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FRONTIERE BURKINA-BENIN : Le différend porté devant la CIJ

Publié le mardi 8 septembre 2009 à 06h29min

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Suite à la rencontre ministérielle de travail entre les délégations du Bénin et du Burkina le 11 mai dernier à Ouaga en vue d’examiner les modalités pratiques de saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) du dossier frontalier entre les deux pays, une délégation gouvernementale effectue une mission à Cotonou (Bénin) du 6 au 9 septembre 2009. Objectif : signer le compromis de saisine de la CIJ.

La délégation burkinabè, forte de 27 membres et conduite par Alain B. Yoda, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la coopération régionale, comprend aussi les ministres de la Sécurité, Emile Ouédraogo et de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Clément P. Sawadogo. Ils sont accompagnés par le gouverneur de la région de l’Est, Kilimité T. Hien, de l’ambassadeur du Burkina au Bénin, d’experts ainsi que des hommes de médias.

Au salon d’honneur de l’aéroport de Cotonou, la délégation burkinabè a été accueillie par deux ministres béninois : celui de l’Intérieur et de la sécurité publique, Armand Zinzindohoué et son homologue des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine, de la francophonie et des Béninois de l’extérieur, Jean-Marie Ehouzou.

Alain B. Yoda, répondant aux questions de la presse, a noté que le Bénin et le Burkina font partie de nombreuses organisations sous-régionales et continentales, notamment la CEDEAO, l’UEMOA, le conseil de l’Entente, etc. Pour le chef de la délégation burkinabè, l’objectif de la mission burkinabè consiste à se mettre d’accord avec les Béninois sur le différend frontalier. Alain B. Yoda est complété en cela par le ministre béninois de l’Intérieur qui souligne que les deux chefs d’Etat du Bénin, S.E. Yayi Boni et S.E. Blaise Compaoré du Burkina Faso, ont pris la sage décision de porter leur différend devant la CIJ.

Il importe de savoir que le Burkina Faso et le Bénin partagent une frontière commune longue de 285 km et que la portion qui pose problème porte seulement sur 10 km. La ligne de démarcation qui sépare les deux pays se situe au niveau du 11 parallèle et passe par le village de Koualou. Un protocole d’accord avait été signé en 2008 dans lequel les deux Etats avaient convenu des points suivants :
- renoncer à poser des actes de souveraineté sur la zone litigieuse ;
- organiser des rencontres de concertation entre les forces de sécurité et les autorités administratives ;
- permettre aux populations de se faire recenser et/ou voter sur le territoire de leur choix ;
- réaliser des infrastructures communautaires au profit des populations ;
- organiser des patrouilles conjointes bénino-burkinabè en vue de sécuriser le corridor Ouaga-Cotonou.

La réunion de Cotonou permettra d’échanger autour des réalités vécues sur le terrain et finalement de porter le différend devant la CIJ. Ce ne sera pas une première pour le Burkina. Déjà en début d’année (février 2009), notre pays et le Niger avaient agi de la sorte.

La cérémonie d’ouverture de la rencontre pour la conclusion du compromis de saisine de la cour internationale de justice par le Bénin et le Burkina Faso au sujet de leur différend frontalier a eu lieu le 7 septembre à Cotonou, dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères. A la tribune officielle, quatre ministres étaient présents. La partie béninoise était représentée par le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique, Armand Zinzindohoué et le ministre des Affaires étrangères, de l’intégration africaine, de la Francophonie et des Béninois de l’extérieur, Jean-Marie Ehouzou. Côté burkinabè, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Alain Bédouma Yoda était flanqué du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Clément P. Sawadogo. Dans leurs discours, les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont dit avoir reçu des instructions de la part des présidents Blaise Compaoré et Yayi Boni pour soumettre le différend frontalier à la Cour internationale de justice (CIJ), organe judiciaire de l’ONU dont la jurisprudence et l’autorité s’imposent à tous les membres.

Pour rappel, les négociations entamées hier 7 septembre sont historiques pour plusieurs raisons. C’est à la suite des incidents frontaliers ayant éclaté en 1979 entre la Haute-Volta et le Bénin, suite à l’aménagement dans la région de Niambouli de 1000 hectares de riziculture par la société béninoise de l’industrie et de l’aménagement hydraulique (SONIAH), qu’une commission mixte paritaire bénino-voltaïque de délimitation de la frontière a été créée. Sa première session a eu lieu du 19 au 22 février 1980 à Cotonou. A ce jour, ce sont 10 sessions qui ont été tenues.

