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Mise en examen de Jacques Chirac : Que l’Afrique retienne la leçon !

Publié le mercredi 11 novembre 2009 à 02h02min

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L’ancien président français, Jacques Chirac, a été renvoyé le 30 octobre dernier en correctionnelle. Suite donnée à l’affaire des emplois présumés fictifs de la mairie de Paris, 2 ans et 5 mois après son départ de la présidence de la république.

Le suspens politico-judiciaire aura duré près de deux ans. On se rappelle que, le 21 novembre 2007, la justice française avait mis Chirac en examen, dès le verrou de l’immunité présidentielle terminée. D’ailleurs, il y a 6 ans, la justice avait coûte que coûte essayé d’entendre Chirac alors qu’il occupait encore le fauteuil présidentiel. En définitive, il devra s’expliquer sur 21 emplois, présumés fictifs, de chargés de mission recrutés à son cabinet de l’hôtel de ville de Paris, au moment où il en était le maire, entre 1977 et 1995.

C’est un procès à sensation que le monde entier attend. On le sait, le personnage mis en cause n’est pas un homme ordinaire. Même si pour 72% de personnes interrogées, l’ex- locataire de l’Elysée est « un justiciable comme les autres ». Nul ne peut nier qu’en 42 ans de métier en politique, l’homme se soit fait une notoriété. L’icône des Français est reconnue comme un fin stratège qui a gravi tous les échelons du pouvoir, jusqu’au stade suprême. Jacques Chirac a occupé plusieurs fonctions ministérielles, fut deux fois Premier ministre, trois fois maire de Paris. Ce fut l’élu des français aux deux élections présidentielles de 1995 et de 2002.
Une première dans l’histoire de la République française que le jugement d’un ancien président. Cela ne semble pas émouvoir les Français outre mesure. Plus de sept sur dix d’entre eux, selon un sondage BVA pour M6, estiment que la justice doit suivre son cours pour Jacques Chirac, comme pour n’importe quel citoyen français.

Des avis contraires se sont quand même élevés pour regretter ce qui arrive. : « Je trouve ça très honnêtement assez scandaleux. On ne se grandit pas en poursuivant, sur des bricoles, l’ancien président de la République », avait déclaré l’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua. “Il aurait été plus sage de suivre les recommandations du parquet” qui, (on s’en souvient, avait requis un non-lieu), a regretté le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet de l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin.

Mais il faut dire aussi que l’ancien chef d’Etat français n’est pas du tout aidé par la succession des événements. Son nom est souvent revenu dans les dernieres démêlées judiciaires impliquant ses proches. Le procès Clearstream avec l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, celui de “l’Angolagate”, avec Charles Pasqua. S’ils ne sont pas très nombreux à faire ombrage à ce qui arrive aux préférés des sondages, il n’en manque pas qui assimilent ces événements à un acharnement, à un lynchage impitoyable orchestrés par un Sarkozy bien déterminé à faire rendre gorge à tous ceux qui lui ont obstrué le chemin de l’Elysée.
Mais nous préférons croire à une saine manifestation de l’indépendance de la machine judiciaire française. Les dernières semaines foisonnent en exemples, avec les procès de Dominique de Villepin, Pierre Falcone, Charles Pasqua, Jean-Christophe Mitterrand, fils de l’ancien président socialiste français, l’ex-préfet Jean-Charles Marchiani, etc.

Pasqua, lui-même s’est vu condamné à une peine de trois ans de prison, dont deux ans avec sursis, et 71 millions de francs CFA d’amende pour « trafic d’influence » dans l’affaire dite de l’Angolagate qui n’est autre que cette fameuse histoire de vente illicite d’armes provenant de l’ancien bloc soviétique à l’Angola, alors en pleine guerre civile. Dominique de Villepin, après trois mois de procès risque une peine de 18 mois de prison avec sursis et une amende de 29 475 000 millions de francs CFA.
Le monde n’oubliera pas de si tôt les démêlées judiciaires du couple Tiberi, appelé à répondre de pratiques délictueuses du même genre. Ça se passait en août 1999. Xavière Tiberi, épouse de Jean Tiberi (maire de Paris à l’époque des faits), avait été appelée à répondre des délits de « recel de détournements de fonds publics » et « recel d’abus de confiance ».
Que dire de cet ami et compagnon de Jacques Chirac, Alain Juppé, jugé lui aussi et condamné à une peine d’inéligibilité pour une affaire semblable ? La liste est bien longue.

En cause, les mêmes présumées magouilles que celles reprochées aujourd’hui à Jacques Chirac. Comme quoi les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et comme « à l’époque tout le monde l’a fait, qu’il s’agisse des gens de gauche ou des gens de droite parce qu’il n’y avait pas moyen », on peut s’attendre à ce que le défilé à la barre ne prenne pas fin de si tôt. Pasqua l’a dit : « Y’a pas que Jacques Chirac qui a fait ça ».
L’insolite et l’inédit ici, c’est qu’il s’agit de l’ex-Président de la République française, Jacques Chirac, pour des faits relatifs aux 18 ans de sa gestion à la mairie de Paris. Difficile à comprendre pour nos esprits trop indulgents, trop conciliants, etc. « Mais, on n’aurait pas pu …Laisser tomber, arranger ça…Surtout que ça a duré comme ça là… ? », est-on tenté de dire.

