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Eugène Diomandé, président du Séwé Sport : « La FIF n’est pas une obsession pour moi »

Publié le vendredi 26 février 2010 à 01h54min

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Il préside l’un des clubs les plus nantis de la Lagune Ebrié, le Séwé Sport de San Pedro. Il est le président du conseil d’administration de la société de téléphonie mobile Commium KOZ. Il s’appelle Eugène Diomandé. D’autres l’ont surnommé le Magicien, puisqu’il a plus d’un tour dans son sac, pardon dans sa mallette. Il ne passe pas inaperçu car, Ivoirien bon teint, bon œil, il nourrit d’énormes ambitions pour son club mais aussi pour les Eléphants de Côte d’Ivoire. Lors de notre séjour à Abidjan dans le cadre des préliminaires de la coupe CAF, entre sa formation et l’USFA le dimanche 14 février dernier, nous avons décroché un entretien avec celui-là même qui passe pour être le futur président de la Fédération ivoirienne de football. Dans cette interview, il parle du Séwé, de sa passion pour le football, de la succession à la tête de la Fédération ivoirienne de football…

Depuis quand dirigez-vous le Séwé Sport de San Pedro ?

Je suis à la tête du Séwé Sport depuis novembre 2003. Il faut dire que j’ai effectué un séjour de 5 ans en Europe où j’ai travaillé avec des partenaires italiens dans l’agroalimentaire et ceux-ci dirigeaient un club de la série B (Salermtana). J’étais administrateur dans ce club de D2 et j’y ai appris les rudiments de la gestion d’une équipe de football. Quand je suis revenu au pays, j’ai voulu offrir mes services à une formation en dehors d’Abidjan et il m’a semblé que l’équipe de San Pedro présentait un profil intéressant, dans la mesure où c’est une ville côtière à l’extrême est qui pouvait constituer un pôle de développement du football qui pouvait contrebalancer l’hégémonie du sport-roi à Abidjan. Voilà.

On dit de vous un président qui choie ses joueurs et entraîneurs ; pourquoi tant d’humanisme dans un milieu où le business est le maître-mot ?

Vous savez, le football est ma passion. J’ai même joué en cadets au Stade d’Abidjan puis en juniors à l’ASEC et quelques matches en seniors. Mais j’avais mes études et quelques problèmes d’ordre athlétique alors que le foot en Afrique est très physique. Peut-être que si j’étais en Europe, j’aurais pu faire carrière avec les qualités que j’avais. Mais là en Afrique, c’était un peu difficile avec les exigences professionnelles et sociales. N’oubliez pas qu’à notre époque le football n’était pas bien rémunéré. Pour tout dire, je suis moi-même un footballeur refoulé.

Donc à partir de là, j’ai beaucoup d’affection pour tous ceux qui jouent au football ; Ivoiriens, Burkinabè… et je me reconnais en chacun d’eux. Je prends le foot comme un microcosme de la vie sociale, c’est un brassage et il permet à l’homme d’avoir un miroir, de regarder l’autre et se reconnaître en lui. Donc c’est l’humanisme, la fraternité. Le peu que j’ai, j’amène une partie dans le football. Je pense aussi que si on s’intéressait à cette activité socio-sportive, qui génère des petits emplois pour certains, on serait loin des débats politiques qui n’ont pas le même caractère, la même pureté, la même fraternité.

Quel est le budget annuel du Séwé Sport ?

Il est quand même relativement important, pour un club de la sous-région. J’ai peur de vous le dire au risque d’entendre que ce n’est pas à la hauteur du montant investi. Bref, nous tournons autour de 300 millions de francs. Un peu moins que l’an passé où on était à 393 millions. Nous n’avons pratiquement pas de sponsor. Mais j’arrive à forcer la main de mon entreprise (société de téléphonie mobile KOZ) pour donner un peu de moyens au club. Ma société finance à hauteur de 90 millions et le reste provient de la poche des dirigeants.

