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Salvador Yaméogo, président du Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF) : “La désignation du chef de file de l’opposition clarifie le jeu politique”

Publié le vendredi 16 octobre 2009 à 04h31min

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Le Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF) tient les 17 et 18 octobre prochains son premier congrès ordinaire à Ouagadougou sous le thème : “Mouvance présidentielle : bilan et perspectives “. Son président, le député Salvador Yaméogo se prononce sur cette étape importante de la vie de son parti, créé il y a plus de quatre ans. Il donne également son opinion sur le débat politique national, la crise économique, le traité d’amitié ivoiro-burkinabè, la situation en Guinée-Conakry.

Sidwaya (S.) : Que représente aujourd’hui le Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF) sur l’échiquier politique national ?

Salvador Yaméogo (S.Y.) : Le Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF) a été crée en mars 2005. Il est, actuellement membre de l’Alliance des partis et formations politiques de la mouvance présidentielle (AMP). Mon parti a participé à l’élection présidentielle en soutenant le candidat Blaise Compaoré. Il a également été présent aux élections municipales de 2006 et s’en est sorti avec 34 conseillers municipaux, après à peine un an d’existence. Quant aux élections législatives de 2007, le RDF a choisi de se présenter en coalition avec d’autres partis sous une bannière commune, celle de l’Union pour la République (UPR). Il a obtenu le seul député que je suis.

A ces assises, nous voulons transmettre un message d’espoir à nos militants et à tous les Burkinabè. Quelles que soient leurs difficultés actuelles, pour se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner, inscrire ses enfants à l’école, trouver du travail, il faut continuer d’espérer. Le Burkina Faso est un pays en voie de développement qui doit se donner légitimement les moyens d’entrer en émergence. Il est aujourd’hui admis, que le développement ne se fonde pas exclusivement sur les ressources naturelles, ni sur la position géographique. Le progrès dépend d’un ensemble de facteurs parmi lesquels le capital humain, c’est-à-dire les institutions et l’éducation jouent un rôle essentiel. L’espoir est donc permis. Il suffit de se doter d’un cadre propice, bénéficiant déjà de la paix sociale et de la stabilité politique, pour engager les chantiers salvateurs pour le bien-être des populations. La consolidation de l’Etat de droit doit se poursuivre de sorte que chaque Burkinabé puisse exprimer davantage librement son opinion et son choix politiques.

S. : Peut-on aujourd’hui soutenir que l’AMP repose sur des bases solides ?

S. Y. : La désignation de maître Bénéwendé Stanislas Sankara comme chef de file de l’opposition, que nous félicitons d’ailleurs, clarifie un tant soit peu le jeu politique. Elle range de fait l’ADF-RDA dans le camp de la Mouvance présidentielle ou de la majorité. Dans la mouvance présidentielle ou dans la majorité, grossie par l’arrivée de l’ADF/RDA, les partis membres de l’AMP ou non vont continuer aux côtés du CDP d’apporter leur soutien au programme du chef de l’Etat. De ce point de vue, il faut se situer par rapport à cette nouvelle donne et le congrès du RDF va ouvertement en débattre, s’agissant des perspectives de la mouvance présidentielle. Au final, une telle réflexion est d’autant plus opportune que la situation du chef de file de l’opposition vient de se décanter. Cette avancée permettra de mieux replacer la mouvance présidentielle dans son rôle et de hâter sa restructuration.

S. : Quelle est votre opinion sur la proposition de Salif Diallo de refondre les institutions de l’Etat notamment l’instauration d’un régime parlementaire ?

S.Y. : La sortie de Salif Diallo a été une surprise pour beaucoup d’observateurs de la scène politique burkinabè. Bien avant lui, des personnalités politiques de renom, telles Me Hermann Yaméogo, en premier si je ne m’abuse, avaient émis le souhait que notre pays ait le courage de revisiter ses institutions. Certains ont même suggèré l’alternance immédiate, même si celle-ci ne peut se décréter. C’est sur ces entrefaites effectivement que le ministre d’Etat a renforcé la tendance par sa déclaration. Fini l’effet de surprise, mon point de vue est le suivant. Au-delà du charisme du président du Faso, la crédibilité des institutions actuelles force l’admiration et la reconnaissance de ce pays à l’extérieur. Tout n’est certes pas parfait mais il y a un grand pas qui a été franchi dans la construction de l’Etat de droit. Donc la proposition d’agir sur les institutions doit être considérée avec beaucoup de prudence. Celles-ci représentent notre capital humain.

