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MANDAT D’ARRET DE LA CPI : La peur mal cachée de El-Béchir

Publié le mardi 10 novembre 2009 à 01h03min

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Omar El-Béchir est absent de la réunion de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Malgré le soutien du chef du gouvernement turc, Abdullah Güll, le dirigeant soudanais a finalement renoncé à faire le déplacement d’Ankara. Il ne figurera pas dans la photo de famille des chefs d’Etat et de gouvernements, qui marquera la fin des travaux. Faut-il lier ce désistement de dernière minute au récent déchaînement d’une presse locale globalement opposée à l’arrivée du numéro un soudanais en Turquie, et très hargneuse à son égard ? Cela est possible.

Car, il est connu que les dirigeants africains vivent généralement très mal à l’étranger (en Occident en particulier) des séjours bruyants, marqués par des manifestations de protestations et des "campagnes de dénigrement" de sociétés civiles qui les traitent de tous les noms de ... bourreaux. Alors, El-Béchir a-t-il craint d’être l’attraction de la réunion ? A-t-il eu peur d’être jeté en pâture à l’opinion publique turque ? Ou bien, faut-il croire à la version officielle de Khartoum, faisant état d’un contretemps de dernière minute, qui est de nature à fausser tout son programme ? Seule certitude, en tout cas : le mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale (CPI) fait de l’effet. Il reste visiblement, au pied du président Omar El-Béchir, comme une grosse épine qui handicape de plus en plus ses déplacements à l’étranger.

En tout état de cause, El-Béchir devra dorénavant tenir compte de son nouveau statut de wanted pour éviter de mettre les pieds n’importe où. Cela pourrait lui coûter très cher et il doit donc se mettre à l’abri de toute surprise désagréable. Certes, le bourreau des Darfouris, comme l’en accuse le juge Luis Morieno Ocampo, s’est permis quelques escapades hors de son pays. Encore que, même là, il a toujours fallu mesurer les risques encourus, pour s’éviter le voyage sans retour. Sous cet angle, Omar El-Béchir a le sommeil trouble. Il n’est pas si imperturbable comme il veut le laisser croire. L’époque où il tournait en dérision le mandat d’arrêt de la Cour lancé contre lui, par des pas de danse qui ont fait le tour du monde, est bien loin.

Pour le numéro un soudanais, l’heure semble à présent à une véritable prise de conscience de la sérieuse menace que fait planer ce maudit mandat sur sa tête. Pour tout dire, ça devient de plus en plus compliqué pour El-Béchir, sans doute frustré de voir se multiplier ses absences à des rencontres internationales auxquelles il attache certainement du prix. Et du prix, il attachait sans aucun doute aussi à la grande rencontre de Turquie. Nul doute que cette conférence valait, aux yeux du chef d’Etat soudanais, son pesant de déplacement. D’abord parce qu’en tant que pays se revendiquant d’un islamisme pur et dur, le Soudan ressent une forme de proximité psycho-affective à l’égard de l’Organisation. Ensuite parce que celle-ci lui rend, en retour, si bien cette "amitié", elle qui n’avait pas hésité à lui apporter son soutien. Pourquoi donc El-Béchir se serait-il privé de l’occasion d’aller se faire remonter le moral auprès de quelques pairs amis, s’il avait eu toute la latitude de se rendre en Turquie ?

Tout aura été dit pour décourager la CPI dans sa croisade contre les dirigeants africains aux mains dégoulinantes du sang de leur peuple : elle s’acharne sur les plus faibles ; elle pratique une justice à deux vitesses, alors que l’Occident connaît aussi ses bourreaux, à l’image du prédécesseur de Barack Obama, George W. Bush, Ariel Sharon, Ehud Olmert et autres, tous méritant aussi de figurer en bonne place sur la liste noire de la Cour.

Malgré tout, la CPI est restée comme imperturbable face aux pressions, continuant à dérouler son rouleau compresseur qui pourrait bientôt s’étendre à des dirigeants actuels comme ceux de la Guinée Conakry et du Kenya.

Slobodan Milosevic, Charles Taylor, Jean Pierre Bemba, Radovan Karadzic, etc., voilà suffisamment de preuves que la CPI ne lâche jamais prise. De quoi amener les dirigeants africains à se faire une raison, plutôt qu’à toujours continuer à crier à une justice à géométrie variable et à remettre en cause l’impartialité de cette juridiction internationale. Ce discours-là est assurément inopérant. D’autant qu’il n’a permis à ce jour à aucun illustre pensionnaire des prisons de cette Cour, de recouvrer la liberté. Pour éviter d’être dans le viseur de la CPI, ce n’est pas sorcier. Il suffit de ne pas commettre les mêmes erreurs que Bemba, Taylor et autres qui méditent en ce moment leur sort. Reste à savoir combien de dirigeants africains sont attachés à la voie pacifique, et en toutes circonstances, eux qui ont cette farouche tendance à jouer les pères fouettards. Le seul antidote contre la CPI reste la bonne gouvernance démocratique.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 10 novembre 2009 à 07:44, par John En réponse à : MANDAT D’ARRET DE LA CPI : La peur mal cachée de El-Béchir

    Félicitations au Pays pour ses éditoriaux de qualité et très pertinents aussi bien sur l’actualité internationale que nattionale. Merci de continuer sur cette voix de l’excellence

  • Le 10 novembre 2009 à 21:42, par Madjer En réponse à : MANDAT D’ARRET DE LA CPI : La peur mal cachée de El-Béchir

    Merci au édition le pays pour cet article qui donne à refléchir aux dirigeants africains. El Bechir fasait son malin au départ croyant que c’était une mince affaire avec la flatterie de ces pairs africains. Un faux soutien oui ! Je pense qu’il a lui même bien compris maintenant qu’il risque un voyage sans retour. C’est pas un dictateur comme El Bechir qui pourra défier la CPI. Il a compris que c’est des gens imperturbable. Une vraie léçon pour les autres dictateurs.

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