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Institut Afrique moderne : "Une réponse aux questions de développement" (Dieudonné Badini)

Publié le vendredi 30 juillet 2004 à 13h34min

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L’Institut Afrique moderne (IAM), créé il y a quelques mois de cela par l’Administrateur associé du PNUD, Zéphirin Diabré, et d’autres éminentes personnalités mondiales, poursuit son chemin. Où en est-on de nos jours avec ce "think tank" burkinabè ? C’est ce que nous avons voulu savoir à travers cet entretien avec le Coordonnateur intérimaire, Dieudonné O. Badini.

Le moins qu’on puisse dire est que depuis votre départ du département des Finances, où vous étiez SG, vous semblez avoir quitté le Burkina ?

• Non, je n’ai pas quitté le Burkina. J’ai juste effectué une mission d’audit financier hors du pays, plus précisément en République centrafricaine, à la demande du PNUD-Bangui. Mais il faut dire qu’après la passation de service avec mon successeur, j’ai quitté aussitôt le building des Finances pour exécuter cette mission et rejoindre mon nouveau poste d’affectation (la DRH du ministère des Finances et du Budget) situé hors de ce bâtiment. C’est peut-être mon absence de cet immeuble, que j’arpentais plusieurs fois par jour de 1979 à 2002, qui donne cette impression que je ne suis plus au Burkina. Il y a eu, d’autre part, beaucoup de fausses rumeurs concernant des postes que j’aurais occupés à l’extérieur du pays. Mais vous savez qu’à Ouagadougou, l’imagination est fertile, et ce ne sont pas les rumeurs de ce genre qui font défaut.

En Centrafrique ,vous avez aidé, dit-on, les autorités à assainir leurs agrégats macroéconomiques. Qu’en a-t-il été au juste ?

• Disons que j’ai conduit une mission d’audit de la gestion du personnel de la Fonction publique centrafricaine. Il s’agissait pour la mission, composée d’experts nationaux et internationaux :
d’une part, d’effectuer un audit des procédures de gestion du personnel de l’Etat et de traitement des salaires ; de faire un contrôle physique des fonctionnaires et agents de l’Etat ; de situer le gouvernement sur le montant exact des arriérés de salaires (dont certains dataient des années 1992,1993) et de faire le point des créances de l’Etat sur les fonctionnaires (prêts, avances, acquisitions à crédit de divers biens appartenant à l’Etat) ;
d’autre part, de proposer des modalités de paiement des arriérés de salaires et d’apurement des créances de l’Etat et, d’une manière plus générale, de faire toutes propositions de solution appropriées pouvant contribuer à améliorer la gestion du personnel et des salaires et augmenter l’efficacité des services.

Restons toujours dans ce pays, que vous auriez quitté en pirogue, alors que les balles sifflaient à vos oreilles...

• C’est vrai, vos informations sont exactes ; mais il faut dire que je n’étais pas seul à emprunter ce chemin périlleux. En fait, j’ai bénéficié, comme tant d’autres du reste, de l’évacuation par pirogue du personnel du système des Nations unies pour rejoindre l’autre rive de l’Oubangui-Chari (en RDC), puis le Burkina, via le Cameroun. C’est donc dire que « le sauve qui peut », dont vous parlez était général et la traversée du fleuve était le plus court chemin, et semblait être la voie la moins dangereuse.

Vous avez lancé avec d’autres personnalités burkinabè et étrangères, le 2 mars 2004, « l’Institut Afrique moderne », (IAM). Quelles sont les motivations de cette initiative ?

• Il faut dire que les promoteurs de cet institut ont tout simplement constaté, comme bien d’autres personnes du reste, que les questions du développement économique et social, qui sont au cœur des préoccupations des pays africains, n’ont toujours pas trouvé de réponses adéquates et satisfaisantes, en dépit des diverses réformes économiques. L’une des explications de cet état de fait serait que les politiques mises en œuvre ne sont pas souvent adaptées à nos réalités africaines. Cependant, il faut éviter les conclusions hâtives et faciles, qui balayent d’un revers de la main ce que les autres ont construit - peut-être même avec notre participation -, sans proposer des alternatives crédibles, convaincantes et pratiques.

C’est pour cette raison que les initiateurs de l’IAM ont jugé nécessaire de mettre en place un cadre qui pourrait permettre d’atteindre cette finalité : un centre d’étude, d’analyse, d’échange, de recherche que nous avons dénommé « Institut Afrique moderne ». Nous avons la conviction que la recherche scientifique sur les questions de développement est un puissant vecteur de progrès et, partant, que le centre que nous mettons en place devrait pouvoir jouer un rôle déterminant dans la création de connaissances et d’idées nouvelles plus porteuses. Nous sommes d’autant plus encouragés que notre initiative est en quelque sorte une réponse à l’interpellation des pays africains à développer une pensée endogène sur les questions de développement ; une interpellation maintes fois réitérée à l’occasion de nombreuses rencontres, où la question du développement de l’Afrique était au centre des débats.