Il est reconnu aujourd’hui que dans le développement, ce volet intervient en premier, l’éducation ensuite et les ressources naturelles en dernier. Il faut s’entourer de toutes les précautions quand on veut agir sur les institutions. Etant donné que l’idée est venue d’une éminente personnalité du parti au pouvoir, il faut l’appréhender avec beaucoup de prudence et dans un contexte apaisé, exempt de toute la passion qui a entouré la sortie de notre ancien Ministre d’Etat. Tout est un mouvement perpétuel même la vie politique. Les institutions peuvent être appelées à évoluer. Je ne pense pas qu’une telle suggestion soit contraire à la vision du premier responsable du pays, s’il est avèré qu’elle va dans le bon sens. Maintenant, le débat sur la question doit être ramené dans un cadre serein qu’il n’aurait jamais de quitter, en associant toutes les volontés et tous les acteurs. Toutes les synergies, toutes les intelligences d’où qu’elles émanent sont appelées à y prendre part. Voilà mon opinion sur cette sortie de Salif Diallo. Elle a suscité beaucoup de sensationnel, de spectacle même ; mais au-delà l’essentiel doit prévaloir si nous voulons sauvegarder la démocratie burkinabè, en ne perturbant pas inutilement son agenda. Au lendemain de l’élection présidentielle de 2010, l’organisation d’un grand forum politique est envisageable pour asseoir toutes les forces vives et débattre de l’opportunité et des possibilités d’améliorer notre système institutionnel et politique.

S. : Comment vous et votre parti aviez accueilli le forum sur l’alternance organisé sous la houlette de Zéphirin Diabré ?

S. Y. : J’ai personnellement beaucoup de respect pour M. Zéphirin Diabré et il nous a fait l’honneur de nous approcher pour prendre part à ce forum. Après avoir consulté ma formation, nous avons estimé que s’il s’agissait d’un ´ Forum citoyen sur l’alternance ª, nous aurions pu y prendre part. Mais puisqu’il était clairement question d’un ´”Forum de citoyens de l’alternance “, nous ne pouvions que décliner, au vu de notre agenda politique et de notre appartenance à la mouvance présidentielle. Mon parti et moi soutenons quelqu’un qui est en exercice et politiquement, moralement, il est indécent d’aller débattre des modalités de l’alternance, donc de son départ.

C’est en tous les cas cette approche (stratégique et non thématique) de l’alternance que je crois avoir retenu dans ce forum. L’alternance démocratique peut effectivement être perçue comme une forme d’aboutissement de la démocratie. Par les urnes, un camp s’impose et en remplace un autre. Dans cette perspective, le débat est ouvert et il appartient au peuple de trancher. Tant que l’on ne s’ouvre pas à une alternance pacifique, on ne peut pas décréter la démocratie pleinement accomplie dans un pays. Parce que démocrate, nous sommes pour l’alternance, parce qu’elle se fera lorsque le peuple le décidera. Le Forum n’a fondamentalement pas posé le problème de l’alternance autrement que ne le font les partis d’opposition depuis des lustres. Le chantre du “Tékré “ a fini avec cette problématique de la conquête du pouvoir d’Etat, il y a belle lurette. La question de fonds est qui du système partisan et de la société civile est l’acteur principal dans le jeu de rôle de l’alternance par les urnes ? Que ce soit un forum citoyen, d’accord. Mais il faut, au stade actuel, éviter la confusion de genres et de rôles, en distinguant dans le système politique, la classe politique de la société civile.

S. : Les Etats africains ont été mis à rude épreuve par les différentes crises alimentaire, énergétique, économique. En tant qu’économiste et homme politique, quelle aurait été votre proposition pour juguler leurs effets pervers ?

S.Y. : Le congrès de mon parti va passer en revue la situation nationale et partant les difficultés que les crises successives ont engendrées dans le vécu quotidien de nos populations. Si les dirigeants du monde occidental avaient pris le soin d’analyser, à temps, les prévisions de certains de leurs économistes, l’on aurait pu s’apercevoir que la crise financière qui a secoué l’Occident était prévisible voire prévue. Tous les pays sont intégrés dans l’économie mondiale mais à des degrés divers selon leur modelé économique et leur place dans le commerce international et la finance. Les pays africains ont très peu de capacités de réaction face à ces crises. Faiblement intégrés à l’économie mondiale, ceux de notre espace ont davantage subi et subissent davantage l’impact de la crise économique (ou énergétique et alimentaire) et la contraction de la demande du Nord pour nos spéculations, qu’ils n’ont directement subi le contrecoup de la crise financière. En tout état de cause, des leçons doivent être tirées de ce qui s’est produit en 2008 et 2009.

