il faudra une fois de plus viser le mois d’octobre, dans le meilleur des cas.

En effet, il reste encore à vider la phase du contentieux du fichier électoral, à accomplir la distribution des cartes, le désarmement, la campagne électorale et enfin le scrutin. Or, comme on peut le constater, à chaque étape, une des parties est capable de bloquer l’évolution du processus. Et, mine de rien, Laurent Gbagbo aura passé au palais de Cocody le temps de deux mandats au prix d’un.

Si cette présidentielle n’a pas lieu avant fin octobre, il faut craindre que le facilitateur, préoccupé au plan intérieur par sa propre réélection au Burkina (en novembre), soit moins disponible pour les Ivoiriens. Dans ces conditions, il faudra renvoyer carrément à 2011 la tenue de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

Il ne nous reste plus qu’à espérer que les uns et les autres sauront mettre de l’eau dans leur vin, au nom de l’intérêt national. Il est inacceptable que ce pays soit indéfiniment otage de ses propres fils.

L’histoire de nombre de pays de la région a montré suffisamment que quand les négociations piétinent et que la médiation peine à aboutir réellement, il surgit toujours du bois un larron pour mettre tout le monde d’accord…

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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