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CATASTROPHE DU 1er SEPTEMBRE : Sinistrés d’hier, déguerpis de demain

Publié le lundi 19 octobre 2009 à 03h13min

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L’équipe du Premier ministre Tertius Zongo veut faire des sinistrés d’hier des déguerpis de demain. En effet, à la date butoir du 30 novembre prochain, ils devront avoir quitté les sites d’accueil, en raison même des dispositions prises en leur faveur. Plus question également de favoriser la réinstallation des sinistrés dans des zones inondables ou submersibles. La décision en soi est salutaire.

On ne saluera jamais assez, en effet, l’élan de solidarité manifesté tant au plan national qu’international, suite au sinistre enregistré en septembre dernier. Cet élan se poursuit et il faut s’en féliciter. Il faut aussi reconnaître les efforts déployés par le gouvernement pour trouver des solutions aux problèmes qui en découlent. Les actions de sensibilisation, le souci de transparence et de visibilité qui les accompagnent ont du mérite. L’adage populaire ne dit-il pas que : "chat échaudé craint l’eau froide" ? On peut donc comprendre la détermination des autorités à vouloir prendre le taureau par les cornes.

Mais, dans l’optique d’une gestion plus rigoureuse de la situation, des mesures d’accompagnement autant que des mesures préventives s’avèrent indispensables. Il faudra les créer si elles n’existent pas, et les faire observer sur toute l’étendue du territoire national. Des sinistrés s’attendaient à être relogés. Cela est humain, surtout lorsque la solidarité qui se matérialise quotidiennement se traduit aussi par des milliards qui font rêver. Mais l’Etat dit manquer de moyens pour faire face à certains drames. Il ne peut se hasarder à satisfaire tous les besoins au risque de provoquer un précédent fâcheux. Cela ne le dédouane pas pour autant, eu égard aux agissements de certains éléments de la classe dirigeante elle-même. Le rôle de l’Etat ne consiste-t-il pas aussi à s’assurer que la grande majorité des citoyens disposent d’un logement décent ? La paix sociale aussi est à ce prix. L’égalité des chances ou l’égalité de traitement ne doit pas être un vain mot.

Pourquoi, en effet, ne pas adopter et exécuter un vaste programme de logements sociaux sur l’ensemble du territoire ? De tels chantiers auront l’avantage de procurer des marchés aux petites et moyennes entreprises du secteur formel comme du secteur informel. Parallèlement, on créera des emplois à haute intensité de main-d’œuvre dans nos villes et villages, permettant alors de résorber le chômage des jeunes et de freiner l’exode rural. Les villageois qui sont avant tout des parents aux citadins et aux décideurs, ont aussi droit à un logement décent. Les arguments basés sur les coûts de telles initiatives ne doivent pas faire reculer. Trop d’études et de réalisations existent au Burkina et dans différents pays africains qui montrent que les matériaux locaux sont performants et peuvent être exploités à cette fin. C’est une question de volonté politique et cela relève bien de la lutte contre la pauvreté. L’indigence, il est vrai, existe en ville, mais davantage dans les villages où elle a pour visage le sans-abri autant que le logement précaire. Il faut arrêter de vivre des catastrophes et songer à construire des logements décents. Surtout penser à bâtir du solide dans une perspective écologique. Le développement durable, c’est aussi cela.

Par ailleurs, la localisation des sites d’habitation mérite qu’on y regarde de plus près. Dans quelle mesure les municipalités travaillent-elles avec les ministères et les techniciens de la construction ? Quelle place accorder aux établissements financiers et bancaires dans une telle perspective ? Un forum avec la société civile permettra certainement d’y voir plus clair. Il s’avère chaque jour urgent de donner un coup vigoureux à la politique d’octroi de crédits devant permettre au petit salarié de disposer d’un logement. Dans une telle perspective, les taux d’intérêt devront être réexaminés. L’occasion est là de revisiter les structures publiques ou paraétatiques qui se consacrent au logement. Leurs mandats sont-ils adaptés au contexte actuel ? Certaines d’entre elles construisent, louent ou rétrocèdent les bâtiments. D’autres construisent et louent presque à perpétuité.