L’Afrique de l’Ouest doit minutieusement examiner les mécanismes dont cette sous région dispose pour réagir collectivement à de telles crises. Les pays qui ont choisi le libéralisme se sont fortement mobilisés, à travers leurs Etats, pour trouver des réponses urgentes et appropriées, quand il s’est agi de rétablir la confiance dans le secteur bancaire, amortir le choc financier et éviter la faillite de tout le système. Cela a passé par des injections massives de milliards d’euros, par des nationalisations. En second lieu, il faut, à l’avenir, une appréciation plus fine et anticipative des conditionnalités des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) quant aux plans de développement que les pays africains auront eux-mêmes définis. En tant qu’élu et responsable politique, appréciant quotidiennement ce monde globalisé dans lequel nous sommes, je suis tenté de dire qu’il faut travailler à ne plus seulement dépendre de son évolution, mais aussi à agir (collectivement) sur lui. Nous avons tout intérêt à renforcer la coopération sous régionale, notamment dans le cadre de l’UEMOA et de la CEDEAO, pour espérer parvenir à gérer (collectivement) les difficultés de notre insertion dans l’économie mondiale et les conditionnalités propres de notre émergence.

S. : Etant donné que la plupart des opérateurs économiques se réfugient sous un parapluie politique, le premier ministre a-t-il des chances de venir à bout des griefs faits à l’économie burkinabè, la propension à la fraude et la survivance des travaux mal exécutés dont il a déclaré la guerre ?

S.Y. : Objectivement, des fondamentaux militent en faveur de la réussite de ce combat que mène Tertius Zongo. Il s’agit de la volonté politique qui a prévalu dans la création des institutions consacrant l’engagement du gouvernement à lutter contre la fraude, la corruption, l’incivisme fiscal et entrepreneurial. A cela s’ajoute, l’action gouvernementale visant à asseoir en permanence la culture de la bonne gouvernance. Encore une fois, c’est un travail de fourmis à inscrire dans une longue perspective et cette équipe actuellement à l’œuvre doit pouvoir bénéficier du temps nécessaire pour parachever sa mission. Maintenant, il faut avoir le courage de stigmatiser la non-séparation entre le politique et l’économie. L’imbrication toujours forte des deux registres pose un problème récurrent. Il faut aux hommes d’affaires un cadre leur permettant de mener leurs activités normalement pour pouvoir satisfaire leurs obligations fiscales. A l’Etat de remplir ses prérogatives, notamment sur le stock de la dette intérieure. La collusion entre les mondes économique et politique n’est pas l’apanage du Burkina Faso. C’est un phénomène généralisé. Des pays sont moins bien lotis que le nôtre et d’autres mieux perçus, voire exempts de tout reproche. Il nous faut prendre l’exemple sur ces derniers. La confiance que les bailleurs de fonds vouent à un pays est proportionnelle à sa capacité de gestion de ses finances publiques et des appuis budgétaires consentis. Lutter efficacement contre la fraude et la corruption est donc un enjeu capital pour notre développement.

S. : Quelle est votre lecture du rapprochement entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire à travers un Traité d’amitié et de coopération dont la mise en œuvre vient d’être lancée en septembre à Yamoussoukro ?

S.Y. : Mon parti salue la signature de ce Traité au même titre qu’il a apprécié positivement les efforts déployés par le président du Faso pour une issue heureuse et durable à la crise ivoirienne. L’accord politique de Ouagadougou qui a marqué le debut de son implication forte dans le processus de sortie de crise en RCI, entre dans sa phase ultime, pour un retour définitif de la paix avec des élections annoncées pour le 29 novembre... Dans le même temps, les visites d’Etat réciproques des présidents Gbagbo et Compaoré, avec toute la symbolique attachée (Conseil de ministres conjoint) viennent magnifier ce traité d’amitié et de coopération et placer haut la barre s’agissant du renforcement de l’axe Yamoussoukro-Ouagadougou. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans les relations ivoiro-burkinabè et la mise en œuvre du traité contribue à un meilleur rapprochement des deux peuples. L’attache particulière que j’ai pour ce pays fait que je ne peux que me réjouir de cette évolution dans les relations de bon voisinage. Notre souhait est que cette étape dans le règlement de la crise, par l’organisation d’élections acceptées par tous les acteurs politiques connaisse le même succès, au bénéfice mutuel des Ivoiriens eux-mêmes et des deux peuples frères.

S. : Avec le choix de Blaise Compaoré comme facilitateur, la signature du traité, l’histoire n’a-t-elle pas donné raison à votre frère Hermann Yaméogo qui a très tôt appelé à une implication accrue du Burkina Faso dans la résolution de la crise ivoirienne ?

