LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Présidentielle du 21 novembre : A qui profitera la manúuvre du report ?

Publié le lundi 29 mars 2010 à 01h50min

PARTAGER :                          

Considérée à tort comme un scrutin sans enjeu, la présidentielle du 21 novembre 2010 est en passe de devenir un véritable nœud gordien. Tout porte à croire qu’on aura non seulement du mal à mobiliser une masse critique d’électeurs, mais aussi et surtout les potentiels candidats. Certes, il y a déjà longtemps que Me Bénéwendé Sankara de l’Unir/PS s’est mis sur la ligne de départ. Plus récemment, c’était au tour du diaspo belgo-burkinabè, Maxime Kaboré, d’afficher ses ambitions.

Même si les partisans du Blaiso national ne s’embarrassent pas de protocole pour annoncer sa candidature, l’intéressé, lui-même, ne se soucie pas encore de piper un mot sur des intentions que tout le monde sait évidentes. En fait, on imaginerait difficilement que l’enfant terrible de Ziniaré ne soit pas candidat. En revanche, rien ne prouve encore que la présidentielle se tiendra effectivement à la date du 21 novembre. Que se passerait-il si cette compétition venait à être reportée comme l’a, du reste, déjà demandé le très ondoyant maestro Ram Ouédraogo samedi dernier ? A qui profiterait le vide constitutionnel que provoquerait un éventuel report de la présidentielle ? Ce sont là des questions que suscite le bal masqué qui se déroule autour d’un scrutin présidentiel qui n’excite visiblement pas les électeurs.

Du moins, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) vient d’avoir la preuve du peu d’engouement lors de l’opération d’enrôlement qui était supposée s’achever le 21 mars. Les électeurs potentiels se sont tellement peu mobilisés que le gouvernement a décrété, le 19 mars, une prorogation qui court du 6 au 15 avril prochain. Cela suffira-t-il à booster la mobilisation ? Rien n’est moins sûr.

Selon l’esprit et la lettre de l’article 50 du Code électoral, alinéa 2, « Les listes électorales sont permanentes. Avant chaque élection générale, une révision exceptionnelle par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) peut être décidée par décret. L’élection est faite sur la base de la liste révisée ». Or, dans le cas présent, on assiste plutôt à un recensement général du corps électoral. La nouvelle carte d’identité nationale étant devenue la principale pièce d’identification de l’électeur, les anciennes listes électorales se trouvent caduques. Pour exercer son droit de vote aux prochaines élections présidentielle et municipales, il faudrait s’inscrire à nouveau, comme si rien n’était fait auparavant. Curieusement, ce message ne semble pas avoir été suffisamment distillé. Même s’il l’a été finalement au dernier moment, il n’a pas permis de susciter l’engouement qu’il fallait.

Au-delà de ce cafouillage se trouve un autre encore plus important, celui que provoque le chevauchement entre l’opération d’établissement massif de la Carte nationale d’identité burkinabè (Cnib) et celle de la confection de la nouvelle liste électorale. On veut bien croire le Premier ministre Tertius Zongo lorsqu’il proclame : « Nous voulons que chaque Burkinabè ait une pièce d’état civil. Nous voulons des élections apaisées et, pour cela, il nous faut une liste électorale établie à partir de documents infalsifiables comme la CNIB. » Comment peut-on raisonnablement arriver à ce résultat, lorsque son gouvernement ne démarre la campagne d’établissement de 4 millions de CNIB que le 15 mars, soit 6 jours avant la fin du délai d’établissement des listes électorales ? A cette allure, plusieurs électeurs potentiels ne vont-ils pas rester sur le carreau ?

En attendant de voir l’efficacité de cette démarche programmatique, force est de constater que cela a déjà occasionné des dysfonctionnements en milieu rural.
En effet, des équipes mobiles de l’Office national d’identification (ONI) ont été obligées d’emporter les originaux d’actes de naissance pour les besoins de l’établissement de la CNIB.

Conséquence, ces gens n’ont pas pu s’inscrire sur les listes électorales, parce que n’ayant plus de papier. Heureusement que la date limite des inscriptions vient d’être prorogée. Mais là encore, rien ne prouve que ces gens-là auront leurs documents à temps. Surtout quand on sait que la machine de l’ONI n’est pas des plus rapides, encore moins des plus fluides. Il suffit qu’on ait besoin de reprendre une photo pour mordre sur le nouveau délai. A moins que de nouvelles dispositions soient déjà envisagées pour gérer les personnes en âge de voter parmi les 4 millions de bénéficiaires de l’opération commando d’établissement des CNIB. Comme nous l’écrivions déjà la semaine dernière, « la machine électorale est mal partie ».

Les convulsions que l’on constate en ce moment ne sont en réalité que la suite d’un mauvais départ enregistré avec le vrai-faux espoir du projet de vote des Burkinabè de l’étranger. Jusque-là, ni le gouvernement, ni la Ceni n’osent rendre compte publiquement des millions qui ont été dépensés pour la mise en place des démembrements de la commission électorale dans nos ambassades et consulats à travers le monde. Espérons seulement que tout cela n’est pas, une fois encore, de l’argent public jeté par la fenêtre. L’« avancée démocratique » promise par cette ouverture administrative et politique n’aura été qu’une grosse illusion. On veut croire que ce n’est que partie remise.

En attendant, le gouvernement et la Ceni doivent encore convaincre de l’efficacité de l’attelage qui a été mis en place pour l’organisation de la présidentielle du 21 novembre. Le tout n’est pas de lancer un processus. Il faut surtout qu’il aboutisse. Or, en l’état actuel de dysfonctionnements et de faux départs, on a plutôt l’impression d’un ballon d’essai. L’arbre de la machine électorale ne doit pas cacher la forêt des manœuvres politiciennes qui visent la révision de l’article 37 de la Constitution. Car, faut-il le rappeler, si la présidentielle a lieu comme prévue, ce sera la dernière compétition du Blaiso national. Quand on sait que certains courtisans et pas des moindres ne veulent pas qu’il en soit ainsi, mais que leur champion règne ad vitam aeternam, il ne faut pas s’étonner que cette élection ne soit qu’un rendez-vous manqué, au propre comme au figuré.

F. Quophy

Le Journal du Jeudi

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 29 mars 2010 à 17:39, par FGH En réponse à : Présidentielle du 21 novembre : A qui profitera la manúuvre du report ?

    Un vide constitutionnel, vous l’avez dit, ce serait la conséquence de la non tenue de l’élection présidentielle en Novembre 2010. Rien ne peut le justifier à l’heure qu’il est ; pas même la maigreur du corps électoral et la "honte" ou "la peur" de se faire élire par moins de 10% de la population nationale (on l’a déjà essayé en 1991 et ça n’a gêné personne n’est-ce pas ?). Et on espère que notre Conseil Constitutionnel aura assez de couilles pour dire le droit en cas de vélléités de l’Exécutif...
    Quant aux Ram Ouédraogo et autres "refondateurs" (pas ceux virés du CDP), ils espèrent enfin que l’occasion leur sera offerte d’entrer dans un gouvernement d’union nationale ou de large ouverture qu’ils appellement de tous leurs voeux depuis maintenant plus de 2 ans ! Gouvernement dont la mission serait de réaliser la refondation de la Constitution pour accoucher d’une Ve République. N’oubliez pas qu’ils ont appelé haut et fort à saisir au bond l’appel aux réformes poitiques et institutionnelles profondes lancé par Blaise dans son discours du 11 décembre 2009.
    Et dans ce cas, il ne fait pas bon être aligné derrière le Chef de file de l’opposition ou appartenir au CPO !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique