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Production agricole au Burkina Faso : La bataille du riz continue

Publié le mercredi 7 octobre 2009 à 02h57min

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La crise alimentaire a relancé la production rizicole au Burkina à l’image du Mali et du Sénégal. Pour cette campagne agricole, les prévisions de la écolte sont estimées à près de 300 000 tonnes. Une bonne performance qui viendra couronner les efforts du gouvernement, alors que le pays n’a produit seulement que 68 916 tonnes de riz, la campagne 2007-2008.

Le Burkina poursuit le coup de pouce à la filière riz après la production record de 235 810 tonnes au cours de la campagne 2008-2009. Cette offensive vise surtout à mettre le pays à l’abri des soubresauts du phénomène de la vie chère, qui avait plombé courant 2008, les prix des denrées alimentaires, notamment du riz provoquant des émeutes de la faim. Pour la campagne 2009-2010, 100 000 hectares de riz ont été emblavés. « Si tout se passe comme prévu, nous irons vers une production de 300 000 tonnes », estime le coordonnateur du Projet riz pluvial, Youssouf Ouattara.

Cela représenterait une hausse de 20 % par rapport à la récolte précédente. Denrée très présente dans les assiettes des Burkinabè à l’image des Maliens et des Sénégalais, le riz était pourtant produit en faible quantité. Pour le président de l’Union nationale des producteurs du Burkina « ils étaient (les producteurs) étaient même des laissés-pour-compte ». Si Georges Kiénou se réjouit du fait que le problème de la vente du riz local est un « vieux souvenir », il pense que la balle est désormais dans le camp des producteurs.
Pour lui, ces derniers doivent produire suffisamment pour nourrir les Burkinabè et surtout, reconquérir le marché « perdu ». « Il y avait un problème de marché mais aujourd’hui avec la crise, le riz s’enlève. Notre riz est sain et de bonne qualité », insiste-t-il comme pour rassurer les ménagères qui ont longtemps reproché au riz local de contenir des impuretés et de ne pas gonfler. M. Kiénou explique que le riz local ne gonfle pas parce qu’il est justement frais et contient de l’eau. La production nationale ne couvre qu’un tiers des besoins obligeant l’Etat à importer d’énormes quantités de riz asiatique.

M Ouattara explique les récentes performances de la filière rizicole par le fait que l’envolée des prix « a surtout incité les gens à la production du riz.
Un peu partout nous avons observé un regain d’intérêt pour la culture du riz même dans les zones cotonnières, les paysans ont plus ou moins abandonné le coton pour se tourner vers la production rizicole ». Cet élan est soutenu par la deuxième phase du Projet riz pluvial (PRP) qui entend doubler les surfaces consacrées au riz pluvial de 7500 à plus de 15000 hectares. Toutefois, Youssouf Ouattara avoue que la demande est maintenant plus forte que « nos possibilité ». C’est pourquoi, il invite les producteurs à lorgner vers d’autres bailleurs pour les aider à aménager et à mettre en valeur les bas-fonds. En effet, le Burkina dispose d’environ 500 000 hectares de bas-fonds aménageables. « Je pense que le seul Projet riz pluvial ne peut pas tout faire.
Si tout ceux qui veulent intervenir dans la riziculture se mettent dans les aménagements, il est possible que nous ayons de bons résultats en un laps de temps », précise M Ouattara. Il est prévu l’utilisation des semences pluviales en riziculture pluviale. « On les a déjà testées cette année, on voit que ça donne de bons résultats », poursuit Youssouf Ouattara, agronome de formation.