S.Y. : Si l’on veut se référer à l’histoire dans les relations ivoiro-burkinabè, il convient d’abord de se souvenir qu’en 1965, le président Maurice Yaméogo s’est battu pour l’instauration de la double nationalité entre la Côte d’Ivoire et la Haute Volta d’alors. 2009 voit la réactivation de nos relations bilatérales et la célébration en grande pompe, d’un traité d’amitié et de coopération entre nos deux pays. Au-delà de toute la satisfaction que nous procure ce traité, mesurez vous-même à la fois l’avance qu’avait le président Maurice Yaméogo sur son temps et le travail colossal abattu par les présidents Comparé et Gbagbo pour remonter ce même temps. Me Hermann Yaméogo, bon sang ne saurait mentir, a eu toute l’intuition que la résolution de la crise ivoirienne passerait par Ouagadougou. De ce point de vue, il ne s’est pas trompé. En son temps, d’autres personnalités dont ma modeste personne avaient signifié expressément, que si le Burkina Faso n’était pas nécessairement impliqué dans cette crise, en revanche il était profondément et légitimement concerné par elle, pour une raison évidente, le poids de sa communauté en Côte d’Ivoire, l’obligeait à s’intéresser de très près à la résolution de la crise. C’est une juste lecture de la situation que Me Hermann Yaméogo a eu. Il faut le lui reconnaître et rendre à César, ce qui est à César...

S. : L’observation de politologues selon laquelle, “En Afrique, il y a des président et non des chefs d’Etat”, ne se justifie-t-elle pas avec l’attitude de Moussa Dadis Camara en Guinée Conakry ?

S.Y. : Tout Africain ne peut que se sentir choqué par les tueries de civils du 28-Septembre à Conakry. Abattre dans des conditions et des proportions les plus inhumaines des civils pacifiquement réunis pour débattre du sort de leur pays a quelque chose à la fois de choquant et révoltant. Les responsables politiques que nous sommes, au-delà de l’indignation, de la protestation la plus véhémente doivent s’efforcer de comprendre l’incompréhensible et expliquer l’inexplicable. Pour cela, il faut se donner le temps de recueillir l’information vraie sur ce qui s’est réellement passé, car ce drame dépasse l’entendement. Dadis Camara a accédé au pouvoir dans les conditions que l’on sait, avec le dessein maintes fois proclamé d’améliorer le sort du peuple guinéen, avant de partir... Quelles que soient les turpitudes du CNDD et l’inconséquence supposée de son premier responsable présumé, il y a un paradoxe à inaugurer sa précampagne électorale par des tueries. Dadis Camara est responsable de ce drame. En est-il le commanditaire ? Pour ma part, je ne peux incriminer personne, avant d’avoir compris les mobiles inexplicables qui ont conduit à cette tragédie. La situation en Guinée-Conakry dépeint en noir l’image de l’Afrique et sa quête de démocratie. Aussi, je forme simplement le souhait que la médiation confiée au président du Faso permette d’apaiser le climat, en situant les responsabilités dans les tueries, pour se donner la chance de trouver un scénario favorable au retour à l’état de droit, de sorte que ceux qui seront appelés à gouverner aient effectivement reçu l’assentiment du peuple de Guinée. Ce pays se trouve actuellement dans une situation préoccupante pour tous, Africains et communauté internationale.

S. : Après la Côte d’Ivoire et le Togo, Blaise Compaoré a-t-il réellement la possibilité de réussir dans ce qui s’apparente à un bourbier ?

S.Y. : Je voudrais paraphraser le ministre d’Etat en charge des Affaires étrangères pour rappeler : “C’est parce que la situation est difficile que le choix de la CEDEAO s’est porté sur Blaise Compaoré “. Force est de reconnaître que depuis 10 à 15 ans voire après le décès de Félix HouphouÎt-Boigny, tous les chefs d’Etat de la sous-région se connaissant, Blaise Compaoré a pris un ascendant manifeste en matière de facilitation. C’est probablement l’expérience acquise par le président du Faso dans la résolution des crises togolaise et ivoirienne qui a milité en faveur de sa désignation. Si l’on ajoute certainement aussi sa connaissance du mode opératoire des militaires. La Guinée n’est certes pas le Togo, encore moins la Côte d’Ivoire. Mais au regard des succès déjà engrangés en matière de facilitation, Blaise Compaoré dispose d’atouts réels pour mettre les protagonistes guinéens face à leurs responsabilités et les ramener à la table des négociations. Il saura, j’en suis convaincu, mettre à profit ses capacités d’écoute et de discernement pour concilier les différentes positions.

Interview réalisée par Jolivet Emmais (joliv_et @yahoo.fr)

Sidwaya

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