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ATTENTAT DU MEND AU NIGERIA : La rançon des promesses non tenues

Publié le mercredi 17 mars 2010 à 02h43min

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Le Mouvement d’émancipation du Delta du Niger (MEND) ajoute une autre façon de se faire entendre. Aux rapts, sabotages d’oléoducs et attaques contre des installations pétrolières, il faut maintenant inclure les attentats à la voiture piégée. La preuve du recours à cette méthode qui était jusque-là l’apanage des mouvements algérien, irakien, afghan ou pakistanais, a été administrée le 15 mars dernier.

Ce jour-là, le MEND a revendiqué l’explosion de deux voitures piégées dans l’Etat du Warri non loin d’un lieu où devait se tenir une conférence sur l’amnistie accordée aux rebelles de ce mouvement armé du sud du pays. Heureusement, on ne déplore pas de perte en vie humaine. Seulement des blessés causés par les éclats de vitres soufflées. Le bilan aurait été sans doute sanglant si les auteurs des deux attentats n’avaient pas alerté les organisateurs pour qu’ils évacuent les participants parmi lesquels des représentants du MEND. D’où la conviction que le mouvement est lui-même divisé entre modérés, partisans du dialogue, et des radicaux qui prônent la lutte armée en vue d’une satisfaction rapide et totale de leurs revendications. Lesquelles revendications portent essentiellement sur une répartition équitable de la manne pétrolière.

Ce manque de cohésion au sein du MEND risque de compromettre la résolution de ce problème en ce qu’il va falloir compter avec plusieurs interlocuteurs ayant chacun des revendications spécifiques. Déjà qu’avec un interlocuteur, les négociations piétinent, on devine aisément que ce ne serait pas chose aisée avec plusieurs. Mais au-delà de la division au sein du mouvement, cette action du MEND est la manifestation d’une lassitude face à la situation au sommet de l’Etat fédéral nigérian. La longue éclipse de Umaru Musa Yar’Adua du pouvoir plombe le fonctionnement normal du pays tout entier.

Les rebelles du MEND souffrent aussi de cette situation vu qu’un certain nombre d’engagements avaient été pris avec le président avant qu’il ne soit contraint de se mettre en retrait du pouvoir pour des raisons de santé. C’est par exemple l’amnistie accordée aux combattants qui accepteraient de déposer les armes ou encore l’obtention du reversement de 10% des revenus pétroliers à la région du Delta du Niger en compensation de l’exploitation de l’or noir de son sous-sol. Si l’amnistie est effective, il n’est pas évident que la ponction se fasse comme il se doit en raison notamment de l’absence de celui qui avait pris cet engagement. Certes, au nom de la continuité de l’Etat, le vice-président et chef de l’Etat par intérim, Jonathan Ebele Goodluck, devrait bien pouvoir prendre le relais et mettre en œuvre les engagements pris.

Mais, celui-ci ne jouissant pas réellement de la réalité du pouvoir malgré les pleins pouvoirs qui lui ont été accordés, le MEND préférerait avoir en face Yar’Adua plutôt que quelqu’un d’autre. D’ailleurs, Goodluck voudrait bien appliquer les décisions prises par Yar’Adua qu’il ne pourrait vraiment pas. En effet, tous ceux qui sont contre lui ne le laisseront pas récolter les dividendes d’une résolution de ce problème épineux. Au nom de la politique politicienne, ils lui mettront des bâtons dans les roues. Il n’est pas exclu qu’ils soient même derrière cette radicalisation du MEND qui promet non seulement d’autres actions mais aussi de s’en prendre à la compagnie pétrolière française Total qui n’était pas jusque-là dans sa ligne de mire.

Au regard de cette perspective effroyable, Goodluck prendra-t-il à bras-le-corps le dossier du MEND pour éviter des scènes d’horreur identiques à celles qui se produisent régulièrement en Afghanistan ou au Pakistan ? Le mouvement rebelle acceptera-t-il de discuter avec lui ou continuera-t-il de réclamer le grabataire Yar’Adua qui, à ses yeux, est le seul à avoir du crédit ? Mais qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de ces interlocuteurs, l’essentiel est que l’Etat fédéral prenne ses responsabilités face à ce problème que l’on a d’abord voulu régler par les armes et maintenant par des promesses qui malheureusement ne sont jamais tenues. L’Etat fédéral semble oublier que pour les radicaux du MEND, une promesse est une dette qui se réclame à coup de …canon.

Par Séni DABO

Le Pays

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