LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

M. Fabrice Sprimont de la Wallonie-Bruxelles : « Burkinabè et Belges pèchent souvent par humilité »

Publié le mercredi 18 août 2004 à 08h01min

PARTAGER :                          

Fabrice Sprimont

Après quatre années passées à l’ex-faculté des Langues, Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (FLASHS) de l’Université de Ouagadougou, comme enseignant, il est devenu depuis 1999 le coordonnateur de l’Association pour la Promotion de l’Education et de la Formation à l’Etranger (APEFE) au sein du Bureau Wallonie-Bruxelles, représentation officielle au Burkina Faso des gouvernements de la Communauté française de Belgique et de la Wallonne. En fin de mission chez nous et avant de rejoindre la RDC pour son nouveau poste, monsieur Fabrice Sprimont nous a reçu le jeudi 12 août 2004.

Après tant d’années passées au Burkina Faso, quels souvenirs gardez-vous de ce pays et de ses hommes ?

J’ai trouvé un peuple accueillant et chaleureux. Bien souvent, j’ai naturellement comparé le peuple burkinabè à celui de ma région : la Wallonie. Tout comme chez vous, au Burkina Faso, les Belges sont des gens simples et humbles qui adoptent un profil bas tant sur le plan national qu’international.

Grâce à mes différentes sorties pour échanger avec les populations du Burkina Faso, j’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes toujours aussi compétentes que sobres dans leurs activités. C’est d’abord une grande qualité et une sorte d’ouverture à l’autre. Toutefois, je reproche aux Burkinabè ce que je reproche à mes compatriotes, à savoir une habitude à pécher par humilité, une sorte de modestie mal placée au regard des compétences techniques avérées. J’étais récemment à Djibouti où j’ai trouvé des populations très envieuses de ce qui se passe en Afrique de l’Ouest et plus précisément au Burkina Faso pour toutes les dynamiques initiées tant par les pouvoirs publics que par la société civile.

C’est étonnant car, nous avons a priori en République de Djibouti des ressources naturelles en quantité et une position géographique (Golfe d’Aden, entrée de la mer Rouge) qui en fait un endroit stratégique courtisé par les grandes puissances. Comme le disait récemment Aminata TRAORE sur TV5, il est important de ne pas se laisser déposséder de l’initiative ! Je pense donc sincèrement que le Burkina Faso et ses hommes, mais aussi et surtout ses femmes, ont fermement décidé, à tous les niveaux de ne pas s’en laisser déposséder. Une de mes expériences les plus riches reste incontestablement l’organisation du festival « Burkina Ya Laafi » en 1999 pour les centres culturels de la Communauté française de Belgique.

Ce fut l’occasion pour nos concitoyens de côtoyer pendant deux mois quelque deux cents Burkinabè, farouches représentants d’une diversité culturelle exemplaire. Pour terminer ce chapitre de mes souvenirs, je ne peux oublier de dire que je me suis marié en 1999 avec une Burkinabè et que nous avons deux enfants de six et quatre ans. Pour ma femme, c’est dès lors un peu spécial de quitter sa terre natale pour aller habiter à Kinshasa.

Quels sont les principaux domaines d’intervention de votre coopération, et à quand remontent vos relations avec le Burkina ?

Ce sont tout d’abord, tradition d’échanges et de solidarité entre nos peuples, les matières de la culture, de l’éducation et de l’audiovisuel. Je peux prendre comme exemple le Programme de formation aux métiers de l’Image et du Son (PROFIS) qui deviendra en septembre prochain l’Institut régional d el’Image et du Son (IRIS). Par ailleurs, toute une série d’artistes et de jeunes se rendent chaque année en Communauté française de Belgique afin de consacrer cette dynamique d’échanges à même de partager les expertises et les expériences. Mais en matière de coopération technique, nous travaillons avec les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture. Pour ne citer que deux exemples, parlons de notre soutien à la filière gomme arabique, en collaboration avec le CNRST, et de la récente inauguration du laboratoire national d’analyses des eaux, en collaboration avec le CREPA.

La République démocratique du Congo (RDC), à tort ou à raison, est considérée comme une « chasse gardée » de la Belgique. Qu’en pensez-vous ?

La Belgique a non seulement une responsabilité historique à l’égard de ce pays mais notre peuple entretient un réseau très profond d’amitiés et de fraternités avec le peuple congolais. Je prendrai pour exemple, l’élection récente, pour chaque province de la Belgique fédérale de représentants de la diaspora congolaise auprès de nos autorités politiques et administratives. Expérience assez novatrice en Europe d’une représentation officielle de la diaspora d’un pays ! Ce sont donc là des manifestations cohérentes de l’amitié entre des peuples et cela est pour nous également une réelle stratégie de lutte contre la montée de l’extrême-droite.

