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SIFA : Ces 146 millions qu’elle doit

Publié le vendredi 12 février 2010 à 01h21min

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Un dossier en justice oppose la Société industrielle du Faso (SIFA) à ses grossistes depuis trois ans. Au cœur de cette affaire, des ristournes que la société de vente de cycles et cyclomoteurs n’a pas payées à ses commerçants. Depuis, la volonté de faire taire cette affaire est manifeste. Ces jours-ci, les "commers" craignent qu’avec la liquidation de la société, leurs droits ne soient bafoués. L’histoire de cette affaire ressemble à celle du professeur qui sanctionne son meilleur élève. Du moins, une partie de ses meilleurs élèves. Non pas parce qu’ils ont mal travaillé mais parce qu’ils excellent en classe. Récit des faits !

2007-2010. Trois ans d’attente. Trois ans de déni de justice. Pas un centime de ristournes n’a été remboursé depuis ces années par la SIFA à Karim Kaboré, Hamidou Tandamba, Hamidou Oueremi et Zacharia Soulga, commerçants grossistes basés respectivement à Ouagadougou, Fada N’Gourma, Djibo et Kaya. Pourtant, fort d’une pratique anterieure qu’est venue confirmer une note de service de la direction datée du 2 décembre 1999, ces commerçants devraient bénéficier de ristournes équivalant à 2% de leurs chiffres d’affaires annuels liés à leur activité, la vente des cycles et cyclomoteurs de la SIFA. Malgré cette mesure, ceux-ci ne vont jamais bénéficier de leurs ristournes. La société les ayant caché pendant longtemps cette situation . C’est malencontreusement que le pot-aux-roses a été découvert par Karim Kaboré, l’un des commerçants. En récupérant ses factures à la SIFA en 2002, Karim Kaboré voit un bout de papier de plus. Il le lit et découvre que des ristournes lui sont dues par la SIFA. Sur ce papier, celles du mois d’octobre 1997 sont calculées. Le document a force. Il est signé du directeur général de la SIFA à l’époque, Olé Kam.

Oh Mystère ! Où est donc passé l’argent durant toutes ces années ? Il se renseigne et découvre que fort de la directive du 2 décembre 1999, des ristournes leur reviennent de droit. Que se passait-il ? Chaque mois, l’argent était reparti entre des employés de la boîte. On n’attendra plus que les ristournes soient totalisées sur toute l’année comme on le fait souvent, mais chaque mois, les employés vont se repartir les ristournes de ces commerçants jusqu’alors ignorants de cette situation. Le pot-aux-roses découvert, avec des commerçants dans la même situation, Karim va déposer une plainte à la Brigade de recherche de la Gendarmerie de Ouagadougou. Des employés de SIFA Ouagadougou, agence de Gounghin sont entendus mais tous sont relaxés et pas poursuivis. Dans le même temps, la SIFA, pour faire patte-blanche, porte plainte contre son directeur commercial, Francis Bandré.

Le directeur commercial serait, selon elle, à l’origine de toutes les malversations sur les ristournes des clients. L’affaire est alors transmise au parquet le 28 novembre 2006. Mais tout comme certains "qui ont une adresse connue", le sieur Bandré va rejoindre son épouse et ses enfants tranquillement.
Les commerçants, qui se sentent trompés, vont saisir un avocat pour une plainte contre la SIFA. Un premier avocat est contacté. Ce dernier qui a entrepris des démarches auprès de la société sans prévenir ses clients et qui s’est muré dans un silence total après six mois, va être déchargé de l’affaire par ceux-ci. Me Halidou Ouédraogo et Me Mamadou Sombié sont alors sollicités le 13 novembre 2007. Ces derniers défendent alors les commerçants qui se sont constitués partie civile.

