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Poisson du Burkina : Un luxe pour le consommateur local ?

Publié le vendredi 13 août 2004 à 11h10min

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Les eaux burkinabè regorgent d’énorme potentiel de produits de pêche qui génèrent d’importantes ressources financières. Ce potentiel mérite d’être valorisé. Le ministère en charge des Ressources halieutiques s’attelle à donner une nouvelle dynamique à ce secteur "porteur d’espoir". Quel est l’avenir de la filière, les difficultés dans l’exploitation et la gestion, les perspectives..., ce sont là autant de volets auxquels nous nous sommes intéressés.

" Galette, maïs, concorde, hélicoptère, cheval, hétéroti, silure, sardine, capitaine, macharon, carpe.." ces noms qui ressemblent à des noms communs de choses (comme le disent les grammairiens) désignent cependant, des types de poissons dont regorgent nos barrages. Qui l’aurait cru il y a de cela quelques années que le Burkina, pays enclavé, pouvait regorger autant de potentialités halieutiques dont en dispose aujourd’hui ? Des capitaines de 80 à 100 kg dans les eaux douces du Burkina, on en rencontre.

Des milliers de tonnes de poissons par an on en pêche. La filière poisson se porte bien ici au Faso. Et ce n’est pas Mme Sakinatou Nacoulma, mareyeuse et vendeuse de poissons, ni les commerçants du marché de poissons qui diront le contraire. La commercialisation du poisson, Mme Nacoulma en fait sa principale activité depuis une quinzaine d’années. Elle investit au moins un à deux millions de F CFA par semaine, et y tire, dit-elle, malgré quelques difficultés, son épingle du jeu.

Avec une Land Rover et une vieille R4 fourgonnette, dame Nacoulma fait le tour de la capitale et ravitaille certains restaurants et hôtels en poissons. Une vingtaine de femmes s’approvisionnent dans sa poissonnerie. Avec ses trois congélateurs et son four pour le fumage du poisson, Sakinatou Nacoulma atteste avoir foi à l’avenir de la filière si une politique de promotion voyait le jour. Pour elle, c’est au moins deux cents kilogrammes de poissons qui passent quotidiennement dans son four. Un produit qu’elle écoule en un temps record (1 à 2 jours) à raison de 2000 F CFA le kg. En plus de la vente du poisson frais dont les prix varient entre 800 et 2500 F CFA le kg, on peut estimer à des millions de francs, les recettes hebdomadaires de cette dame qui s’est investie dans cette activité.

Bien que cela semble bien marcher, les difficultés, confie, t- elle, ne manquent pas. Selon elle, le prix d’achat du kilogramme de poisson local reste relativement cher par rapport à celui des poissons importés (poissons de mer) ; à cela poursuit-elle, s’ajoute le manque de formations conséquentes et périodique des acteurs de la filière. Mme Nacoulma pense que notre pays dispose d’énormes ressources halieutiques pouvant être revalorisées pour satisfaire les besoins nationaux.

Si pour Sakinatou Nacoulma les difficultés sont d’ordre organisationnel, pour M. Arouna Kagembéga du marché de poisson de Tanghin, ce sont plutôt l’insalubrité du marché et la cherté du prix de location des hangars qui constituent un casse-têtechinois pour eux commerçants de Tanghin. Saïdou Tapsoba qui soutient la même chose, précise qu’à la construction du marché, il était prévu de paver la cour du marché. Un projet qui reste jusque-là non exécuté.

Et pourtant des structures de promotion existent

Pour les commerçants de poissons, " le gouvernement ne s’investit pas assez dans la promotion de la filière poisson". Pourtant dans le cadre des Engagements nationaux, le Burkina Faso soutenu financièrement par la République de Chine a créé en 1999 un Centre d’approvisionnement et de distribution des produits de pêche (CADIPP) pour répondre aux préoccupations des acteurs de la filière.

Ce centre, selon M. Salif Ouédraogo, du CADIPP a pour missions d’approvisionner les pêcheurs en intrants et assurer le transport et la distribution des produits de pêche. La formation des acteurs et la fabrication de glace font également partie des missions du centre. Même si le CADIPP ne fabrique plus présentement de glace pour cause de panne d’une des machines (une pièce, qui d’ailleurs a été commandée), il ne déroge pas à sa mission principale qui est la distribution du poisson au profit des grossistes et autres revendeurs. Depuis l’institution du volet formation en 2002, le centre, selon M. Ouédraogo, a déjà déboursé au moins vingt (20) millions de F CFA pour les frais.

Ainsi, quelques acteurs de la filière ont pu bénéficier en mai 2004 d’une formation en hygiène et qualité des produits de pêche au Bénin, Ghana et Togo. Au moins quatre-vingts (80) femmes s’approvisionnent régulièrement au CADIPP. Le centre fait des recettes d’au moins 80 millions par an. 80% des recettes proviennent de la vente de la glace. Bien que la production nationale soit en deçà des besoins des populations, le centre écoule en moyenne 2 tonnes de poissons par trimestre.