En misant une telle somme, vous devriez être exigeants en termes de résultats, d’où les multiples changements d’entraîneurs… C’est vrai que pour obtenir des résultats, il faut de la stabilité au niveau de l’encadrement et de l’effectif. Mais malheureusement en Côte d’Ivoire, nous avons été confrontés à certains paramètres comme la mentalité ; aussi bien au niveau des joueurs que des encadreurs, qui n’est pas bonne. Je ne suis pas sûr qu’au Burkina, on puisse rencontrer autant de turbulences dans l’effectif.

Le problème en football, ce n’est pas tant la quantité d’argent que vous donnez. Mais c’est de voir ce que cela représente pour la personne qui vous la donne. Vous savez, payer dans nos pays africains 150 000 F, 800 000 F de salaire à quelqu’un, c’est beaucoup. Malheureusement la plupart des joueurs ivoiriens n’en sont pas conscients. Et à partir du moment où vous leur donnez ce traitement et que vous vous efforcez d’être correct avec eux, ils adoptent des attitudes de rentiers, de fonctionnaires et ne fournissent plus d’effort. Nous avons ainsi été abusés par de nombreux athlètes.

Je suis sûr que même au Burkina, certains dirigeants ont été déçus par la mentalité des joueurs ivoiriens. Ils sont certes doués mais font preuve de paresse. Nous avons eu à subir ces comportements de roublardise. Ce qui fait que désormais, quel que soit le talent d’un athlète, s’il est pourri dans l’esprit, nous ne le gardons pas. Et quand vous avez des entraîneurs qui sont complices de certains joueurs, c’est encore plus décevant. Nous changeons donc pour essayer d’arriver à la vérité.

Il y a Hermann Ouédraogo, un Burkinabè qui a fait un passage éclair au Séwé. Pourtant il croyait redonner une ascension à sa carrière dans votre club.

Le problème d’Hermann est un peu délicat. C’est certes un athlète qui a de la qualité. Nous l’avions recruté en tant que buteur. Cependant, nous n’avons pas été pleinement satisfaits à ce niveau. C’est un joueur sensible et il était l’un des joueurs les mieux traités ; donc une vedette. Et devant le fait qu’il ne marquait pas beaucoup de buts, il s’est recroquevillé sur lui-même et s’en est pris à beaucoup de ses coéquipiers. Si fait qu’il engueulait toujours ses camarades et quand son entraîneur (NDLR Didier Otokoré) le remplaçait, il manifestait son mécontentement.

Donc il était devenu un joueur difficile à gérer au plan humain. C’est dommage car nous pensons que le garçon avait des qualités mais nous pensons qu’il est arrivé chez nous avec une blessure. Il y a eu par la suite une sorte de rejet de ses partenaires qui le trouvaient très coléreux. Lui, en voulant bien faire, a fini par mettre tout le monde sur son dos. Donc nous l’avons remis et sans condition à son ancien club, l’USO.

Vous êtes surnommé dans le milieu sportif le Magicien. Vous faites de la magie ?

Je ne sais pas si c’est un surnom qui a d’autres tranchants, parce que ça peut donner lieu à une connotation ambivalente. C’est sûrement parce que je rebondis et je pose des actes auxquels les gens ne s’attendent pas trop souvent. C’est le caractère imprévisible qui fait qu’on parle de magie. Et puis c’est quand je suis acculé que je rebondis. Je me rappelle l’an passé, nous étions mal partis en championnat et nous avons gagné au finish nos 8 derniers matches pour décrocher une place africaine. C’est pourquoi les gens parlent de magie, sinon ce n’est pas de la prestidigitation. C’est ma faculté de pouvoir relever les défis les plus insensés.

Depuis la CAN ratée des Eléphants, beaucoup réclament le départ du sélectionneur Walid Halilodzich ; êtes-vous de cet avis ?