Du reste, alors que de nombreux Belges d’origine étrangère occupent des sièges dans les hémicycles, une Belge d’origine congolaise a été nommée Secrétaire d’Etat suite aux dernières élections de juin 2004. Tout cela pour dire qu’au-delà de la coopération technique et de la « chasse gardée », il existe une tradition réelle de développement soutenu entre les deux pays. Nous avons avec la RDC des relations politiques privilégiées certes mais le plus important, c’est de se sentir proches les uns des autres et impliqués au même titre dans la vie citoyenne de l’autre.

Vous savez qu’à Bruxelles, il y a un quartier qui porte le nom du quartier le plus populaire de Kinshasa : « MATONGUE ». Son maquis le plus célèbre s’y appelle d’ailleurs le « vis-à-vis »… Et comme à Kinshasa, le Matongué bruxellois reste un quartier très animé, lieu privilégié des Africains de Bruxelles. Récemment, j’y ai un peu « maquisé » avec Seydou ZONGO, dit Zedess, et Abdoulaye DAO, en l’occurrence réalisateur de la série « Vis-à-Vis » !

Se rendre dans un pays en proie à une guerre civile n’est pas chose facile. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

Je pense que la RDC n’est plus dans un processus de guerre civile. A Kinshasa, la guerre est terminée et l’on est, comme je le disais plus haut, dans un processus de reconstruction. Ce nouveau poste est, pour moi, une marque de confiance de ma hiérarchie et nous devrions pouvoir y travailler dans de bonnes conditions.

Ceci dit, c’est vrai que la presse, et particulièrement la presse belge à l’égard de la situation en RDC, a l’habitude d’amplifier la situation que vivent certains pays. Je reconnais qu’elle le fait parfois malgré elle et que cette amplification a souvent eu le mérite de sauver des populations ou de maintenir l’attention de la communauté internationale sur des tragédies. Quand j’annonce que je pars à Kinshasa, mes interlocuteurs me regardent bien souvent avec une consternation et m’encourage sympathiquement… cela veut dire, que l’image qui transparaît de ce pays est globalement négative. Mais en ce qui concerne la RDC donc, comme en ce qui concerne le continent africain en général, il est l’heure de montrer aussi des initiatives heureuses !

L’on vous a beaucoup vu impliqué dans l’organisation du dixième sommet de la Francophonie par le Burkina. En quoi consiste votre appui à la réussite de ce rendez-vous de la grande famille francophone ?

Le plus important pour la Communauté française de Belgique est d’être aux côtés du gouvernement burkinabè pour l’organisation d’une telle manifestation. Ainsi, nous prenons en charge diverses activités qui touchent plus spécifiquement au domaine de la culture. Actuellement, par exemple, nous avons une équipe qui parcourt les provinces du Burkina en vue de réaliser une exposition de photographies des chefs traditionnels.

Cette exposition, qui s’intitulera « Mémoires d’Afrique » sera montrée au Village de la Francophonie (site du SIAO), magnifiera l’importance qu’a revêtu le pouvoir traditionnel dans le passé et s’attardera à souligner le rôle qu’il a à jouer dans le présent autant que dans le futur. Nous devrions également, lors de ce Sommet inaugurer une Maison de TV5 à Ouahigouya en collaboration avec les autorités communales.

Le débat sur l’opportunité pour un pays comme le Burkina d’organiser de si grandes rencontres tel ce sommet fait des vagues. Quel jugement en avez-vous ?

Comme disait Sénèque, il faut apprendre à dissocier les choses du bruit qu’elles font ! Jetez un regard sur toutes les infrastructures et sur tout l’effort national que génère cette rencontre et vous ferez que cela restera la richesse du Burkina après le sommet. Prenez l’actualité et l’organisation des Jeux olympiques en Grèce. La pauvreté existe fortement en Grèce et l’on peut se demander si la construction de tous ces stades a vraiment sa raison d’être ! Mais l’essentiel, c’est ce qui restera, ce sont les retombées en terme de capacités d’organisation et en terme de renforcement des ressources humaines. Les maçons de Ouaga 2000 ne sont pas Vietnamiens ou Roumains, ils sont Burkinabè ! Voyez enfin comment le Burkina Faso est à la une de l’actualité en francophonie.

Il ne faut pas se focaliser sur les coûts. C’est comme, pour prendre un autre exemple, la Belgique qui héberge le siège de la Commission européenne. Cela coûte cher au pays et à la ville de Bruxelles mais quelles ne sont pas les retombées en matière de commerce, de relations extérieures et de cosmopolitisme. J’imagine déjà comment l’on parlera du Burkina pendant ces quelques jours du Sommet de la Francophonie. Il y aura un élan particulier de tous les pays pour le Burkina. Cela n’est pas chiffrable et de toute façon, cela n’a pas de prix !

Propos recueillis par

Philippe BAMA
L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique