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Remodification du code électoral : Et si on visait le report de la présidentielle ?!

Publié le vendredi 15 janvier 2010 à 01h34min

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Que sont devenus les résultats des rencontres tous azimuts engagées par le Premier ministre avec les partis politiques et les organisations de la société civile sur la transparence du fichier électoral et le vote des Burkinabè de l’extérieur ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la montagne a accouché d’une souris. L’enthousiasme du pasteur Testicus Zorro semble ne pas avoir été jusqu’au bout.

Le 6 janvier dernier, le Conseil des ministres a confirmé tout haut ce que certaines organisations politiques pensaient déjà tout bas. Les réformes électorales sont, une fois encore, restées à mi-chemin. Le code électoral va connaître une énième modification. Le gouvernement a remis, encore pour plus tard, la concrétisation de l’espoir suscité par la loi n°019-2009 instituant le vote des Burkinabè de l’étranger lors des scrutins référendaires et présidentiels à venir (lire aussi page 3). On veut croire que la mise en œuvre de cette disposition « fait face à des difficultés pratiques ».

En revanche, n’y a-t-il pas un immobilisme politique de trop à maintenir la multiplicité de pièces pour l’inscription des Burkinabè de l’intérieur sur les listes électorales ? Que cache cette reculade autour de la question fondamentale de la transparence des scrutins électoraux. Au cours de la rencontre avec les partis politiques, le Premier ministre avait souligné, en substance, que la nouvelle carte d’identité nationale infalsifiable demeurait la pièce la plus crédible sur laquelle le gouvernement pouvait miser pour crédibiliser les élections. Curieusement, la décision du Conseil des ministres à conserver « l’acte de naissance, le jugement supplétif ou déclaratif », même « à titre transitoire sur la liste du scrutin présidentiel de 2010 », est aussi ambiguë qu’incongrue. Surtout que, dans le même temps, le gouvernement a engagé une campagne dite de délivrance massive de pièces d’identité, justement dans le cadre des consultations électorales à venir.

Même si les réactions des partis politiques de l’opposition sont encore timides, voire isolées, sur cette question angulaire de la transparence électorale, force est de reconnaître que le Burkina marquera sérieusement le pas en maintenant une pièce aussi anonyme qu’imprécise qu’est l’acte de naissance pour identifier un électeur en plein 21e siècle. N’est-ce pas là l’une des exigences élémentaires que le président du Faso a concédé au Togo et à la Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces deux pays empêtrés dans des conflits politiques et pour lesquels il s’est illustré comme un facilitateur émérite ? Pourquoi vouloir le meilleur pour les autres alors que les mêmes inconséquences peuvent provoquer les mêmes effets ? A quoi rime cette reculade ?

Quand on sait que l’enfant terrible de Ziniaré ne cesse de parler de « réformes institutionnelles » comme on a pu le relever dans ses discours des 11 et du 31 décembre, on se demande si les fameuses « mesures transitoires » ne cachent pas une autre intention, celle de mettre la présidentielle de 2010 en pointillé. Que se passerait-il si le gouvernement poussait le bouchon jusqu’au bout en demandant un report ou un couplage de la présidentielle avec les municipales de 2011 ou les législatives de 2012 ? L’opposition et la société auraient-elles les moyens de s’opposer à une telle proposition ? Rien n’est moins sûr.

Au moment où toutes les critiques se cristallisent sur l’hypothèse de la révision de l’article 37 portant limitation constitutionnelle du mandat présidentiel, on ne devrait pas perdre de vue le fait que tout report de la présidentielle de novembre 2010 installerait également le Burkina dans un inconfort constitutionnel tout aussi préjudiciable pour l’alternance tant souhaitée. Or, en la matière, le pouvoir actuel a non seulement les coudées franches, mais bénéficie de vents favorables pour susciter le report ou le couplage des consultations électorales prévues pour cette année et les deux autres à venir. La crise économique et financière mondiale et surtout les difficultés budgétaires causées par le déluge du 1er septembre ne sont-elles pas des raisons royales pour limiter les dépenses électorales ?

Il y a des signes qui ne trompent peut-être pas. L’indifférence dans laquelle vient d’être consommé l’arrêt du processus du vote des Burkinabè de l’extérieur et le report du débat à 2015 apparaissent comme le début d’un scénario qui ne manquera pas d’emballer une faune politique qui se cherche encore des raisons de sortir du bois. La remodification du code électoral est un mauvais présage qui ne rassure pas sur les tenants et les aboutissants de la présidentielle de 2010, qui est supposée être le dernier combat électoral de l’ex-capitaine Blaise Compaoré. Surtout que l’homme lui-même n’a pas encore dit son (dernier) mot à propos de toutes les intentions que les uns et les autres lui prêtent de s’éterniser au pouvoir ou de tirer sa révérence en 2015. Faites donc vos jeux, rien ne va plus.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 15 janvier 2010 à 10:01 En réponse à : Remodification du code électoral : Et si on visait le report de la présidentielle ?!

    Très bonne analyse de la situation actuelle d’une démocratie à la sauce burkinabè (trop salée pour être digeste) à mi-chemin et qui à défaut d’avancer recule progressivement dans le début de cette 2ème décennie du 21ème siècle. Elle est largement aidée d’ailleurs par les occidentaux puisque le Burkina avec Blaise est devenu un pilier de la françafrique.
    Il est aujourd’hui incompréhensible que plusieurs millions de burkinabè ne puissent pas voter. Pendant que l’on passe un spot mal fichu à la TNB sur ce qu’est un burkinabè en disant que cela se mérite ! Il faut croire ici que les burkinabè à l’étranger sont sans droit ou des citoyens de seconde zone et que donc ils ne méritent pas de voter !!

  • Le 15 janvier 2010 à 12:14, par Paris Rawa En réponse à : Remodification du code électoral : Et si on visait le report de la présidentielle ?!

    Il arrive parfois qu’à force que manipuler des explosifs, les artificiers explosent avec leurs outils de travail. A force d’user de méthodes qui auraient dû provoquer une forte réaction de l’opposition dont on se joue de la faiblesse, les manipulateurs de la constitution et du code électoral pourraient un jour se faire emporter brutalement par une explosion qui viendrait, non pas des partis de l’opposition, mais de la réaction populaire. Gare aux pyromanes ! Des leçons de ce genre existent dans l’histoire récente de la politique au Burkina

    A bon entendeur...

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