Le 6 août 2008, le délibéré tombe. Il est en faveur des commerçants. Dans une lettre datée du 11 août 2008, les avocats rendaient compte du délibéré du procès à leurs clients. Ils écrivaient entre autres, "Le Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso a déclaré votre action recevable en la forme et bien fondée au fond ; ordonné une expertise de l’état des comptes des commerçants à la SIFA et donné à l’Expert mission de déterminer la situation exacte des ristournes dues et a commis Monsieur Zerbo Yacouba, expert-comptable à Bobo-Dioulasso à l’effet d’y procéder et a ordonné l’exécution provisoire du jugement ce qui veut dire que même en cas d’appel de la SIFA, l’expert sera tenu de faire son travail". C’était une bataille de gagnée, pas la guerre ! Le comptable commis à l’expertise des comptes de la SIFA relève une somme de 146 millions de francs CFA due aux quatre commerçants. Mieux, sur la base du travail de l’expert et des pièces versées par l’expert au dossier, il ressort : "la mauvaise foi de la SIFA est établie ; qu’à la rigueur, son attitude s’assimile à du dilatoire ; qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire conformément à l’article 401 du code de procédure civile".

Dans l’affaire opposant la SIFA aux commerçants, le délibéré du 6 août 2007 du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobo-Dioulasso a révélé que la directive du 2 décembre a été violée. Selon certaines indiscrétions, des employés de la maison de vente de motos se sucreraient sur le dos des commerçants depuis plusieurs années, de 1999 à 2002, malgré qu’ils soient bien au fait de cette règle. Conséquence, Karim Kaboré, Hamidou Oueremi, Zacharia Soulga et Hamidou Tandamba, ces commerçants qui ont fait les beaux jours de la SIFA n’ont jamais bénéficié de leurs ristournes, qui ne sont rien d’autre que des "primes de reconnaissance" pour une bonne collaboration.

Or, ces derniers ont vraiment mouillé le maillot comme on le dirait dans le monde sportif. En 2008 par exemple, Karim a fait un chiffre d’affaires de 117 millions 063 mille 587 francs CFA, soit une remises de 97 millions 060 mille 587 francs CFA et une ristourne de 20 millions 003 mille francs CFA. Tandamba à la même période avait un chiffre d’affaires de 8 millions 283 mille 215 francs CFA, soit des remises de 8 millions 031 mille 715 francs CFA. Oueremi lui devait bénéficier de 8 millions 813 mille 553 francs CFA de remise 5 millions 847 mille 183 francs CFA revenait de droit à Zacharia Soulga. De 1999 à 2002, le total des ristournes de ces commerçants s’élève à 146 millions de francs CFA. Un montant qui aurait pu servir à résoudre nombre de problèmes que ces derniers vivent aujourd’hui.

Galères et surplace dans les affaires

Depuis 2007, les commerçants ont resté en justice contre cette société pour recouvrer leurs droits. Mais rien n’est encore versé. Or, la SIFA a été liquidée depuis décembre 2009. Situation qui inquiète actuellement les intéressés. Ces derniers se demandent s’ils auront un jour leur dû. Avec la fermeture de la société et la libéralisation du domaine, leurs affaires sont réduites à leur plus simple proportion. Chacun d’eux connaît des sorts différents. Mais des sorts peu enviables.

Pour quelqu’un comme Karim, l’un des meilleurs revendeurs de la société et détenteur du prix du "Millionnième vélo" vendus obtenu en 1999, les affaires sont désormais au ralenti. Or, lorsqu’il recevait son prix des mains d’Elie Saré, à l’époque ministre du Travail, il était sur un nuage. Il ne se doutait pas que la structure qui le plaçait sur les plus hauts marches du monde des affaires serait à l’origine de ses difficultés financières. Comme le dirait l’autre, il est devenu non pas un "zopérateur zéconomique" mais un "simple boutiquier de quartier". A force d’espoirs et d’impatience, il a souffert de l’hypertension artérielle. Puis d’une hémiplégie. Une maladie qui l’a laissé des séquelles après l’avoir fait dépenser de fortes sommes d’argent pour des soins médicaux. Aujourd’hui, cette paralysie est au double plan. Au niveau de la mobilité d’un membre inférieur mais aussi au niveau des affaires.

Ses compagnons Hamidou Tandamba, Hamidou Oueremi et Zacharia Soulga respectivement commerçants à Fada N’Gourma, Djibo et Kaya ne connaîtront pas un meilleur sort. Eux aussi violés dans leurs droits et les affaires au point mort à cause de la fermeture de la société font contre mauvaise fortune, bon cœur. Ils ont subi un marathon judiciaire dans l’optique de les faire abandonner la course en route. Domiciliés pour la plupart à des centaines de kilomètres de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso où le dossier a été déposé, ils ont dû effectuer des voyages, malgré l’âge avancé de certains, pour témoigner devant les juridictions.

