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Belgique-Burkina : Des relations au beau fixe

Publié le jeudi 19 août 2004 à 08h15min

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A l’issue d’une tournée africaine qui l’a conduit dans plusieurs pays africains, le député Wallon Charles Petitjean est en fin de séjour au Burkina Faso.
A travers cette interview, le parlementaire belge revient sur la coopération entre le Burkina et la Belgique.

Sidwaya (S.) : Monsieur le député, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

C.P. : Je m’appelle Charles Petitjean. Je suis député Wallon. J’ai été conseiller provincial ce qui correspond au conseil général en France, député, sénateur et je suis de nouveau député. Entre temps, j’ai été le maire de ma ville (Luttre) à plusieurs reprises. Avec la fusion des communes, cette ville est devenue Pont-A-Celles. Je m’occupe maintenant des coopérations depuis pratiquement quarante (40) ans.

S. : Quelles étaient les raisons de votre visite au Burkina Faso ?

C.P. : Ma visite au Burkina Faso était tout d’abord de lancer deux actions relativement importantes. La première action est une campagne contre l’excision et contre les maladies sexuellement transmissibles qui sera réalisée par l’Action catholique pour le développement socio-économique (ACDS).

La seconde s’inscrit dans le cadre de la construction d’un centre d’accueil à Baporé (dans le Yatenga) en collaboration avec l’ONG OGSBM. Ce séjour a été aussi une occasion pour moi de revoir des amis de longue date, notamment Mme Régine Zombré, directrice du lycée Charles Lavigérie. Celle-ci a fait ses études en Belgique.

S. : En parlant de coopération, quelles sont les actions que vous avez menées en faveur des populations au Burkina ?

C.P. : Au Burkina Faso, nous avons eu beaucoup d’actions qu’il m’est un peu difficile de les énumérer. Mais entre autres, la toute première est la construction du centre d’alphabétisation de l’entraide culturelle burkinabè vers la fin des années 60. Ensuite, nous avons ouvert le poste de santé et le centre technique de Kossodo.

A l’époque, nous entretenions une coopération avec la mairie de Ouagadougou dont le maire était Didier Kiendrébéogo. Cette coopération a permis la réalisation d’écoles, de postes de santé, de barrages et de puits dans les villages. Maintenant, je me préoccupe plus à chercher des bailleurs de fonds pour développer des projets dans des villages qui sont déshérités par rapport au développement. Dans ce domaine, il y a donc un gros travail à faire.

S. : Vous êtes un habitué du Burkina. Pendant votre mandat de maire, vous avez reçu la visite du président Sangoulé Lamizana. Que retenez-vous de cette visite dans votre ville ?

C.P. : C’était en 1973. Le président Lamizana est venu en Belgique dans le cadre de la coopération. Lors de son séjour, il devait visiter une ville flamande et une ville wallonne. Pour la région wallonne, il a choisi ma ville Luttre. Cette visite était pour moi, une reconnaissance en ce sens que lors de la grande sécheresse du Sahel en Haute-Volta, la coopération belge a donné des vivres aux populations.

S. : Vos priorités sont la construction de centre d’alphabétisation. Qu’est-ce qui a guidé votre choix dans ce domaine ?

C.P. : Je pense que comme l’a dit Senghor "sans culture, il n’y a pas de développement". Surtout pour les femmes, il faut veiller à ce qu’elles aient une alphabétisation, qu’elles soient plus présentes non seulement pour faire de l’éducation fonctionnelle devant leur permettre de mieux gérer leur vie quotidienne. Il faut aussi faire en sorte que les femmes soient plus autonomes et qu’elles puissent avoir une vision plus moderne de la vie en bannissant l’excision et tous les problèmes qui peuvent en découler, leur permettre de se protéger des maladies comme le Sida.

S. : Quelle relation entretenez-vous avec les parlementaires burkinabè ?

C.P. : J’ai de bonnes relations avec des députés du Burkina Faso. J’ai connu des députés comme le Dim-bila de Téma qui était le doyen du parlement. J’ai connu aussi Fatimata Bougouma qui est actuellement au projet Karité. En dehors de ceux-ci, je connais bien d’autres personnalités de la scène politique du Burkina comme Youssouf Ouédraogo, l’actuel ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.

S. : La lutte contre la pauvreté est à l’ordre du jour dans les pays africains. Que pensez-vous de la dette africaine ?

C.P. : La dette africaine se mange elle-même avec les taux d’intérêt qui sont là. A la longue, il faut nécessairement qu’on annule cette dette des Etats africains pour éviter l’aboutissement à des cessations de paiement et aussi à des sanctions prises par des experts. Ces experts n’ont pas la réalité du terrain et ils ne se rendent pas compte de ce que leur décision peut faire comme dégât au niveau des pays africains.

S. : En tant que parlementaire, quelles sont les actions concrètes que vous menez à votre niveau pour l’annulation de la dette du Burkina Faso ?

C.P. : Il y a des réunions qui s’organisent à cet effet. Au niveau de la société civile, il y a des hommes qui sont favorables à l’annulation de cette dette et c’est un combat permanent. Au lendemain des élections, lors de la réunion du parlement wallon, nous avons attiré l’attention sur la nécessité que la région wallonne consacre 0,7% de son PNB aux pays d’Afrique particulièrement aux pays d’Afrique francophone.

