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Crise ivoirienne : « Je ne démissionnerai pas ! » (Robert Beugré Mambé)

Publié le vendredi 12 février 2010 à 01h20min

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Hier, jeudi 11 février 2010, le facilitateur Blaise Compaoré a encore enfilé sa blouse de docteur ès crise pour recevoir trois délégations venues de la Côte d’Ivoire que sont le Front populaire ivoirien (FPI), le Rassemblement des houphouétistes pour la paix et la démocratie (RHDP) et la commission électorale indépendante de ce pays. Après une ample consultation, le prudent praticien n’a pas, sur place, délivré d’ordonnance pour une éventuelle solution au blocage du processus électoral.

Aujourd’hui, il y a cette évidence : les Ivoiriens redoutent moins le report de l’élection (prévue entre fin février et début mars 2010) que la situation qui pourrait survenir suite au blocage du processus électoral avec la crise née de l’affaire des 429 000 noms que Robert Beugré Mambé, président de la Commission électorale indépendante, aurait frauduleusement incorporés dans le fichier électoral. Ce dernier par contre jure, la main sur le cœur, qu’il n’en est rien. C’est en tout cas le reproche que lui fait la Majorité présidentielle qui demande sa tête.

La situation est d’autant plus précaire que des manifestations violentes ont eu lieu à l’intérieur du pays, avec à la clé la mort d’une personne. C’est ce qui a valu le séjour, du 5 au 9 février, du Premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, dans notre capitale pour demander au président du Faso, le facilitateur, d’intervenir au plus tôt. En bon urgentiste, ce dernier n’a pas fait le difficile pour recevoir les acteurs concernés. Jeudi dernier, les trois parties ont successivement été introduites dans le cabinet du « docteur » Blaise Compaoré.

Il s’agissait, par ordre d’entrée, du Front populaire ivoirien (FPI), conduit par son président Pascal Affi N’Guessan ; du Rassemblement des houphouétistes pour la paix et la démocratie (RHDP) regroupant quatre partis de l’opposition parmi lesquels le PDCI et le RDR ; et de la Commission électorale indépendante, avec comme chef de mission celui qui en est le premier responsable, Robert Beugré Mambé.

Après chaque entrevue, le facilitateur n’a pas donné son avis. C’était plutôt l’écoute active qui était de rigueur. A la fin de la rencontre avec leur hôte, les membres de chaque délégation reprenaient sagement le chemin de l’hôtel où ils avaient installés leurs quartiers, dans l’espoir qu’une ordonnance leur sera délivrée d’ici là par le président du Faso.

En attendant, les positions semblent toujours figées. « Je ne démissionnerai pas ! », a décidé, sans langue de bois aucune, le président de la Commission électorale indépendante à sa sortie d’audience. Quant à Pascal Affi N’Guessan, il a pu esquiver les micros des journalistes en promettant de revenir au palais de Kosyam avec sa délégation à la fin des trois audiences. Celui qui n’a pas été avare en paroles, c’est Alphonse Djédjé Mady du RHDP, qui a longuement échangé avec les scribouillards à la fin de son audience.

Issa K. Barry


« Même les bébés ont besoin de cette élection »(Alphonse Mady Djedjé)

Quel est le principal motif de votre séjour à Ouagadougou ?

C’est un secret de Polichinelle pour tous. Vous n’ignorez pas que le facilitateur de la crise ivoirienne, le président Blaise Compaoré, suit presque à la loupe l’avancement du processus de sortie de crise. Il s’est donc rendu compte que le système a pris du plomb dans l’aile et a souhaité rencontrer les acteurs pour être éclairé sur ce qui se passe sur le terrain. Il a écouté chaque camp qui a donné sa version des faits et sa compréhension de la situation. Nous lui avons déroulé les principaux problèmes rencontrés …

Justement, quels sont ces problèmes ?