C’est à la 6e session, ayant eu lieu du 10 au 12 janvier 1991 à Ouaga, que les divergences ont commencé à faire jour. Un consensus s’était pourtant dégagé sur le tracé théorique de la ligne frontière entre les positions des deux délégations depuis le triple point Bénin-Burkina-Niger jusqu’à l’intersection de la rivière Pendjari avec le 11 parallèle. La commission a alors décidé de poursuivre les concertations pour achever la délimitation du tracé théorique du reste de la frontière. Mais trente longues années après, force est de constater que le Burkina Faso et le Bénin ne sont pas encore parvenus à ’’s’entendre sur l’interprétation à faire du droit colonial tel que légué par l’histoire’’, dixit le ministre béninois des Affaires étrangères. Les négociations ouvertes à Cotonou consacrent donc l’inauguration d’une autre période dans le règlement pacifique et définitif du différend entre les deux pays. Le Bénin et le Burkina Faso ont toujours affirmé leur volonté de préserver le climat de paix et de bon voisinage en vue d’assurer le développement et l’épanouissement des populations, ont affirmé les ministres des deux Etats.

Après la cérémonie d’ouverture, les ministres, chefs des deux délégations, ont laissé la place aux experts afin que ceux-ci échangent sur les modalités pratiques de saisine de la CIJ. A en croire les différentes parties, quelques heures seulement devraient suffir. Les résultats des concertations sont attendus dans la matinée du mardi 8 septembre.

Histoire d’une négociation

Ernest Dramane Diarra, directeur général des circonscriptions administratives et frontalières, membre de la délégation du Burkina Faso à Cotonou, fait ici l’historique des négociations.

"Les négociations avec les Béninois, à propos de notre frontière commune, ont commencé en 1980. Les discussions se poursuivaient normalement. Le Burkina Faso a même fait des concessions auparavant dans l’espoir que le Bénin en fasse autant en temps opportun. Les mésententes sont apparues à partir de la zone de Koualou où chaque partie s’accrochait aux documents en sa possession. Le blocage s’est exacerbé dès lors que le Bénin a refusé de faire à ce niveau une concession alors que le Burkina en avait déjà fait deux auparavant. Ce sont en tout 10 sessions qui ont eu lieu pour les négociations et les blocages ont commencé à partir de la 6e session en 1991. Aussi, à la faveur de leur rencontre en mai 2009 à Ouagadougou, les présidents Blaise Compaoré du Burkina et Yayi Boni du Bénin ont décidé de saisir la CIJ pour trancher, suivant le droit, le différend frontalier."

Au coeur des discussions

Le Bénin propose un projet de Traité portant délimitation partielle de la frontière. L’argument avancé, c’est que le champ d’application du compromis sera ainsi réduit à la seule zone de Kourou/Koualou. Ce faisant, les Béninois (ce qu’ils ne disent pas), bénéficieront des concessions que les Burkinabè leur avaient faites auparavant, eux qui espéraient que leurs vis-à-vis feraient de même plus tard, ce qui n’a pas été le cas et qui a sans doute été à l’origine du blocage pour aboutir finalement aux présents échanges de Cotonou. C’est pourquoi la partie burkinabè demande plutôt que la Cour internationale de justice soit saisie sur l’ensemble de la frontière séparant les deux pays. Cette proposition, selon les Béninois, sera plus large et plus vaste. En plus, ’’elle demandera aux deux parties plus d’efforts dans les recherches documentaires, plus de moyens financiers dans l’élaboration des pièces de procédure et plus de temps’’. Les négociations sont donc ouvertes pour que les experts des deux parties, sur la base des avantages et des inconvénients de l’une ou de l’autre option, soumettent à la fin de leurs travaux, les documents à leurs ministres pour signature.

Par Boureima OUEDRAOGO SONRE (Envoyé spécial à Cotonou)

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 8 septembre 2009 à 12:07, par YAMBKATO En réponse à : FRONTIERE BURKINA-BENIN : Le différend porté devant la CIJ

    Il faut se féliciter déjà que les deux Président aient opté pour un règlement non armé ;il faut tout faire pour éviter de faire la guerre surtout ;que DIEU nous accompagne dans cette voie civilisée

  • Le 8 septembre 2009 à 19:59 En réponse à : FRONTIERE BURKINA-BENIN : Le différend porté devant la CIJ

    Que Diantre allons nous faire dans cette galère !!!
    Nos deux pays n’ont pas autre chose à faire que de se quereler pour une bande de terre de 10 kms ? Kwame NKRUMA, réveille toi !
    Cette pécadille coûtera combien de francs aux 02 pays qui ont déjà trop à faire ?
    Arrêtez là !
    IRIGA

  • Le 9 septembre 2009 à 09:12 En réponse à : FRONTIERE BURKINA-BENIN : Le différend porté devant la CIJ

    Voilà une leçon de négociation pour la partie burkinabè : on ne fait jamais une concession dans l’espoir d’en obtenir une autre. Sinon, voilà ce que ça peut donner à la fin : on sort perdant.

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