L’Union européenne vient de décider de l’installation du nouveau commissaire qui aura pour tâches de s’occuper des affaires africaines. L’une de ses tâches sera de veiller à ce que l’Europe apporte des contributions substantielles pour éradiquer la dette africaine. Cette éradication permettra aux pays africains de consacrer l’essentiel de leurs ressources au développement.

S. : Le Burkina Faso abritera bientôt le 10e Sommet de la Francophonie. Pensez-vous que cette institution peut aider à résoudre le problème de développement ?

C.P. : Je pense que les pays d’Afrique francophone ont tout intérêt à fortifier l’apprentissage de la langue française. Cette langue doit être la possibilité des Etats, des personnes à communiquer, à dialoguer. Disons que la langue française est un facteur déterminant de pacification. Il faudra veiller à ce que cette pacification intervienne dans toute l’Afrique. Par exemple, depuis l’imposition du français dans toute la France par Napoléon, il n’y a plus eu d’affrontements entre ses différents peuples. Si aussi en Belgique, on parlait une seule langue, il était claire que le pays n’allait pas connaître des difficultés qu’il y a entre la Wallonie et la Flamande. Si la même langue est parlée, il y a là un enrichissement dont il faut tirer un maximum de bénéfices pour bâtir une paix durable.

S. : La Francophonie est passée de l’aspect coopération des cultures à celui de la politique. Quelle changement les Africains peuvent-ils attendre de cette nouvelle donne ?

C.P. : A mon avis, la Francophonie veut créer une nouvelle dynamique économique à partir du moment où la richesse est là. Elle (francophonie) veut répartir cette richesse sur un maximum de têtes faisant en sorte qu’il y ait un mieux être général.

S. : Dans le cadre des jumelages, existe-t-il de partenariat entre les villes wallonnes et des villages du Burkina Faso ?

C.P. : Il y a déjà des jumelages qui se sont opérés, notamment Ouagadougou qui est jumelé à Lœuse. Il y a d’autres jumelages qui sont en préparation. Pour le moment, l’Union des villes et communes belges tente d’inciter les villes et communes à avoir des jumelages avec des localités du Burkina Faso et aussi les autres pays d’Afrique. Cela pourra constituer une base pour de meilleurs résultats dans le cadre de la coopération.

S. : Quelles actions concrètes aviez-vous mené pour mieux faire connaître le Burkina par la Belgique quand vous étiez à la tête de la mairie de Pont-A-Celles ?

C.P. : Quand j’étais maire, j’ai veillé précisément à ce qu’il y ait énormément d’échanges avec l’Afrique en général. En plus de cela, la maison des jeunes de Luttre a mené beaucoup d’actions de bienfaisance en faveur du Burkina.

S. : Vous qui êtes sur le terrain au Burkina Faso depuis des années, avez-vous remarqué une évolution des conditions de vie des populations ?

C.P. : Avant mon arrivée, j’ai quand même pris connaissance du dernier rapport des Nations-unies sur le développement humain. Il est évident que cela interpelle chacun de nous. Vu le rang occupé par le Burkina et vu le développement de certaines de ces villes, nous voyons que la situation est différente. Il reste beaucoup de choses à faire. Il y a bien de l’évolution que ce soit au niveau des infrastructures de base, mais il y a toujours une différence dans la scolarisation, notamment entre les filles et les garçons.

Le Burkina Faso n’a pas de ressources naturelles à exploiter, c’est un pays enclavé donc un pays qui est appelé à se battre pour gagner sa place dans le concert des nations.

S. : N’êtes-vous pas frustré de constater cet état des faits ?

C.P. : Dans la vie, il n’y a pas de miracle. Le miracle c’est quand les hommes et les femmes se mobilisent pour donner un peu d’eux-mêmes tous les jours et finalement arrivent à sortir leur pays du sous-développement. Par exemple, en voyant le rang de la Belgique (6e), on peut être fier mais la réalité est différente. Dans la région Charleroi, il y a environ 25% de sans emplois. Donc la situation n’est pas aussi rose qu’on le croit. Mais au Burkina, la solidarité permet de masquer la pauvreté. En Europe par contre, la situation est différente à cause de l’égoïsme des hommes.

Actuellement, les pays que nous soutenons sont : la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, le Liban, le Mali, le Congo (RDC). Nous avons l’espoir de repartir au Burundi et au Rwanda lorsque le calme reviendra.

S. : Un mot sur la démocratie au Burkina Faso ?

C.P. : La nouvelle configuration de l’Assemblée nationale est une preuve que la démocratie s’installe dans ce pays. Il n’y a pas d’inquiétudes à cet effet car le Burkina a compris que la voie est là pour mieux se développer. La seule réserve que j’ai, c’est sur la multiplication des partis politiques. Il est grand temps que les partis politiques soient mieux structurés, mieux organisés. Ils doivent avoir un programme pour que les gens puissent choisir librement.

S. : Quelle appréciation faites-vous de la situation que le Burkina vie avec la Côte d’Ivoire ?

C.P. : C’est une situation qui est défavorable au Burkina Faso quand on sait que la Côte d’Ivoire est l’une des voies d’accès à la mer et où réside une forte colonie burkinabè depuis des années. Il est trop facile, pour moi, d’accuser les Burkinabè d’être à l’origine de la dégradation de la situation. C’est une forme de racisme qu’on ne peut pas concevoir. Il faut que la situation se règle de manière démocratique.

Interview réalisée par :

- Stanislas BADO (bado_stanislas@yahoo.fr)

- Minata COULIBALY

- Marguerite Marie BLEGNA
(Stagiaires)

Sidwaya

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