La crise alimentaire profite aux producteurs

Si la crise alimentaire a mis à rude épreuve les politiques agricoles jadis basées sur l’importation du riz asiatique, elle a, en revanche, été bénéfique pour les producteurs de riz. Ceux-ci ont de nouveaux le sourire aux lèvres. « La crise nous a fait un profit à telle enseigne que le gouvernement ne peut plus ignorer les producteurs de riz. Alors qu’avant, on criait avec le riz sous nos bras et personne ne venait à notre secours », avoue le président de l’UNPR-B. En effet, la survenue de la crise a inversé cette tendance. Les prix d’achat du riz se sont améliorés au profit des producteurs qui peinaient à écouler leur production à 100 voire à 90 F CFA. Désormais, de la plaine rizicole de Banzon à celle de Bagré en passant par celle de la vallée du Kou jusqu’au Sourou, ils vendent leur riz à plus de 125 F CFA. « …Certains le liquident même à 175 F CFA », précise Georges Kiénou ajoutant que cette embellie a fait doubler les superficies emblavées.

Les exploitants d’un demi-hectare sont passés à un hectare et le nombre des producteurs de riz s’est accru à près de 5200. Dans la foulée, les producteurs estiment que « fixer le prix du riz n’est pas un travail du gouvernement ». Ils souhaitent plutôt que l’Etat soutienne la production en subventionnant les intrants sur deux voire
cinq ans.

L’engouement autour de la production du riz est tel que les zones délaissées comme le Sahel et le Nord ont emboité le pas. « Les rendements n’y sont pas faibles, bien au contraire. A cause de la pression foncière, les producteurs exploitent très bien le peu de superficies qu’ils ont », observe M Ouattara, précisant que les rendements au Sahel et au Nord oscillent entre 3 et 5 tonnes à l’hectare. Le prix se faisant de plus en plus intéressant et la commercialisation garantie par l’Etat et les autres bailleurs ont fait tomber la difficulté qu’avaient les producteurs à écouler le riz paddy.

De plus, le PRP a acquis des décortiqueuses. Ce matériel aide les producteurs à décortiquer leur riz, en vue d’avoir un produit de qualité vendu dans les marchés. « Ce qui n’était pas le cas à une période récente où on mettait en doute la qualité du riz parce qu’il était battu à terre et contenait par conséquent, des cailloux », martèle le coordonnateur du PRP. Il estime que le riz local peut même concurrencer celui d’origine asiatique.
L’Etat qui avait cru que le seul Projet riz pluvial suffisait à baisser ses importations de riz s’est leurré. En cause, des changements d’habitudes alimentaires. Des producteurs refusent de vendre leur riz pour le consommer. Cela induit que l’Etat va continuer à importer du riz. En 2008, les importations de riz s’élevaient à environ 40 milliards de F CFA. Les producteurs réclament la moitié pour pouvoir produire suffisamment et reconquérir le marché local.

C’est pourquoi, l’Etat mise désormais sur l’intensification de la riziculture et sur l’accroissement des surfaces emblavées et des rendements en vue de réduire ses importations. L’option des systèmes de la riziculture intensive pourrait aussi être une alternative. Car le Burkina dispose d’environ 500 000 hectares de bas fonds propices à la riziculture.
Cette technique permet de multiplier la production de riz par six. Econome, naturel, il permet à l’homme de gagner et l’environnement aussi. Il y a aussi l’utilisation du riz pluvial sur des champs où on peut produire du maïs.

« Je parie fort que si nous continuons sur cette lancée, dans les dix prochaines années, nous avons de fortes chances de réduire voire supprimer l’importation du riz en incitant surtout la consommation du riz national par les populations », analyse le coordonnateur du PRP.
En 2008, l’Etat a dépensé plus de 40 milliards dans l’importation de riz.
Mais ce chiffre devrait chuter, compte tenu du fait que la production a doublé, l’an passé. Toujours est-il qu’à quelque chose, malheur est bon, la crise alimentaire a fait prendre conscience aux Burkinabè que leur riz local est de bonne qualité. A preuve, le riz de Bagré est très prisé et manque dans les rayons des super marchés. « En fait, ce n’était pas un problème de goût, c’était plutôt dû à la présence des cailloux dans le riz et au fait qu’il y avait un taux élevé de brisure à cause des moulins polyvalents », explique Youssouf Ouattara.

S. N COULIBALY

Sidwaya

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