Ne vous fatiguez pas à faire admettre à l’esprit commun que ce n’est pas l’ex-président, Jacques Chirac, que l’on juge, mais le citoyen lambda. Sorti du cocon de l’immunité présidentielle, l’élu de Corrèze est appelé à répondre.
C’est le signe des temps. La France des affaires ne fait plus le poids devant le rouleau compresseur de la justice ; une justice qui cherche à relever la tête devant les Français, après les nombreuses entorses qu’on lui reproche.

Qu’à cela ne tienne, Chirac a dit sa volonté de « se battre avec le respect que l’on doit, naturellement, à la justice ». Lui qui sait plus que quiconque ce qu’elle vaut, n’entend pas s’y soustraire. S’il en sortait blanchi, tant mieux pour tous ceux que la mise en procès du « vieux chef blanc », a affligés, indignés, révulsés. D’ailleurs, l’ancien président a déclaré ne vouloir « ni indulgence ni clémence ». Il a précisé qu’il s’expliquerait en personne « avec sérénité et détermination » lors de son procès, dont il espère la tenue rapide afin de « tourner la page définitivement ».
Au-delà de toutes les polémiques, de toutes les considérations, de toute la gêne qu’autorise notre culture « corotocratique », nous comprenons l’option des 72% des Français vis-à-vis de ce qui paraît un acte majeur de la justice française, même si nous sommes de ceux qui témoignent une réelle et sincère sympathie, une véritable compassion à l’ancien président. Le monde en retiendra, pour l’histoire, un événement « jurisprudentiel ». Notre monde en a besoin pour croire encore à une justice équitable pour grands et petits.

Les jeunes démocraties du tiers-monde, celles de l’Afrique surtout, ont besoin d’exemples du genre pour se construire. Notre rêve est que cet épisode judiciaire ouvre une brèche et promeuve davantage l’indépendance de la justice sous nos tropiques. Que les juridictions africaines en prennent de la graine. Que l’exemple suscite une émulation dans nos pays où la loi se confond au bon vouloir des puissants du moment.

Il reste que, comme le pensent nombre de nos compatriotes, Chirac n’a rien à voir avec un Pinochet ou un Hissène Habré (l’un a échappé à l’étau de la justice malgré ses crimes, l’autre est en train de résister aux assauts répétés de ses victimes réclamant justice). Chirac est loin d’un Charles Taylor dont la communauté internationale attend encore qu’il paie pour toutes les atrocités des guerres du Libéria et de la Sierra Léone et le pillage des richesses de ces deux pays.

Comparé à ces prédateurs hors pairs, Jacques Chirac mérite le Panthéon. Les Français lui auraient réservé une retraite dorée et paisible (lui décerner le prix Nobel de la paix serait tout de même excessif) que le monde n’aurait pas crié au scandale. Contrairement à ces dictateurs, Jacques Chirac a profondément aimé la France et les Français. Il a défendu la paix, la solidarité et l’équité pour les pays pauvres sur toutes les tribunes du monde. En témoigne son opposition au bombardement de l’Irak, se dressant presque tout seul contre l’Amérique fougueuse et justicière. L’actualité brûlante est encore marquée par sa croisade contre les médicaments de rue. Il n’a rien à voir avec les pilleurs des caisses de l’Etat comme on en connaît en Afrique, abonnés qu’ils sont à tous les paradis fiscaux de la planète.

Mais, pour la postérité, que justice soit faite. Dommage si subsidiairement, cette affaire devait permettre, comme certains l’imaginent, à Nicolas Sarkozy de régler ses comptes avec son prédécesseur. Dommage également si cela devait irrémédiablement compromettre l’alternance, amenant nombre de nos guides éclairés, grands manitous et autres grands timoniers à mieux s’arc-bouter, à s’arrimer à leur fauteuil, sinon à y installer fils, frères et amis ou vassaux, sauf ceux qui pourraient les livrer à une quelconque juridiction.

Hortense ZIDA)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2009 à 12:46, par bibititou En réponse à : Mise en examen de Jacques Chirac : Que l’Afrique retienne la leçon !

    Ne comparez pas s’il vous plaît Chirac à nos Présidents africains, il n’a jamais tué personne, il fait parti des personnalités préférées des français. c’est un coup encore de la part de Sarko voilà tout mais vous verrez il a dit lui-même qu’il ira répondre au tribunal donc il n’a rien à se reprocher.

  • Le 11 novembre 2009 à 15:04, par maurice melliet En réponse à : Mise en examen de Jacques Chirac : Que l’Afrique retienne la leçon !

    La France mais surtout ses dirigeants sous le prétexte d’une démocratie règle ses comptes au plus haut niveau afin d’éliminer les éventuels retours ! certainement pas Chirac mais l’affaire concernant de Villepin en est un exemple !
    Dans quelques semaines voire quelques jours, les requins vont se mettre à table en croyant sauver le peu de "couilles" qu’ils leur restent ! Pasqua ne tombera pas sans entraîner dans son sillage ses petits copains d’alors ! Surtout que ceux-ci ont chargés la mule avec du pastis et des armes !
    Come on peut le constater, la france n’a pas de leçon à donner aux pays d’afrique car chez nous cela se passe d’une façon plus sournoise qu’en afrique...
    Et bien sûr le résultat est le même à l’arrivée : corruption, délit d’initié, intimidation, écoute téléphonique, détournement de fond, et de subvention, utilisation de l’argent publique à des fins personnelles et j’en passe et des meilleures !
    Chirac savait qu’il serait rattraper par ses casseroles qu’il traînait depuis la mairie de Paris ! c’est aussi pour cela qu’il réussi a prolonger son statut d’immunité le plus longtemps possible !
    Un Français ami du Burkina faso
    Maurice MELLIET

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