Quel sort après la fermeture ?

Fermée ? Pas fermée ? Les spéculations vont bon train sur cette question à propos de la SIFA. Il est de plus en plus cas de sa liquidation. Un confrère, en l’occurrence L’Observateur Paalga, dans sa livraison du vendredi 2 octobre 2009 écrivait que la SIFA a mis la clé sous le paillasson en septembre 2009. "Sur les 65 travailleurs rescapés, il n’en restera plus qu’une dizaine d’ici la fin de cette semaine d’autant plus que les ouvriers encore en activité passaient ce mercredi leurs dernières heures à l’atelier pour le montage des derniers vélos. Et si tout se passe comme prévu, ces hommes en bleu, à la descente, auront dit adieu à la SIFA après plus de trente ans de bons et loyaux services rendus pour certains. Hier, au moment où nous passions devant l’usine sise au secteur 09 de Bobo-Dioulasso, l’atmosphère était des plus moroses", rapportait Jonas Appolinaire Kaboré.

Dans une autre édition, le quotidien Le Pays ajoutera que Mégamonde est en train de reprendre la société. "S’achemine-t-on vers une reprise des activités de SIFA par le Groupe Mégamonde ? Tout porte à le croire. Le PDG du Groupe Mégamonde, Nasser Basma serait en ce moment à Paris où il entend parvenir à un accord avec PEUGEOT pour la reprise de la commercialisation de ses modèles précédemment fabriqués par la SIFA qui a décidé de l’arrêt de ses activités en fin décembre 2009", écrivait ce canard .Dans le but d’éclaircir cette affaire, nous avons approché des personnes proches de la société. A. T, ex-employé à la SIFA Ouaga nous a confirmé que la société a été liquidée. "Il ne reste que deux employés. La direction nous a payé nos droits", a-t-il affirmé. Selon lui, les employés qui restent sont là pour faciliter la liquidation de la société.
Avec toutes ces informations, les commerçants craignent que leurs droits ne soient bafoués. Ces inquiétudes sont du reste partagées par les avocats, Me Halidou Ouédraogo et Me Mamadou Sombié. S’appuyant sur les "sources concordantes" et sur la base du retard lié au remboursement de la somme due, ils ont introduit le 8 septembre 2009 une requête de saisie-conservatoire de créance auprès du président du TGI de Bobo-Dioulasso.

Requête jugée recevable auprès du parquet. Mais l’unique compte de la SIFA basé à la Banque Internationale du Burkina (BIB) n’a révélé que 7 millions de francs CFA. Laquelle somme ne peut couvrir l’argent dû au commerçant qui s’élève à 146 millions. La SIFA va-t-elle agir dans le sens du droit commercial en payant d’abord les salaires et les créances ensuite ? Rien ne le dit avec tout ce silence depuis tant d’années. Les salaires ont été payés. Mais les créances ? Megamonde, potentiel repreneur épongera t-il la dette de son prédécesseur comme le pensent les avocats ? Question à multiples inconnus.
Quand on sait le nombre de "gourous" qui sont à la tête du repreneur y a-t-il réellement les chances de remboursement ? Les commerçants pensent que ce n’est pas demain la veille. Ils sont de ce fait découragés du climat des affaires dans leur pays et doute de l’indépendance de la justice. Pauvre Burkina ! Et dire qu’on a engrangé des prix dans le sens de l’amélioration du climat des affaires dans notre pays !

Par Roger Niouga SAWADOGO

Par Bendré

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Vos commentaires

  • Le 14 février 2010 à 00:53 En réponse à : SIFA : Ces 146 millions qu’elle doit

    Je comprends mieux maintenant pourquoi Francis BANDRE a depose valise a Megamonde apres ses pratiques mafieuses a la Sifa.
    S’il est avere que Francis BANDRE est fautif, il faut lui faire rendre gorge

  • Le 14 février 2010 à 20:04, par BJ En réponse à : SIFA : Ces 146 millions qu’elle doit

    Au moins un article assez sérieux qui nous change des reportages et autres compte rendus de séminaires

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