La gestion en devient alors complexe puisque les cités bâties sont le plus souvent inachevées dans leur projet ou mal entretenues, avec les sempiternels problèmes de recouvrement. Un petit tour permet de constater que les rues sont mal éclairées, cahoteuses, généralement pas revêtues. Les caniveaux, s’ils existent, ne sont jamais curés. Plutôt que de servir de modèles avec des infrastructures socio- sanitaires adaptées, des espaces verts, des écoles bien protégées et des galeries marchandes, certaines cités sont aujourd’hui des nids d’insécurité et de délinquance, de véritables décharges publiques où se croisent insectes, rongeurs et reptiles divers. La faute incombe autant aux résidents qu’aux structures de gestion.

S’il faut lutter contre l’installation anarchique des populations, l’Etat doit lui aussi donner le bon exemple en adoptant une politique d’habitat et de logement plus rigoureuse mais réaliste. Il n’est pas honorable de toujours crier à la solidarité nationale ou internationale alors que les problèmes sont récurrents, et que leurs origines sont bien connues. Il faut, à ce propos, en finir avec les problèmes d’information, de vulgarisation de textes existants en la matière. Un citoyen mal informé est un sinistré potentiel. Outre le fait de se pencher sur la qualité et le coût des matériaux de construction, l’Etat doit s’assurer que ceux qui construisent respectent les normes en se faisant assister obligatoirement des experts officiellement reconnus.

Il faut prévenir les catastrophes ; mais cela n’est possible que si l’on met fin aux lotissements de complaisance, aux attributions de lots et de parcelles effectuées, pour la plupart, sur des bases floues. Etant donné les promesses généreuses faites lors des campagnes électorales, n’est-il pas logique que l’électeur attende des pouvoirs publics toute forme d’assistance lorsque surviennent des catastrophes ?

"Le pays"

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Vos commentaires

  • Le 19 octobre 2009 à 11:48, par basga En réponse à : CATASTROPHE DU 1er SEPTEMBRE : Sinistrés d’hier, déguerpis de demain

    oui. d’accord avec vous qu’il faut une véritable politique de l’habitat. Celle-ci ne peut se résumer à une distribution de parcelles comme le gouvernement le fait jusque-là en fait. peut-on donner une parcelle à chaque burkinabè ? ce qu’il faut, c’est une politique des logements sociaux avec tous les avantages cités dans l’article. J’ajoute qu’une telle politique profiterait directement à de nombreux sinistrés qui sont sans emploi ou exercent des emplois précaires.
    Ensuite il faut déplorer la précipitation des mesures annoncées et le fait que cela s’est fait sans concertation, ni avec les premiers concernés, ni avec les partenaires. Du reste, un problème aussi grave concerne tous les burkinabè (à preuve, l’appel du chef de l’Etat) et il aurait fallu trouver un mécanisme pour impliquer différents acteurs en vue de parvenir aux meilleures décisions possibles prenant en compte des aspects qui ont certainement été ignorés ou éludés par le gouvernement.
    Dans tous les cas, le problème en réalité demeurera,même si le 30 novembre, les sinistres sont chassés des sites. mais, cela n’est-il pas conforme à une certtaine tradition du pouvoir qui consiste à reporter simplement les problèmes ?

  • Le 19 octobre 2009 à 14:52 En réponse à : CATASTROPHE DU 1er SEPTEMBRE : Sinistrés d’hier, déguerpis de demain

    Bel article de presse mais qui auraient pu être amélioré en analysant quelles sont les conditions prises pour que ces sinistrés puissent quitter leur site d’hebergement. Auront-ils un logement, même s’ils ont les moyens ? Que deviendront ceux qui en auront pas pour se réloger ? Qelles sont les décisions que l’Etat prendra-t-il pour cette catégories de personnes ? Il faut interroger les autorités pour le comprendre ?

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