La Commission électorale indépendante (CEI) a été remise en cause à partir d’une disquette de travail qui comporterait les noms de 429 000 personnes, lesquels noms n’ont pas été intégrés à la liste de l’INS (Institut national de la statistique) et de SAGEM Sécurity. Le camp présidentiel en a fait un sujet de guerre en demandant la démission du président de la CEI, Robert Beugré Mambé. L’opposition que nous sommes pense que la C.E.I. n’a commis aucune faute et, ce faisant, les plaignants ne peuvent exhiber ce prétexte pour bloquer le processus en cours. Nous pensons que les Ivoiriens, surtout les politiciens, doivent faire preuve de lucidité afin que nous allions vers une sortie de crise, et non chercher des alibis.

Après l’entrevue, qu’est-ce que le président du Faso vous a concrètement proposé ?

Le facilitateur ne nous a pas appelés pour proposer quelque chose sur place. Il nous a plutôt écoutés. Certainement qu’il va mettre tout ça en laboratoire et qu’il nous tiendra informés de ses propositions.

Et vous, quelle est votre position ?

Comme je l’ai dit tantôt, nous ne voyons pas ce qu’on reproche à Mambé. Nous ne pensons pas que sa démission soit la solution.

Le facilitateur a-t-il prévu de vous revoir ?

Oui. Il nous a dit de rester à l’écoute. Ça peut être aujourd’hui, demain, dans quelques jours ou dans quelques semaines. Nos oreilles restent ouvertes ; de jour comme de nuit.

Le processus électoral est interrompu en Côte d’Ivoire. Qu’en pensez-vous ?

C’est peut-être une mesure conservatoire qui était nécessaire avec tout ce qui s’est passé dans certaines villes. Le mode opératoire électoral n’étant pas suivi, on radiait d’autorité un certain nombre de personnes à leur insu. Plus grave, il y avait comme par hasard un déni de patronymie. Cela ne peut plus être accepté. Vous savez qu’il y a eu des troubles à Divo, à Man, à Vavoua, à Katiola ; presque partout dans le pays.

Il faut tout faire pour éviter un soulèvement populaire. Il faut garder présent à l’esprit que le traitement de ce dossier est moins un fait électoral qu’une question d’identité ! Vous savez, le vote n’est pas obligatoire en Côte d‘Ivoire. Voter ou pas n’est pas le problème. Le plus important, c’est d’avoir droit à une identité et ne pas se voir frustré de cette nationalité et de ne pas être considéré comme un apatride !

C’est donc une situation qu’il faut régler avec sérénité. Au niveau de chaque frontière il y a des gens qui ont le même nom de famille ! On ne peut pas, à partir d’une patronymie, sans au préalable avoir consulté les personnes concernées, décider que telle personne est ivoirienne ou pas. Selon la loi et en la matière, c’est l’accusateur qui apporte la preuve de ce qu’il avance. On ne le fait pas d’autorité. Si vous dites que je ne suis pas Ivoirien, et que les croisements ont fait de moi un Ivoirien, vous devez en apporter la preuve ! Il ne faut donc pas inverser les choses, commettre par exemple des juges qui vont prendre des mesures abjectes.

Avec toutes ces difficultés, pensez-vous que l’élection aura lieu dans la fourchette prévue ?

Question classique d’ONUCI-FM (Ndlr : c’est l’envoyé spécial de cet organe qui a posé la question) et de toutes les radios. Gérons la réalité et on verra ce qui pourrait être possible … Mais nous souhaitons que ce soit possible. Malheureusement, ceci n’est qu’un vœu. Pour aller à l’élection, il faut que tout le monde soit partie prenante et cela pose toujours le problème de la volonté politique. Est-ce qu’on veut vraiment aller aux élections ? De tâtonnement en tâtonnement, on peut attendre jusqu’en l’an 3000 et il n’y en aura pas.

Il faut le vouloir et comprendre que l’élection sanctionne la sortie de crise qui est un remède et une situation favorable pour tous les Ivoiriens. Pour les politiques et ceux qui ne font pas la politique. Même les bébés qui viennent de naître ont besoin de cette élection pour retrouver une Côte d’Ivoire qui a repris la route du progrès et qui s’est reconstruite. Celui qui naît aujourd’hui a envie de voir une Côte d’Ivoire meilleure demain.

