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EMILE AHOHE (Economiste au bureau CEA Afrique de l’Ouest) : "C’est un paradoxe que nos pays importent des denrées alimentaires"

Publié le mercredi 18 novembre 2009 à 02h18min

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Emile Ahohé

Le Comité intergouvernemental d’experts de l’Afrique de l’Ouest de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a tenu sa 12e session les 12 et 13 novembre 2009 à Ouagadougou. Il se réunit pour examiner les défis de développement dans la sous-région et voir comment ils peuvent être pris en compte dans le cadre de l’assistance et de l’appui que la CEA apporte aux Etats membres et aux institutions sous-régionales. Pour cette 12e session, le Comité intergouvernemental d’experts s’est penché sur le thème de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest. Un sujet d’actualité, qu’évoque ici l’économiste principal et directeur par intérim du bureau de la CEA pour l’Afrique de l’Ouest, Emile Ahohé.

"Le Pays" : Quelles sont les raisons qui ont guidé au choix du thème sur la sécurité alimentaire pour la 12e session du Comité intergouvernemental d’experts de l’Afrique l’Ouest ?

Emile Ahohé : Ce thème a été choisi suite aux effets de la crise alimentaire qui a secoué la sous-région ces deux dernières années. Il s’agissait de mener la réflexion sur comment faire en sorte que les pays atteignent l’objectif de sécurité alimentaire non seulement au niveau national mais en tenant compte aussi de la dimension sous-régionale. Le deuxième aspect des échanges était de voir comment le secteur minier peut être un vecteur de développement et non de conflit. La question que nous nous posons également est de savoir ce que les experts vont retenir de cette rencontre pour influencer les politiques nationales dans leur rôle de conseil auprès des gouvernements. Les recommandations de cette session vont ensuite remonter à la CEA pour lui permettre de faire des plaidoyers en faveur de la sous-région.

Qu’est-ce que les résultats de vos travaux devraient changer dans la politique de sécurité alimentaire ?

La CEA est une institution qui produit des idées pour influencer les politiques nationales et sous-régionales. Nous sommes une région dont les potentialités en terre et en eau sont immenses. Et c’est quand même un paradoxe que nous soyons importateurs de denrées alimentaires de telle sorte que lorsqu’il y a un choc extérieur, cela nous affecte automatiquement. Il a été question pour nous à Ouagadougou de recentrer le débat sur l’accroissement de la production à l’intérieur des pays et de la sous-région, les circuits des infrastructures pour désenclaver les zones de production et les connecter au marché. Il y a aussi des actions à entreprendre au niveau sous-régional pour que la sécurité alimentaire soit vue au plan sous-régional.

Si par exemple il y a un surplus au Burkina et un déficit au Nigeria, le surplus peut aller là où il y a le déficit par des circuits commerciaux formels ou informels et cela peut créer des problèmes. Il s’agit donc de voir quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour qu’il y ait une harmonisation des politiques pour que la sécurité alimentaire soit une réalité au niveau de chaque pays et de la sous-région. Nous sommes convaincus, et les études le démontrent, que lorsque les pays se mettent ensemble, ils peuvent utiliser au mieux les terres, les ressources en eaux, les capacités humaines et entrepreneuriales de la sous-région pour arriver à la sécurité alimentaire, évoluer d’une situation d’importateurs de produits alimentaires à celle d’exportateurs. Nous en avons les capacités et cela pourra à terme nous permettre de développer le secteur agro-industrie et de diversifier les exportations.

Malgré toutes les politiques dont on parle, la réalité est tout autre pour les populations qui ne sentent pas leurs effets.

Il faut reconnaître que les gouvernements font des efforts. Le problème est qu’il y a tellement de priorités au niveau national que de temps en temps elles changent de rang. Ce qui s’est passé avec la crise alimentaire a surpris les gouvernements parce qu’il s’agit essentiellement d’un choc lié au déficit de la production alimentaire mondiale. Pendant des années, le potentiel n’ayant pas été pleinement utilisé pour la production locale et sous-régionale, nous avons senti le choc. Les gouvernements ont pris des mesures budgétaires au départ, en octroyant des subventions, en prenant des mesures douanières pour amoindrir le choc en termes de prix intérieurs. Il faut reconnaître par la suite que c’est à travers les ressources fiscales que les gouvernements alimentent le budget et, à court terme, c’était bon mais cela ne pouvait pas être soutenable à moyen terme.

Ces mesures ont été rapidement remises en cause et les gouvernements travaillent pour développer la production locale, les infrastructures qui peuvent désenclaver les zones de production et les relier au marché. Les crises sont une opportunité dans la mesure où elles permettent de réveiller les gouvernements pour les amener à mieux faire. Mais ce qui est plus important, c’est que la sécurité alimentaire, le développement agricole dépassent largement le contexte d’un pays pris individuellement. Par rapport à ce choc, les gouvernements sont conscients qu’il faut entreprendre des actions au niveau national et sous-régional pour que cela ne soit plus un supplice et n’advienne plus.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 novembre 2009 à 15:57 En réponse à : EMILE AHOHE (Economiste au bureau CEA Afrique de l’Ouest) : "C’est un paradoxe que nos pays importent des denrées alimentaires"

    « Recentrer le débat sur l’accroissement de la production ». Le pauvre paysan qui a faim s’en fout. Il veut des choses concrètes depuis le temps que vous réfléchissez sur son problème.

    « Y a tellement de priorités au niveau national que de temps en temps elles changent de rang » . Et donc « manger a sa faim » peut venir après bien d’autres choses souvent. Le plus important ce n’est sûrement pas de manger tout le temps. C’est peut être vrai finalement.

    « Les gouvernements travaillent pour développer la production locale ». Toute la terre, le monde entier est témoin qu’il y a environ 22 ans une politique traduite en des termes simples a permis en deux ans a lutter contre la faim dans un des pays les plus pauvres du monde : « Consommons et Produisons Burkinabé » . Si le Burkina était toujours dans cette lancée, bien des gens (« experts » surtout) allaient profiter de cette « expertise » lors de cette dernière session.

    Il devait vraiment etre en avance sur son temps, Feu Cap Thomas Sankara. Paix a son ame

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