L’IAM a-t-elle vraiment des chances de faire bouger positivement les choses ?

• Nous l’espérons bien, car c’est cela notre objectif principal, et nous avons des raisons d’espérer. En effet, en plus de ses promoteurs, parmi lesquels on compte de hautes personnalités de la finance et des sciences économiques (référez-vous à la liste des membres du Conseil d’administration), l’IAM va réunir autour de lui toutes les compétences nécessaires, nationales et internationales, à même de mener des réflexions approfondies et des recherches scientifiques sur un thème donné, et de déboucher sur des propositions concrètes, pratiques, et donc crédibles, qui seront présentées aux décideurs. Il en assurera ensuite une explication et un plaidoyer auprès des populations pour leur information, leur adhésion et leur implication dans la mise en œuvre éventuelle. Ce ne sera donc pas de la théorie intra-muros, mais des propositions concrètes et pratiques dont l’application devrait en principe faire bouger les choses, pour reprendre votre expression.

M. Badini, quatre (4) mois se sont écoulés depuis la rencontre des promoteurs de l’IAM avec la presse. Que devient l’institut ?

• La mise en place de l’institut se poursuit assez bien, et même plus rapidement que ses promoteurs ne l’escomptaient. Après l’assemblée générale constitutive le 2 mars 2004, l’IAM a obtenu des autorités de l’Administration territoriale et de la Décentralisation son récépissé de reconnaissance, au mois de mai 2004. Il a ensuite procédé à l’enregistrement du récépissé au journal officiel du Faso, à l’ouverture d’un compte bancaire (en juin 2004), à l’acquisition d’un siège à Gounghin, à sa réfection et à son équipement en mobilier, matériel de bureau, outil informatique (en juillet 2004). Les fournitures d’eau, d’électricité, de téléphone sont aussi fonctionnelles. Un projet de programme d’activités, étalé sur cinq (5) ans, est déjà élaboré. Plusieurs rencontres ont réuni les membres et une importante réunion devrait se tenir au mois d’août prochain. Nous sommes donc assez avancé dans la mise en route de l’institut. Le démarrage des activités pourrait même être effectif dans le courant 2004, plutôt qu’en 2005, comme initialement prévu. On peut donc conclure que l’installation de l’institut s’effectue normalement.

Le Burkina, malgré une croissance acceptable, est toujours avant dernier dans le classement du PNUD. Quels commentaires faites-vous ?

• D’une manière générale, les gens sont unanimes à reconnaître que le Burkina mérite un classement meilleur que celui qui lui est attribué par le rapport mondial sur le Développement humain durable (DHD). Certes, il y a un problème de mise à jour des données statistiques, mais l’indice de développement humain sur la base duquel se font les classements est, comme chacun sait, un indicateur composite, qui prend en compte les niveaux d’éducation, de couverture sanitaire, d’espérance de vie et de revenu monétaire. Or, dans ces domaines, le Burkina accuse un déficit sérieux, même s’il y a aujourd’hui une certaine amélioration. Mais au-delà du problème de classement, ce qui me paraît important à retenir, c’est la place du Burkina parmi les pays les plus pauvres de la planète. Le classement ne devrait donc pas nous décourager. Bien au contraire, il doit nous interpeller à plus d’engagement pour sortir notre pays de cette extrême pauvreté.

En tant qu’économiste, qu’est-ce qui est prioritaire parmi les priorités au Burkina ?

• Il n’est pas aisé de déterminer la priorité des priorités du Burkina. Et ce n’est pas évident qu’il y ait un consensus sur la question. Mais ce n’est peut-être pas là la question principale. Ce qui paraît essentiel, c’est comment assurer la gestion harmonieuse et efficace de l’ensemble des questions prioritaires de développement de notre pays, suffisamment explicitées dans le document Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) ; ou encore comment réaliser, dans notre pays, les objectifs du millénaire pour le développement, en comptant d’abord sur nos propres forces, c’est à dire sur nos propres ressources. C’est justement à cet ensemble de questions que l’IAM se propose de répondre dans un cadre de réflexion, d’étude et de recherche appliquée, associant toutes les compétences tant nationales, africaines qu’internationales, ainsi que les centres et instituts analogues.

Entretien réalisé par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga,

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