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Reza : l’homme qui veut humaniser le monde par la photographie

Publié le lundi 15 février 2010 à 18h37min

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Reza

Né en 1952 à Tabriz en Iran et basé à Paris, Reza témoigne depuis plus de 30 ans des blessures et de joies de ceux qu’il croise sur sa route. Attentif aux évènements qui agitent le monde et à leurs victimes, Reza cherche à montrer ce qu’on ne voit pas. Ses photographies engagées sont largement diffusées dans la presse internationale et surtout dans le National Geographic Magazine pour lequel il travaille depuis 1991. Il a séjourné à Ouagadougou pendant quelques jours au cours de ce mois de février.

Reza n’a pas attendu l’âge de la majorité avant de se lancer dans la photographie professionnelle. Il l’a commencé dès l’âge de 16 ans. Il a commencé par filmer et afficher ses photographies nuitamment dans son Iran natal de cette époque. Et chaque fois, dès le lendemain, les forces de l‘ordre arrachaient les images de cet artiste engagé et partaient à sa chasse. A 22 ans, il est arrêté par la sécurité iranienne et jeté dans les geôles où il subira toutes sortes d’atrocités. Les pieds tendus et ligotés, le visage voilé avec un seau pour que ses cris résonnent plus fort, que des sévices pour ce chasseur d’image. Il y passe six mois. Mais ce calvaire est loin de le décourager. Libéré, il est plus déterminé que jamais.

Afghanistan, Iran, Iraq, Rwanda ; Reza a couvert quasiment toutes les grandes guerres et les grandes catastrophes qui ont marqué son époque. Il a parcouru tous les continents à la recherche d’images rares. A l’aide son appareil photo autour du cou, il a passé sa vie à faire la guerre à la guerre. Il prend toutes sortes de risques. Du Maghreb à l’Asie, de l’Afrique aux Balkans, Reza capte les regards, la lumière et la mémoire des pays. Cette légende vivante a visité plus de 100 pays et écrit 11 livres.

Il définit la photographie comme l’alphabet universel car tous les peuples peuvent décoder les images. En plus il parle couramment neuf langues, ce qui lui facilite ses mouvements. Changement d’identité, déguisement, ce combattant de la guerre a vaincu la peur de la mort avec ce qu’il a vécu en prison de son pays. « On ne meurt qu’une fois, je n’ai donc pas peur de mourir », avoue-t-il. Mais sa famille le comprend et le soutient dans ce choix. Il a été primé à plusieurs reprises pour ses actions dans l’humanitaire.

Avec la révolution iranienne de 1979, il est obligé de s’exiler. Reza ne retournera peut-être plus jamais dans son Iran natal car il est persona non grata chez lui mais presque vénéré en Afghanistan, le pays de Massoud dont il est l’un des rares journalistes à l’avoir rencontré. Massoud, c’est son idole. C’est lui qui a filmé les derniers instants de ce combattant de la guerre, tout comme les derniers jours de Sadam Hussein et bien d’autres icones du monde. Ce chasseur d’image se donne tous les moyens et prend tous les risques.

En 2003 lors de la guerre d’Iraq, il décide d’aller au front avec une fausse identité. Il échappe de peu à la mort mais est grièvement blessé par un obus. Il est évacué en France pour y subir des soins. Cet obsédé de l’image va très vite repartir sur les fronts de bataille. Il s’est intéressé à l’Afghanistan bien avant, cherchant à attirer l’attention de la communauté internationale sans y arriver. Lorsqu’elle s’y intéresse enfin après le 11 septembre 2001, Reza qui bénéficie d’une grande confiance dans ce pays sera sollicité pour diriger la mission humanitaire des Nations Unies. Mais auparavant, il exige une condition : ne pas être freiné dans ses actions par la lenteur de la bureaucratie onusienne ; c’est tout de suite accepté. Il met alors sa carrière de photographe entre parenthèses pour se consacrer à l’humanitaire. Il s’y consacre pendant un bon bout de temps mais l’objectif de sa caméra le rattrape.

Un journal américain, le National Geographic Magazine lui propose un. Après quelques hésitations, il quitte les nations unies pour repartir sur le champ de combat. Sa première photo en Afrique : un enfant paralysé des pieds, battu par son maître. L’image fait le tour du monde. Le choc est indescriptible. Objectif atteint pour Reza. Une image vaut mille mots, dit-on mais « celle de Reza en vaut dix milles mots », déclare un de ses inconditionnels admirateurs.

Reza ne veut pas seulement filmer des atrocités. Après sa première visite au pays des hommes intègres, l’infatigable photographe envisage revenir mais cette fois pour faire son métier. Il envisage faire une exposition de ses chefs d’œuvre au Burkina à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance. Déjà, il pense à présenter 50 clichés du monde.

Mieux, il souhaite initier une structure de formation pour photographes au Burkina. Il justifie son choix du Burkina par le calme qui y règne. Pour celui qui braque l’objectif de son arme sur tout, ce pays peut porter le flambeau de l’Afrique. Et Reza veut se faire le porte-drapeau de la culture africaine. Ouagadougou semble être le chemin le mieux indiqué pour changer les mentalités occidentales qui ne voient que des images négatives de ce continent.

A l’endroit de ses confrères du Burkina, ce photojournaliste de renommée internationale dit ceci : « N’oubliez pas l’importance de votre travail. Vous les journalistes, vous êtes vraiment l’arme du 21e siècle car la communication est l’armée de ce siècle. ».

Ce passionné de l’image veut contribuer à humaniser davantage le monde par la photographie. Avec sa fondation AINA, il y a déjà énormément contribué. Plus que la passion, c’est désormais la sagesse qui guide le franco-iranien.

Même si l’histoire Reza s’arrêtait aujourd’hui, il aura marqué le monde de la photographie et des médias de son empreinte indélébile. Mais ce chauve sympathique ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Et le pays des hommes intègres est sa prochaine destination. Cette fois, pas pour des images de guerre ou de faim mais pour magnifier la culture africaine.

Moussa Diallo
Lefaso.net

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