IKB

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 12 février 2010 à 11:11 En réponse à : Crise ivoirienne : « Je ne démissionnerai pas ! » (Robert Beugré Mambé)

    On voit tres clairement que les ivoiriens eux-memes ne veulent pas aller à la paix. La situation est revenue au statut-quo comme en 2002/2003. Ce qui est grave s’est que Affi Nguessan prepare ses troupes à contester les resultats des elections (selon son interview). Le Presendent du Faso, qui a mis tant d’effort dans la resolution de cette crise (parfois au detriment de son propre pays) doit se retirer de cette mediation pour ne pas cautionner cette mascarade. A ce stade personne ne pourrait empecher une reprise de la guerre en terre d’Eburnie.
    Merci

  • Le 12 février 2010 à 11:38, par wa-ly En réponse à : Crise ivoirienne : « Je ne démissionnerai pas ! » (Robert Beugré Mambé)

    Convaincu de tentative de fraude sur la liste électorale, Beugré Mambé, le président de la Commission électorale indépendante, s’est enfermé dans la logique suicidaire de défiance au bon sens. Alors qu’on attendait de lui qu’il démissionne, il s’y refuse, plastronne et nargue. Et pourtant, il ne peut plus rester à son poste.

    « Je suis déterminé à rester à mon poste ». Beugré Mambé, le président de la Commission électorale indépendante (CEI), accusé de tentative de fraude sur la liste électorale, ne veut guère s’en aller. Il a décidé de pourrir le processus électoral jusqu’à ce que la justice, qui a rendu les conclusions de l’enquête diligentée par le ministre de l’Intérieur, aux fins de faire la lumière sur cette sombre affaire, le mette sous mandat de dépôt.

    L’homme, apprend-on, qui s’est résolu à narguer l’institution judiciaire, s’est barricadé chez lui et vit, semble-t-il, sous la protection d’une centaine de jeunes du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Ces derniers ont juré de ne laisser personne arrêter M. Mambé, criant au complot contre l’actuel et futur ex-patron des élections en Côte d’Ivoire. Celui-ci, en dépit de tout bon sens, se complait dans cette situation et défie tout le monde. Et pourtant, il est avéré, comme lui-même l’a dit pudiquement, qu’il ya eu des ‘’dysfonctionnements’’ qui ont conduit à la crise d’aujourd’hui.

    C’est le lieu de déplorer le fait que Beugré Mambé, poussé dans le dos par le RHDP, n’ait pas compris que dès le déclenchement de cette crise qui paralyse le processus électoral, il aurait plus gagné à démissionner de son poste, au lieu de chercher à s’y agripper de toutes ses forces. Et pourtant, il est absolument impossible, en l’état actuel des choses, que M. Mambé conserve son poste. C’est une question de bon sens.

    En prenant sur lui la responsabilité de procéder à un croisement pour sa « propre gouverne », alors que le bureau et la commission centrale de la CEI, ainsi que le chef de l’Etat lui-même l’en ont dissuadé, Beugré Mambé a rompu la nécessaire confiance qui doit présider au fonctionnement de la CEI. Comme tel, il est désormais impérieux qu’il rende le tablier et qu’il soit remplacé par une personnalité qui fasse preuve d’impartialité vis-à-vis des différents candidats à la présidentielle.

    On ne le dira jamais assez, et tout le monde est d’accord là-dessus, que la crise actuelle se soldera par des élections libres, justes et honnêtes. Tout doit donc être mis en œuvre pour qu’il n’ait pas de place à la contestation. Parce qu’un éventuel retour en arrière risque d’être beaucoup plus difficile à gérer. Toute chose qui montre l’importance de la CEI dans le retour à la paix. Et le rôle central de Beugré Mambé dans cette occurrence. Malheureusement, ce dernier ne l’a pas compris ainsi.

    Par son entêtement à vouloir, coûte que coûte, se maintenir à son poste là où le bon sens commande qu’il rende le maroquin, c’est une crise encore plus grave que le président de la CEI risque de provoquer. Il devra alors assumer toutes les conséquences de cet entêtement, si des troubles venaient à éclater et rompre les acquis obtenus au prix d’immenses sacrifices.

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