Ecoutez, moi, je ne réclame pas. Je pense que son départ s’impose comme une évidence. En 2 ans d’activités, il n’a donné aucune identité tactique et collective au Eléphants. Vous avez suivi la prestation de la Côte d’Ivoire aussi bien en éliminatoires qu’à la CAN. Est-ce que vous avez été convaincus de la prestation des Eléphants au vu de la qualité annoncée des joueurs ? En tout cas, moi, je n’ai pas été convaincu. Je pense qu’une équipe doit avoir un minimum d’idée directrice au plan tactique, collectif, et il faut une rigueur au niveau de la gestion du groupe. Tout cela n’existait pas et n’existe toujours pas chez les Eléphants.

Vous savez, le clientélisme, le laxisme et le favoritisme sont les choses les mieux partagées ici. Bien avant la coupe d’Afrique, j’avais attiré l’attention des gens sur les problèmes de l’équipe. L’équipe a évolué avec sa réputation et non sa valeur. Donc, aujourd’hui, dire qu’il reste quelque temps pour aller à la coupe du monde et qu’il faille garder Walid Halilodzich, c’est du n’importe quoi. C’est une fuite en avant. Il vaut mieux essayer autre chose, plutôt que de se contenter du vide, du néant.

La Côte d’Ivoire est l’une des équipes espoirs de l’Afrique. Alors, vous ne pouvez pas avoir cette responsabilité historique et vous amuser à faire de l’à-peu-près. Donc autant rester à la maison et signer forfait. Pour moi donc, le coach doit partir car il n’est pas compétent, il n’a pas le caractère nécessaire pour dénoncer les légèretés qu’il a dans son équipe. Mais en dehors de lui, il faut absolument trouver un nouvel encadrement administratif pour permettre aux joueurs d’être conscients de leur mission et pour qu’on puisse veiller au rendement des joueurs.

Parlant d’encadrement administratif des Eléphants, on vous voit comme le potentiel successeur du président de la Fédération ivoirienne de football, Jacques Anouma. Est-ce que vos ambitions vont dans ce sens-là ?

J’ai toujours dit que je n’ai pas peur de prendre mes responsabilités. Je n’ai pas d’ambitions particulières et ce n’est pas une obsession pour moi d’être le président de la FIF. C’est vrai que certaines personnes pensent que je fais campagne. Ce n’est pas juste. En fait, j’ai toujours dit ce que je pense. Et je suis en train de démontrer les choses avec une équipe qui n’a pas de palmarès.

Si je suis appelé par les clubs ou par les autorités à pouvoir aider pour l’encadrement de l’équipe nationale, je ne le refuserais pas. Et je ne pense pas pouvoir faire plus mal que ceux qui sont aux affaires actuellement. En toute honnêteté, il n’y a pas à avoir peur. Avec le potentiel des Ivoiriens et les moyens dont peu de sélections disposent, il est certain que je ferai mieux. En tout cas, je répondrai présent en cas d’appel. Et j’amènerai les Eléphants à respecter le standing qu’on leur accorde.

Et vos ambitions au niveau du Séwé ?

Il faut qu’on essaie d’être champion. Je circonscris l’ambition aux deux premières places, pour pouvoir jouer la Champion’s league. C’est vrai qu’il y a de la concurrence, mais les deux clubs de la capitale ne sont pas forcément supérieurs à nous. Au plan africain, nous comptons jouer la phase de poules de la coupe CAF, n’en déplaise à l’USFA (le Séwé joue ce samedi contre l’USFA en match retour des préliminaires de la coupe CAF). Nous allons essayer de désarmer nos amis burkinabè ou faire en sorte qu’il n’y ait que des balles à blanc. Donc, je veux donner au football à la base la place qui est la sienne. Si vous voyez les équipes qui ont brillé pendant la CAN 2010 (Egypte, Ghana, Zambie), ce sont les locaux. Je veux surtout qu’on arrête de voir les joueurs professionnels comme des hirondelles qui font le printemps du football africain .

L’Observateur Paalga

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