Promouvoir la filière pêche

Pour la promotion de la filière, une politique nationale ambitieuse est en marche. Est-on tenté de dire au regard des grandes lignes que nous a développées M. Norbert Zigani de la direction générale des Ressources halieutiques. Selon M. Zigani, depuis juin 2003, le gouvernement burkinabè a adopté une nouvelle politique en matière des ressources halieutiques dont l’objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté et assurer la sécurité alimentaire. Cette politique entend aussi valoriser les potentialités halieutiques, accroître la production de poissons, générer des revenus.

Ainsi cinq programmes prioritaires ont été identifiés et constituent un cadre de référence de cette politique. Ces programmes doivent être exécutés dans la période 2004-2008. Il s’agit de l’accroissement des potentialités ; la promotion de l’aquaculture, le renforcement des capacités ; la valorisation des produits et la gestion participative et responsable des ressources halieutiques. Au nombre des actions déjà menées, M. Zigani affirme qu’environ 350 personnes (parmi les populations riveraines de Ziga) ont été formées en techniques de capture de poissons.

Toujours dans la politique de promotion de la filière poisson, il est prévu la construction de trois centres de production d’alevins dans les barrages de Douna dans la région des Cascades ; Bilanga dans la Gnagna et Tougou dans le Yatenga. Un centre de formation et de recherche en aquaculture sera construit en aval du barrage de Ziga. Des unités de production en cage flottantes seront placées au Bazèga et à Boussouma dans le département de Koubri. Selon M. Zigani, l’on procédera dans ce mois d’août au lancement de l’élevage de poissons à Bagré ; une activité financée par la République de Chine et qui permettra, avec la construction des cent quatorze nouveaux barrages (d’ici la fin 2005), de développer l’aquaculture au Burkina.

La réalisation de tous ces chantiers contribuera, aux dires de M. Zigani, à accroître la production nationale de poissons. De nos jours, cette production est d’environ treize mille (13 000) tonnes par an avec au moins neuf mille (9000) tonnes exploitées. Les besoins actuels se chiffrent à au moins seize à dix sept mille tonnes l’an. La nouvelle dynamique voulue par le ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques entend combler le manque à gagner par l’introduction de l’élevage de poissons en milieu rural. Une technique de culture qui permettra d’avoir au moins deux cents tonnes de poissons par hectare et qui contribuera à accroître la production nationale ( 20000t/an).

Même si au plan macro-économique l’impact de la commercialisation du poisson n’est pas visible, sur le plan micro-économique M. Zigani le trouve important en ce sens que la pêche constitue pour certaines populations (Bagré, Kompienga, Loumbila...) la principale source de revenus. Au moins treize mille personnes s’investissent dans cette activité. Et comme chiffre d’affaires, M. Zigani estime à près de cinq milliards et demi de francs CFA l’an ce qu’engendre la filière pêche. Avec la création d’une direction générale des Ressources halieutiques et les nouvelles politiques de promotion de ressources, on pourrait estimer à plusieurs dizaines de milliards de F CFA de chiffre d’affaires ce que générera la filière pêche dans les années à venir.

A. Verlaine KABORE


Zoom sur la Fédération nationale des acteurs de la filière pêche

La Fédération nationale des acteurs de la filière pêche est née le 6 mars 1995 sous l’initiative de EL Hadj Souleymane Ouédraogo, pionnier dans l’activité pêche et président actuel de la fédération. Même si EL Hadj Souleymane ne palpe plus des centaines de millions de francs CFA, il reconnaît qu’il eût une période où il se frottait les mains.

Premier à exploiter les produits de pêche et à organiser les pêcheurs du Lac de la Kompienga, "Ladji Soulé" comme l’appellent les membres de la fédération, pense que même si la fédération représente la structure faîtière de la filière pêche, elle reste cependant confrontée à des difficultés organisationnelles. Pour Ladji, la restructuration et l’exploitation des productions de pêche posent problèmes. Les mareyeurs doivent désormais attendre des mois durant avant d’être servis en poissons.

En effet, les nouvelles dispositions sont telles que l’ordre de passage de chaque mareyeur est préétabli suivant un calendrier, ce qui ne facilite pas leur tâche. Pour le président de la fédération, si aujourd’hui le prix du poisson local est élevé par rapport à celui importé cela est dû à une anarchie qui règne au niveau des acteurs. Les autorités, en instaurant la libre concurrence ont créé plus d’ennuis qu’elles en ont résolus soutient EL Hadj Souleymane Ouédraogo. Pour lui, l’harmonisation des prix devrait être faite par la fédération.

AVK

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2022 à 16:58, par Céline LOUGUE En réponse à : Poisson du Burkina : Un luxe pour le consommateur local ?

    Bonjour,

    Bonne et heureuse année 2022.

    Je suis intéressée par le poisson fumé.
    Puis-je avoir le numéro de commerçants de poissons fumés (surtout les silures).

    Merci pour votre soutien.

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