LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Un concert pour la paix et la tolérance entre le Burkina et la Côte d’Ivoire

Publié le jeudi 12 août 2004 à 08h11min

PARTAGER :                          

La crise sociale en Côte d’Ivoire préoccupe assez les familles, de part et d’autre, pour susciter des initiatives tendant à la résorber. C’est la motivation essentielle du concert que va organiser à la Maison du peuple de Ouagadougou "Tigung Bulli’’ à travers la chorale Saint Michel de Kolog-Naba et l’orchestre "Les voix de l’amour’’ de l’archidiocèse d’Abidjan, le samedi 14 août 2004 à partir de 20 heures.

Nous avons rencontré l’abbé Bernard Yanogo, responsable de Tigung Bulli qui nous parle de cette manifestation marquant la célébration de l’Assomption de la Vierge Marie, le dimanche 15 août prochain.

Sidwaya (S.) : Monsieur l’abbé Bernard Yanogo, vous avez choisi d’organiser un concert musical le samedi 14 août 2004 a la Maison du peuple de Ouagadougou, pour célébrer et promouvoir la paix entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Qu’est-ce qui vous a guidé dans le choix de cette manifestation pour une cause aussi difficile ?

Abbé Bernard Yanogo (B.Y.) : L’association Tigung Bulli est un mouvement né à l’intérieur de l’Eglise catholique, en vue de promouvoir l’unité et l’amour au sein de la famille chrétienne. La famille catholique ne vivant pas isolée de la communauté, la foi nous engage à la transformation du monde. En tant que mouvement de promotion des familles, l’idée nous est venue, de faire sentir la dimension familiale de la personne dans les crises que traversent nos Etats.

A partir des familles chrétiennes, Tigung Bulli doit agir pour la promotion des familles sans distinction. C’est dans ce sens que nous avons initié ce projet. Quand un enfant est atteint par une balle perdue ou quand un soldat tombe, ce sont des familles entières qui sont marquées par ces pertes. Nous voulons faire comprendre que ce sont des familles qui sont concernées par cette crise et non seulement des individus isolés ou des chefs d’Etat.

Chacun, vous l’avez remarqué, apporte sa contribution pour la recherche de solutions aux conséquences engendrées par le conflit. Nous, nous avons choisi d’organiser un concert parce que cela était à notre portée, étant donné les liens que nous avons avec des Ivoiriens. D’autre part, nous avons pensé qu’avec le concert nous pouvons atteindre la masse, pour agir sur les mentalités aujourd’hui marquées par la méfiance et le rejet. C’est pour cela aussi que nous avons choisi l’orchestre « Les voix de l’amour » ; pour dire que l’amour est possible et doit prendre place.

S. : On est tenté de vous demander pourquoi vous avez pensé à un concert pour favoriser le retour de la paix, quand des rencontres au sommet, des initiatives diplomatiques réussissent difficilement à faire parler le langage de la paix entre les différents protagonistes.

A.B. Y : Nous notons tous, les limites des accords jusque-là conclus en haut lieu. Mais ces accords indiquent un chemin, un idéal que les uns et les autres défendent. Notre ambition est de participer à la poursuite de cet idéal. Les accords visent un rapprochement. Nous, vivons ce rapprochement. Nous, voulons mettre en application ce que les accords tracent comme idéal, et c’est notre contribution. Au delà du discours, c’est un témoignage. Les chefs d’Etat se sont rencontrés. C’est à leur niveau, les efforts qu’ils peuvent accomplir.

Nos évêques, de la Côte d’Ivoire et du Burkina se sont rencontrés aussi pour essayer de contribuer au dégel de la situation et pour favoriser la paix. Voilà les efforts des autorités de nos Etats et de nos Eglises dans la sous- région. Ce que nous nous recherchons, c’est la réaction à partir de la masse, de l’anonyme, du tout-petit, pour ne pas laisser aux mains des professionnels le traitement d’une question qui concerne le peuple.

Or en ce moment, le peuple se tait, rumine, développe des sentiments de rejet, et laisse s’élever les voix de la violence qu’on entend ici et là. Il y a une masse qui veut la paix mais qui n’a pas droit à la parole. Donc le concert est l’occasion que nous voulons offrir à cette masse de dire son aspiration à la paix. C’est une contribution aux efforts des professionnels dans le sens de la résolution de la crise. Nous pensons que ça va déclencher d’autres initiatives et qu’on va encore se retrouver entre Ivoiriens et burkinabè pour dire qu’il faut que la paix revienne.

Sidwaya : Vous avez certainement perçu les voix discordantes venant même des milieux du clergé ivoirien, notamment, quant aux solutions de retour à la paix. On a même pensé que beaucoup d’efforts n’ont pas été faits à ce niveau pour réconcilier les fils du pays entre eux et entre les populations autochtones et étrangères. Au regard de cela, croyez-vous en l’impact de votre démarche ?

A.B.Y : Effectivement, l’information a circulé, l’opinion a couru sur le fait que l’Eglise, à travers ses pasteurs, n’a pas toujours eu une démarche de rapprochement entre les peuples. C’est le même comportement que nous observons au sein des masses qui ont eu à se rejeter mutuellement : ce que nous disons à l’opinion, c’est qu’un temps a passé et aujourd’hui il s’agit de s’asseoir ensemble parce que le mépris et 1a haine n’ont pas d’avenir. Nous confions cette manifestation à la protection de la Vierge Marie. Ceux qui ne croient pas ou qui croient peu diront que ça ce n’est rien.

Mais pour nous ici, croire ou ne pas croire en l’action de Dieu c’est démissionner religieusement et humainement. Nous n’avons pas le choix. Nous affirmons et maintenons notre foi en la démarche, en disant que tant qu’une initiative n’aura pas été prise, rien ne bougera. Alors nous tentons, en pensant que la foi étant à l’avant, les gens pourront faire le dépassement. Nous avons d’ailleurs choisi le cadre de la célébration de l’Assomption pour mieux placer ce concert sous le patronage de Marie, reine de la paix.

S. : Pouvez-vous nous donner un avant-goût du concert ?

B.Y : Pour le déroulement du concert, nous pouvons déjà en donner un aperçu. Nous commençons par l’ensemble ivoirien, qui va présenter une comédie musicale. Une comédie musicale, comme vous le savez, a un message précis. On y développe un thème à travers la musique et la chorégraphie. Nous allons, à travers ça, faire passer un message de responsabilisation de tout le monde devant la situation créée par la crise. Deuxièmement, les chants qui seront donnés par la chorale de Kologh-Naba sont tous orientés dans le sens de la paix et de 1a tolérance, ce qui va participer, encore une fois, à la transmission d’un message. Enfin, l’animation qui va clore sera une animation pour détendre tout le monde et amener à fraterniser entre les deux peuples, les deux populations.

S. : Quelle est l’expérience capitalisée par ces ensembles musicaux pour tenir en haleine le public qui va effectuer le déplacement ?

B.Y : L’ensemble « Les voix de l’amour » d’Abidjan a une grande expérience. Non seulement il joue dans les églises d’Abidjan, mais il anime aussi dans les grands hôtels. Il a joué à Paris, dans des capitales de la sous-région, Lomé notamment. C’est un groupe qui a produit des cassettes et CD. La chorale de Kologh-Naba a l’expérience des soirées qu’elle a animées au Burkina, au ciné Neerwaya, à la Maison du peuple notamment.

S. : Vous avez fixé les prix d’entrées à 500 et 1000 F CFA. Est-ce que vous les pensez à la portée de tous ceux que vous conviez ? Au regard des objectifs que vous assignez à cette manifestation, l’entrée n’aurait pas pu être gracieuse pour tout le monde ?

B.Y : Les prix d’entrée ont été fixés par le comité d’organisation, en relation avec ce qui se passe ordinairement. Je pense que ce sont des prix sociaux. La recette, si recette il y a (je le souhaite), servira normalement à financer des œuvres de même nature. Tigung Bulli existe pour la promotion de la famille. Et si nous récoltons quelque chose, ce sera pour toujours promouvoir des actions allant dans le même sens.

S. : Est-ce qu’il y a quelque chose de prévu dans le programme de la célébration de l’Assomption, en dehors du concert ?

B.Y : Il est prévu la célébration de la messe à la Cathédrale de l’Immaculée conception le dimanche 15 août à 9 heures, messe qui sera animée conjointement par la chorale - Notre Dame de la cathédrale et l’orchestre "Les voix de l’amour" de l’archidiocèse d’Abidjan. C’est une autre dimension du témoignage que nous voulons porter. Le concert est profane, allons-nous dire, dans une certaine mesure.

Mais à l’église, la place sera donnée au recueillement. On ne se mettra pas chacun de son côté pour prier qui pour le Burkina, qui pour
la Côte d’Ivoire, nous nous mettrons ensemble pour prier pour la paix. Puis après, nous irons à Yagma ensemble auprès de la Sainte Vierge Marie. L’orchestre se met entièrement à notre disposition pour tout ce que nous allons exprimer comme besoins. C’est dire donc que le programme est susceptible de

prolongation en fonction des besoins que vont exprimer nos fidèles, nos concitoyens ; nos amis. Nous initions une soirée d’évangélisation adressée aux chrétiens, dans l’enceinte de l’église Saint Camille, le vendredi 13 à partir de 20 heures. Nous y convions tout le monde.

Propos recueillis par Hortense ZIDA
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique